-Alors que le Maroc mise sur le tourisme pour dynamiser son économie estivale, de plus en plus de Marocains (résidents comme expatriés) tournent le dos à leur propre pays.
Tarifs prohibitifs, services décevants, hébergements surévalués : les vacances au Maroc coûtent cher, souvent trop cher, pour une expérience qui peine à convaincre.
Le Maroc est peut-être ensoleillé, mais y passer l’été devient un luxe que de plus en plus de Marocains ne peuvent plus s’offrir. Entre hébergements hors de prix, qualité de service aléatoire, et flambée des tarifs dans les villes côtières, la destination nationale déçoit, y compris ceux qui devraient en être les plus fidèles : ses propres citoyens, locaux comme expatriés.
Dans les hôtels d’Agadir, de Marrakech ou de Tanger, la nuitée atteint facilement les 1.500 à 2.000 dirhams, sans forcément garantir ni propreté irréprochable, ni service professionnel.
L’alternative des appartements locatifs, très prisée par les familles, n’est guère plus reluisante. Murs décrépis, absence d’équipements de base, pratiques abusives et absence de régulation en font une loterie coûteuse.
«On paie cher pour une prestation souvent banale, voire bâclée, et un service qui ne suit pas», nous explique un agent du voyage basé à Marrakech.
«Depuis deux ou trois ans, l’écart entre le prix demandé et le service offert est devenu indéfendable».
Longtemps considéré comme un marché de repli en cas de crise touristique internationale, le client marocain n’est plus au centre de la stratégie des opérateurs. En haute saison, la loi de l’offre et de la demande sert de justification à tous les excès.
«On a beau parler de patriotisme économique, le tourisme au Maroc s’adresse avant tout à ceux qui peuvent aligner les billets. Les familles marocaines, elles, s’adaptent ou s’éloignent», nous explique-t-il. D’après lui, «l’évasion estivale vers l’Espagne ou la Turquie n’est plus un caprice de riche, mais une recherche de valeur».
Un constat partagé par les chiffres de réservation : depuis plusieurs étés, les destinations comme Alicante, Fuengirola, Faro ou Bodrum gagnent du terrain chez les Marocains, au détriment des plages locales pourtant prisées. Le tout, facilité par les compagnies low-cost, les offres tout-compris, et surtout une perception : à budget équivalent, l’étranger promet mieux.
Les MRE, une fidélité en berne
Le désamour est encore plus marqué chez les Marocains du monde. Ceux-là mêmes qui revenaient chaque été, en masse, pour renouer avec le pays, se tournent désormais vers d'autres rivages. L’Espagne et le Portugal sont devenus leur point de chute préféré, transformant le séjour au Maroc en simple étape familiale.
«Le Maroc, c’est pour voir les parents, pas pour se détendre», tranche Samir, cadre installé à Lyon. «Cette année, j’ai passé quatre jours à Fès, le reste en Algarve (district de Faro). Pour moins cher, j’ai eu une villa avec piscine, une plage propre, et personne pour me demander 50 dirhams pour poser ma serviette».
Pour notre consultant, ce décrochage n’est pas une surprise. «Tant que les opérateurs continueront à raisonner en termes de rendement immédiat, on perdra nos touristes les plus loyaux. Et quand ils partiront, ce ne seront pas les campagnes de pub qui les feront revenir».
Déjeuners expéditifs, factures salées
Sur les réseaux sociaux, les publications et témoignages se multiplient pour dénoncer une autre forme d’inflation : celle de la nourriture.
Dans plusieurs villes du nord, notamment à M’diq, Cabo Negro ou Saïdia, les prix affichés dans les snacks, cafés et restaurants suscitent l’indignation. Une bouteille d’eau habituellement vendue à 3 dirhams atteint parfois les 15, voire 20 dirhams en bord de mer.
Les sandwichs basiques s’affichent à 70 ou 80 dirhams. Certains menus familiaux dépassent facilement les 300 ou 400 dirhams pour des prestations qui, souvent, laissent à désirer.
«On se fait plumer du matin au soir, même pour manger un simple tagine», écrit une internaute sur X. «Pour une famille, c’est un gouffre. Quand tu payes une petite fortune pour boire un café au soleil, tu finis par te dire que les vacances, c’est ailleurs».
Cette surenchère alimente un sentiment d’injustice avec des vacanciers qui ont le sentiment de ne plus être considérés comme des clients à fidéliser, mais comme des proies de saison.
Au-delà des tarifs, c’est la relation entre l’offre touristique et le client marocain qui semble rompue. «On a un vrai problème d’éthique commerciale dans certaines zones balnéaires. Locations illégales, surfacturation, qualité déplorable… Résultat, même les hôteliers sérieux en pâtissent», souligne notre source.
A ce jour, les tentatives de riposte sont timides. La campagne institutionnelle «Ntla9awfbladna» a bien tenté de capter l’attention des MRE et des nationaux. Mais à 2.000 dirhams la nuit (que pour l'hébergement), difficile de convaincre une famille avec deux enfants de venir passer dix jours à Saïdia plutôt qu’à Palma de Majorque.
Quoi qu’il en soit, le tourisme au Maroc se trouve à la croisée des chemins. Tant qu’il continuera à se reposer sur une saisonnalité extrême et une clientèle étrangère perçue comme plus rentable, les résidents comme les expatriés resteront sur la touche.
«Le Maroc n’est pas trop cher pour le monde, il est trop cher pour ses propres enfants», conclut sèchement notre professionnel. «Et ça, c’est le vrai problème».