C’est reparti pour une nouvelle vague très virulente qui touche aujourd’hui pratiquement toute l’Europe. L’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche, la France, l’Italie, la Suisse, la Pologne, la Russie, pour ne citer que ces pays qui sont dépassés par la recrudescence des cas de Covid-19, atteignent des chiffres qui font peur, après une légère accalmie après la saison estivale. Fermeture des frontières, reconfinements, unités de soins saturés… C’est reparti comme en mars 2020, à la différence qu’il y a moins de morts. La cause ? Le refus de se faire vacciner en criant au complot, en brandissant des slogans affirmant que les États veulent tuer leurs citoyens. Oui, rien que cela ! Et à quelle finalité, les États veulent-ils se débarrasser des populations ?
Pourtant, toutes les études médicales attestent de l’importance de se faire vacciner en plusieurs doses pour lutter contre le coronavirus et éviter la mort. Ce qui est le cas de pratiquement 98% des personnes vaccinées, qui luttent aujourd’hui mieux face au virus et à ses ravages. En face, nous n’avons aujourd’hui aucune étude digne de ce nom qui affirme que le vaccin peut tuer et qu’il est mis en place pour éliminer une partie de la société mondiale. Voici pour le constat médical limpide tel qu’il se lit aujourd’hui, à travers des dizaines d’études provenant d’Allemagne, via le très sérieux institut Max Planck, des USA, du Japon, de la Chine, de la Russie, de la France, de l’Angleterre, de l’Espagne, de l’Italie, de l’Inde, du Brésil…etc.
Au Maroc, une partie de la société s’érige en opposants au vaccin, criant au scandale et incitant les populations à ne pas se faire vacciner. C’est dans cette optique que d’aucuns ont réagi à chaud face à la mesure édictée par le gouvernement marocain d’avoir un pass vaccinal, qui découle logiquement d’un processus lancé depuis le début de la campagne de vaccination au Maroc.
Mais, des réactions à chaud peuvent souvent être porteuses de zones d’ombre, tout en en créant d’autres. Et c’est exactement ce que donnent tous ces sons de cloche, commis par les uns et les autres, surtout quelques commentateurs de la vie marocaine, qui n’ont rien à voir avec la presse et le journalisme, et qui s'indignent de tout en ressortant ce brassard éculé des «justiciers» en retard d’une époque sur les réalités du pays.
Il faut dire que les réseaux sociaux ont donné la voie au chapitre à tout le monde, à tous les «analystes du dimanche», chacun avec son opinion, chacun avec ses accusations, chacun avec ses invectives, sans apporter aucune lecture logique et rationnelle à propos de ce pass vaccinal.
Ceci réglé, passons à une lecture sérieuse et rigoureuse de cette question, sommes toute, très simple, du pass vaccinal obligatoire. Sans donner dans les effets de manche et slogans surannés, sans jouer aux outrés et offensés, nous analysons la chose avec recul et distanciation, à la lumière des réalités de ce pays.
Parler des libertés individuelles des Marocains nécessite obligatoirement de dépassionner le propos et d’aller au fond des choses, sans se perdre dans les approximations et les généralités, communes à tous, mais très éloignées de la responsabilité journalistique qui doit d’abord informer, apporter des faits, avant de juger et d’accuser en incitant une partie de la société à manifester, avec ce risque de créer une scission profonde au sein du tissu social marocain. Ce qui peut s’avérer lourd de conséquences.
De quoi s’agit-il donc dans cet imbroglio qui n’en est pas un ? C’est très simple : depuis le jeudi 21 octobre 2021, pour entrer dans une administration publique, dans un restaurant ou dans un commerce, il faut être muni d’un pass vaccinal qui prouve que vous avez été vacciné et que vous ne représentez pas un danger pour vous et pour les autres. Dans la foulée, les commerçants et les entreprises peuvent refuser les clients, mais aussi leurs salariés non vaccinés contre le Covid-19. Les déplacements entre les préfectures et les provinces, ainsi que l’accès aux aéroports, sont également conditionnés par la présentation de ce document.
D’abord, une chose claire : toute personne vaccinée a droit à un document le prouvant. Ce même document permet d’éviter d’avoir des autorisations et d’éviter des tracas administratifs dont on peut très bien se passer vu les queues devant les centres de soins et les préfectures et autres arrondissements, dans l’irrespect de toutes les mesures préconisées par les autorités. Avec cette constante, les Marocains, dans une large majorité, n’ont pas respecté les mesures de distance ni le port de masque, encore moins les mesures d’hygiène importantes pour éviter la contamination.
Depuis deux ans, dans cette valse de confinements et de déconfinements, une majorité d’entre nous joue à la roulette russe, pensant que cela n’arrive qu’aux autres. On l’a bien vérifié cet été, avec ce relâchement mortel qui a coûté la vie à plus de 7.000 Marocains supplémentaires, qui se sont ajoutés à une liste déjà tragique, avec presque 1 million de contaminés et un nombre de décès qui avoisine les 15 000 morts. Et ce n’est pas fini, malgré la baisse du nombre de cas par jour et du nombre de morts. Étant dans le flou le plus absolu face à cette pandémie, étant dans l’incapacité de prévoir de quoi sera fait le jour d’après, nous sommes loin d’être à l’abri d’autres vagues successives qui peuvent décimer encore plus de monde.
Maintenant, le grand reproche à faire aux autorités est de répéter les mêmes schémas de communication avec les populations en annonçant toujours, presque à la dernière minute, l’entrée en vigueur de certaines nouvelles mesures et autres décisions importantes. Sur ce volet, le gouvernement Akhannouch commet sa première grande erreur. Annoncer trois jours avant une mesure aussi drastique que le pass vaccinal. C’est là un irrespect total pour les Marocains.
En cela, il n’y a aucune rupture avec l’ancien gouvernement de Saâd Eddine El Otmani. Confondre vitesse et précipitation est devenue monnaie courante pour les responsables marocains, qui semblent pris de vitesse et agissent en réaction, ne sachant ni anticiper ni prévoir les coups. Pas très rassurant pour la suite, mais on ne va pas tirer non plus des conclusions hâtives. On va attendre et on va juger sur pièce.
En ce qui se réfère à la mesure en elle-même, elle n’a rien de liberticide. Mais si les Marocains avaient été avisés et mis au courant à temps, on aurait pu éviter les bagarres dans les vaccinodromes, les mouvements de foule, la panique et l’angoisse des uns et des autres. Tout ceci est contre-productif quand on oblige les gens à se dépêcher pour pouvoir avoir un semblant de «vie normale», sachant qu’il faut faire le deuil de cette supposée normalité de la vie, puisque le monde a changé, les donnes ont changé, que les paradigmes de la vie sur cette planète suivent aujourd’hui d’autres impératifs qui excluent de manière claire la vie comme elle l’a été avant mars 2020 et l’expansion planétaire de la pandémie du Covid-19. Il faut le comprendre une bonne fois pour toute : le monde tel que vous l’avez connu, il y a de cela deux ans, est révolu. Il n’existe plus. Bienvenus à tous dans un monde aseptisé, stérilisé, avec des interdits, avec des limites, avec des frontières plus opaques, avec des comportements nouveaux qui annoncent un monde où tout le monde doit montrer patte blanche pour travailler, pour sortir, pour se déplacer, pour continuer à croire à cette chose si lointaine aujourd’hui que nous nommons «vie». Tout le monde est en survie, en apnée, dans l’attente de ce que sera la normalité dans les prochains mois et les prochaines années.
Abdelhak Najib Écrivain-journaliste