En 2022, le Maroc a enregistré près de 500 feux de forêt ayant ravagé plus de 22.000 hectares.
Face à la persistance de la sècheresse et à des températures de plus en plus élevées, il faudra faire preuve de vigilance.
Par M. Ait Ouaanna
Marqué par des températures particulièrement élevées, l’été est la période de l’année la plus propice aux feux de forêt. Un risque qui s'accroît de plus en plus en cas de sécheresse et de pénurie d’eau. Avant même le début de la saison estivale, notamment pendant le mois de mai, le Maroc a connu une succession d’épisodes de chaleurs intenses. Cette situation laisse présager un été assez chaud et, par conséquent, un risque d’incendies de forêt plus élevé. Récemment, l'Agence nationale des eaux et forêts (ANEF) a alerté sur un risque «moyen» à «extrême» d'incendies de forêts dans plusieurs provinces du Royaume durant les journées du 26 et 27 juin.
Effectivement, des feux de forêt se sont déclarés au cours de cette même semaine au nord du pays, précisément à Ksar Sghir et au niveau de la province de Fahs Anjra. «Nous assistons à une hausse de température excessive, vu qu’elle s’est déclenchée au Maroc très tôt, à compter du mois de mai. Cette dernière est due à plusieurs phénomènes qui surviennent suite notamment au réchauffement climatique. Nous remarquons actuellement que la température de l’océan atlantique, dans la zone intertropicale, est beaucoup plus chaude que la normale avec une profondeur plus importante, de 100 mètres. L’effet direct de ces montées de température est la sécheresse qui se poursuit depuis 2018», explique Mohammed-Saïd Karrouk, professeur de climatologie à l'Université Hassan II de Casablanca.
Selon le bilan dressé par l’ANEF au titre de l’année 2022, près de 500 incendies ont eu lieu au Maroc, soit 22.762 hectares (ha) de forêts endommagés. Des chiffres inquiétants, surtout lorsqu’on les compare à ceux enregistrés en 2021. D’après le ministère de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, près de 285 incendies ont été recensés de janvier à septembre 2021, touchant près de 10.300 ha de forêts, un bilan nettement moins lourd par rapport à celui de l’année suivante.
Concernant la répartition géographique, TangerTétouan-Al Hoceima se situe en tête des régions les plus affectées par les feux de forêt, avec 188 départs de feu et 18.704 ha endommagés en 2022. Vient ensuite la région de Fès-Meknès avec un total de 99 départs de feu et une zone de 1.775 ha ravagée. Pour le professeur MohammedSaïd Karrouk, le stress hydrique qu’affronte le Maroc constitue un obstacle majeur face à la gestion des feux de forêt. «Le Royaume fait face à un manque d’eau considérable. Le niveau de remplissage des barrages a baissé de manière drastique, ce qui pourrait déclencher de gros problèmes en cas de feux de forêt», souligne-t-il.
Notons que le taux moyen de remplissage des barrages s’est situé, mardi 4 juillet 2023, à 31,9%. Les réserves en eau se sont, quant à elles, établies à 5.138,9 Mm3 . Il est à préciser qu’à la même date, en 2019, le taux moyen de remplissage des barrages était à 55,3%. Une différence qui témoigne de l’ampleur du problème. Afin de prévenir et de lutter contre les incendies de forêts, l’ANEF a mis en place une série de mesures. En plus d’une enveloppe budgétaire de 200 millions de dirhams consacrée à l’année 2023, l’Agence a lancé un nouveau Plan directeur de gestion intégrée des incendies de forêts couvrant la période allant de 2023 à 2033. De surcroît, l’ANEF a instauré un Web-système basé sur l’intelligence artificielle et les big data, permettant de cartographier les zones à risque et de déclencher les alertes appropriées pour les interventions nécessaires.
En effet, 95% des départs de feu ont une origine humaine. De ce fait, l’expert Mohammed-Saïd Karrouk relève qu’il est indispensable d’intensifier la surveillance du domaine forestier. «Les feuilles et branches sèches représentent une base combustible et la majorité des départs de feu sont provoqués par l’humain. Ainsi, les autorités doivent effectuer des entretiens périodiques pour minimiser les dégâts en cas de déclenchement d’un incendie, et doivent également surveiller minutieusement les déplacements des individus dans les forêts.
En gros, il faut intensifier la surveillance, et le Maroc est bien équipé en la matière. Nous avons une coopération très avancée avec nos voisins espagnols qui peuvent nous aider avec leurs canadairs», précise-t-il. Et de conclure : «Les zones les plus sensibles aux feux de forêt sont celles situées au nord du pays, notamment au niveau de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Dans ces zones là, les ressources en eau sont pratiquement suffisantes pour faire face aux incendies. Par contre, dans le sud du pays, la situation risque d’être très compliquée suite à une pénurie d’eau intense».