Il me fit alors savoir que c’était une manière pour les gosses de lui dire : «regarde la couleur de ta peau».
Sur le coup, j’ai éclaté de rire, tandis que mon pote ruminait sa colère.
Cela me paraissait amusant, mais tout aussi vexant avec le recul.
Et c’était devenu d’autant plus exaspérant que sur 300 mètres, ces gamins nous suivirent en scandant «Azzis, azzis…», en étant cependant suffisamment loin pour pouvoir prendre la poudre d’escampette. Au cas où…
Néanmoins, ce n’était pas tant le comportement de ces gosses, dont le plus âgé devait à peine avoir 10 ans, qui nous agaçait, mais plutôt l’attitude des passants.
C’est à peine s’ils ne les encourageaient pas dans leurs bêtises. Ils en rigolaient, plutôt que de les dissuader.
Une telle chose est inimaginable au Sénégal.
Ma perception du Maroc commençait alors à radicalement changer, car je venais de vivre une journée instructive à plus d’un titre.
J’ai compris ce jour-là que pour vivre en paix dans ce pays, il fallait savoir prendre sur soi et ne pas réagir au quart de tour.
Il fallait savoir prendre de la hauteur.
Faute de quoi, tu disjonctes, comme cela est arrivé à plusieurs amis qui ont préféré retourner au bercail, emportant dans leurs valises de très mauvais souvenirs du Maroc.
De retour à la maison, c’était séance cuisine. Il fallait bien se nourrir.
J’avais une période de grâce de quelques jours avant de me mettre aux fourneaux.
Mais je devais apprendre, car l’on préparait à manger à tour de rôle.
Et quand je pense à toutes les conneries que l’on ingurgitait, je me dis aujourd'hui :«Al Hamdoulilah, je suis encore en vie».
(A suivre)
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D. W.