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Face à la crise humaine : La fatalité de se tromper de progrès

Face à la crise humaine : La fatalité de se tromper de progrès
  • L’Homme a cru qu’avancer dans les âges était suffisant pour atteindre une forme élevée de progrès humain


L'humanité traverse aujourd'hui l'une de ses crises les plus profondes et les plus tragiques. Elle subit de plein fouet la rançon de son arrogance face au monde, face à la nature, face à sa propre histoire. 

L’Homme a cru qu’avancer dans les âges était suffisant pour atteindre une forme élevée de progrès humain, confondant chemin parcouru avec l’idée fausse que plus on avance, plus on réalise des avancées. 

Rien n’est plus faux. Rien n’est plus trompeur. Le progrès, sous toutes ses ramifications et toutes ses manifestations, n’est tributaire que de deux choses qui ne souffrent d’aucune ombre : d’abord, une vision humaine commune. Ensuite, une exigence morale dont l’unique visée est de rendre les humains meilleurs. 

Tout le reste, toute la littérature sur l’importance du développement par tous les moyens possibles et imaginables, toute cette mise en avant de faux défis pour justifier ce qui est contre-nature, toute cette idée tronquée du progrès verse dans un sens unique, celui du chaos et de la fin de l’Homme. Aucun destin n’exige de l’Homme de se départir de ce qui fait son essence au nom d’une quelconque idée de progrès. Rien ne peut justifier la perte de notre humanité au nom des découvertes scientifiques, au nom des révolutions barbares et au nom des guerres d’hégémonie. 

L’histoire humaine est un cumul de périodes aussi noires les unes que les autres qui convergent toutes vers une seule direction : celle qui anéantit le jugement humain et annihile sa capacité de refuser ce qui engendre le mal. Le mal est ici appréhendé sans aucune connotation à caractère religieux. 

Le mal est ici pris dans son sens basique : tuer au nom des avancées humaines. Rien. Absolument rien ne peut justifier que l’on sacrifie des millions de vies humaines pour une certaine idée du développement et du progrès. 

C’est une aberration de croire que l’on ne peut faire une omelette sans casser des œufs. D’aucuns diraient qu’il faut arrêter de désirer l’omelette. Ce n’est pas là une fatalité. Faire la guerre obéit à d’autres mécanismes plus profonds et plus enracinés dans les origines mêmes de l’Homme.

«C'est cette soumission au destin, ce renoncement absolu à toute velléité d'organiser sa propre vie, cette reconnaissance du fait qu'il est impossible de rien prédire, ni le meilleur ni le pire, mais qu'il est aisé, en revanche, de faire un faux pas dont on se repentira toute sa vie, c'est tout cela qui fait que le détenu se libère d'une certaine part de ses chaînes, retrouve le calme et même acquiert une sorte de grandeur» (Alexandre Soljenitsyne).

 On ne peut prétendre aujourd’hui, après 7000 ans officiels de dite civilisation humaine, que cette humanité a atteint une apogée quelconque ou un progrès digne de ce nom. 

Au prix des guerres, depuis l’aube desdites civilisations qui se sont succédée (Sumer, Babylone, l’Égypte antique, la Perse, la Grèce antique, Rome, les Incas, les Mayas, les dynasties arabes, le Saint Empire Germanique, les Ottomans…), au prix des massacres, des génocides, des catastrophes humaines, d’invasions barbares et d’assassinats, l’Histoire est un feuilleton sanguinaire où les velléités hégémoniques l’ont toujours emporté sur la paix et la prospérité humaines.  

«On compare parfois la cruauté de l'homme à celle des fauves, c'est faire injure à ces derniers», avait écrit  l’auteur de L’idiot, Fiodor Dostoïevski. L'Homme porte en lui les germes du mal dans toute l’acception du vocable. L’Homme ne recule devant rien pour tout exterminer, même pour une lubie, même pour une broutille. 

Combien de massacres ont été commis au nom d’une bravade, à cause d’un mot plus haut qu’un autre, un rictus plus prononcé qu’un autre, et qui a été pris pour un défi ? Cette folie du sang trouve ses racines dans les premiers pas des humains sur cette terre. Il fallait tuer ou se faire tuer. 
Puis, ensuite, il a fallu tuer le frère, puis le voisin, puis l’ennemi qui lorgne votre bien, puis l’envie grandissante d’asservir tous les autres qui ne font pas partie du clan, de la communauté. 

Ce long chemin des humains se résume à une grande partie de chasse menée par des hommes affamés et assoiffés de faire couler du sang et de tuer le maximum possible. Et ce n’est jamais suffisant. 

Tout naît par le glaive et le sang et se termine par le glaive, dans le sang. «Ce qui manque si tristement au monde actuel, ce sont la grandeur, la beauté, l'amour, la compassion et la liberté. Fini le temps des grandes figures, des grands meneurs, des grands penseurs. À leur place, nous cultivons un bouillon de monstres, d'assassins, de terroristes, comme si nos gènes contenaient violence, cruauté et hypocrisie», écrivait l’auteur de la Crucifixion en rose, Henry Miller.

A quoi rime alors ces milliers d’années employés à perpétrer le meurtre et en faire une règle d’avancement dans l’histoire ? 

Pourquoi aucune grandeur n’est possible sans son lot de tragédies, de drames et de catastrophes humaines ? Pourquoi le monde ne peut plus enfanter de grands hommes, de grandes femmes, de grands penseurs, de grands humanistes habités par le sort des humains, travaillant sans relâche à décrypter cette société globalisée qui ne jure plus que par le forfait, le mensonge, la dissimulation et la cupidité qui mène à toutes les dérives ? Jamais l’humanité n’a été aussi pauvre.

Jamais l’humanité n’a été aussi indigente. Jamais elle n’a été aussi stupide. Jamais l’humanité n’a été aussi médiocre. Jamais elle n’a été aussi servile et soumise.

Soumise à la petitesse, soumise aux calculs d’apothicaires, soumise à la vulgarité, soumise à la vilenie, soumise à la crapule qui pullule, qui se multiplie comme un virus ravageur.  

Jamais l’humanité n’a autant nié ses origines pour verser dans une course folle vers le précipice.

Le progrès en question est censé élever cette humanité. Il est censé la rendre meilleure, au fil des âges et des époques. 
Il est censé faire surgir ce qui caractérise une humanité qui a cheminé longuement, passant par les périodes les plus noires de son Histoire, pour sortir de son animalité primale et gagner en intelligence à la fois par temps de conflits et par temps de paix.  

Ce progrès tant mis en avant et acclamé devrait faire de cette humanité un exemple de sagesse, un exemple de grandeur et de richesses intellectuelles et culturelles, dans tous les domaines du vivant. 

Le constat actuel ne souffre d’aucune ombre : horreurs, dévastations, cupidité, guerres, conflits, famines, angoisse, peurs, incertitudes… Ce ne sont pas là les signes d’un monde en progrès, mais d’un monde qui agonise. 

Enfin, à quoi rime cette mascarade d’atteindre ce dit haut degré de performances dans tous les domaines et ne générer que le mal, que la souffrance, que la peur et l’angoisse ? 

A quoi bon, si cette évolution débouche sur un Homme estropié, malade, moribond et hagard ? A quoi bon, si cette succession de cultures depuis l’aube de l’humanité à nos jours, n’a pu donner corps qu’à une forme extrême d’instabilité, à tous les étages, faisant de l’homme une ombre, un esclave, une marionnette qui consomme et se consume.

Par Abdelhak Najib Écrivain-journaliste

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