La polémique autour de l'examen du barreau ne désenfle pas.
Entretien avec Me Omar Mahmoud Bendjelloun, membre du conseil de l’Ordre des avocats de Rabat, de l'ABAM, professeur universitaire et acteur politique.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : Tout d’abord, dressez-nous l’état des lieux de la profession et des maux dont elle souffre ?
Me Omar Mahmoud Bendjelloun : Les Barreaux souffrent d'une orientation générale des derniers gouvernements successifs, surtout l'actuel qui est à tendance néolibérale. Le gouvernement entend réduire la mission universelle de la défense à de l'artisanat prestataire vide de tout pouvoir d'influence constitutionnelle ou politique. Et le neutraliser de son rôle de contre-pouvoir, alors que son rôle est l'essence même du développement politique et démocratique de chaque nation. Cette volonté s'exprime par le fait de permettre la surpopulation, le traitement de la défense par le pouvoir judiciaire et exécutif, le laisserfaire concurrentiel, l'impôt, le blocage des moyens de formation et d'élévation diplômante. Et ce, par une volonté notoire de réduire les prérogatives de la défense et sa neutralité dans les différents projets de loi en relation avec la défense, notamment la loi sur la profession, le code de procédure civile et pénale.
F.N.H. : La polémique autour de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat fait couler beaucoup d’encre. Elle rappelle celle déclenchée en décembre 2022. Quelle lecture en faites-vous ?
Me O.M.B. : Une poignée d'étudiants a réussi à obliger le gouvernement à se résoudre à ses doléances. Le problème c'est que le résultat sonne faux légalement et politiquement : celui de mettre en place un autre examen à l’accès à la profession en 6 mois. Ce gouvernement induit les jeunes marocains en erreur, en leur donnant un permis de conduire sans véhicule de conduite, à savoir la formation, les conditions de travail et le travail en soi. Il manipule l'opinion publique par une falsification des statistiques de l'emploi à travers le fait de donner des licences d'exercice professionnelles sans travail afin de réduire le chiffre du chômage, alors qu’ils jettent des centaines de jeunes dans les bras du chômage. Avoir le certificat d'exercice ne signifie pas que c'est une création effective de l'emploi. C'est une escroquerie.
F.N.H. : Estimez-vous qu’il y a eu ingérence du gouvernement dans la profession, en imposant un nouvel examen du barreau ?
Me O.M.B. : Le néolibéralisme autoritaire tend vers une annulation de la profession d'avocat représentant un contrepouvoir depuis la nuit des temps. Ils y ont de manière méthodique, mais depuis peu, il y a eu une accélération notoire, notamment l'interdiction d’accès des avocats aux tribunaux durant le coronavirus, les codes de procédure, les impôts ou encore l’examen. Oui à moyen terme, il y a une volonté notoire d'ingérence. D'abord à travers la tenue de l'examen par le gouvernement, ensuite par les différentes réformes qui tendent à réduire les prérogatives des conseils de l'Ordre et des bâtonniers en matière disciplinaire et autres. Enfin, la réduction du champ professionnel par différents moyens cités plus haut.
F.N.H. : L’Association des barreaux du Maroc (ABAM), dont vous êtes membre, a rejeté en bloc la tenue d’un nouvel examen du barreau. C’est un non catégorique au gouvernement et au médiateur. Quels sont vos arguments ?
Me O.M.B. : Les Ordres sont en incapacité d'accueillir les candidats et leur fournir des formations et des stages au niveau souhaité par la défense. Nous devons absolument attendre la mise en place du concours à la place de l'examen ainsi que l'Institut supérieur de la défense.
F.N.H. : Mustapha Baitas a souligné récemment que le gouvernement mettra en œuvre les recommandations à la lumière du rapport de l’institution du Médiateur et que le ministère de la Justice dispose de ses propres espaces de communication pour poursuivre le dialogue avec les parties concernées. Les dés sont-ils jetés, selon vous ?
Me O.M.B. : Ce gouvernement néolibéral et apolitique est en bataille psychologique contre les instances des avocats, montrant qu'il ne se soucie guère des méthodes participatives prévues par la Constitution et les modes de fonctionnement de l'avocature avec le pouvoir exécutif. C'est une orientation politique que de vouloir annuler ou annihiler la mission universelle de la défense. Malheureusement, ce sont des avocats et avocats stagiaires composant ce gouvernement qui sont au front de cette «corvée politique».
F.N.H. : A votre avis, quelle est la solution adéquate pour mettre fin à la problématique de l'examen des avocats ?
Me O.M.B. : Il faut suspendre tout examen avant l'entrée en vigueur des dispositions relatives à l'accès à la profession, soit le passage du système d'examen au concours et la mise en place d'un haut Institut de l'avocature. C'est prévu par les différents projets de loi, notamment sur la profession et l'institut, ce qui rend la tenue de ces 2 examens hors temporalité politique et complètement mauvaise pour la profession, qui tend à se mondialiser, à s'améliorer et à évoluer vers la modernité et la compétence.