Avant le vote du 8 septembre 2021, certaines formations qui revendiquent l’idéologie gauchiste comme fondamental politique, telles que le PSU, à titre d’exemple, espéraient plus qu’un orphelin siège, remporté par la secrétaire générale du parti, Nabila Mounib, qui accède enfin du Parlement. Ce qui confirme encore une fois que les Marocains votent sur des noms et non sur des programmes bien établis et sur des idées claires et bien expliquées.
Quand on ajoute ce score à celui de l’USFP, parti que rien ne rapproche avec le PSU, tant les différences des littératures en pratique par les deux formations sont très éloignées, on se rend compte que ce qu’on appelle encore la gauche marocaine est morcelée, voire estropiée à plusieurs égards. Sans parler du gap grandissant qui sépare également un parti comme le PPS, qui avance doucement mais sûrement, de l’USFP et du PSU. Ni le même tronc commun historique, ni les mêmes idéologies faussement proches en apparence, ni les mêmes visions et visées politiques et politiciennes. Ce qui fait que nous ne pouvons en aucun cas cumuler les scores de toutes ces formations pour désigner une «gauche» commune. Les différences sont telles que chaque parti campe sur ses positions qui font que ce qui aurait pu devenir une «gauche commune» demeure une gauche estropiée.
Souffrant d’un manque criard de crédibilité, se perdant dans des errances politiciennes en rupture de ban avec les véritables réalités du Maroc actuel, un parti comme l’USFP n’a plus aujourd’hui que l’opposition comme dernier refuge, à condition de réfléchir sereinement à une refonte complète de ses bases, de ses idéologies disparates et de ses objectifs politiques pour les prochaines décennies. C’est ce qu’un parti comme le PPS a déjà bien assimilé, travaillant dans le fond pour incarner une autre idée de la chose politique, sachant qu’une place dans l’opposition peut lui donner ce privilège d’observateur qui suit de près les affaires courantes, qui peut souligner ce qui ne va pas, qui peut mettre le doigt sur les impératifs et les urgences nationales, qui peut critiquer ouvertement les ratés de la coalition au pouvoir. L’USFP pourrait aujourd’hui s’aligner sur cette position des communistes marocains, en opérant une rupture historique avec ce qu’il est devenu depuis au moins deux décennies, c’est-à-dire un parti obnubilé par l’ivresse du maroquin, loin des véritables attentes et préoccupations citoyennes, ce qui l’a, à maintes reprises, sanctionné comme formation politique démagogue jouant sur plusieurs tableaux, pouvant même conclure des alliances contre-nature, pourvu qu’elle soit aux commandes.
Dans cette optique qui peut prendre une décennie, voire deux et plus, l’USFP a aujourd’hui grand besoin de sang neuf. Le parti a besoin de nouvelles figures. Il a besoin de jeunes profils en phase avec l’époque dans laquelle ils vivent. Il a besoin d’un véritable programme. Il a besoin d’une feuille de route logique et rationnelle. Il a surtout besoin de ne rien promettre, mais de se mettre au travail pour gagner sa crédibilité perdue. Il a aussi besoin de rompre avec la gestion mise en place par Driss Lachgar, qui a torpillé sa propre formation politique en voulant faire ce qu’il n’a eu de cesse de reprocher aux autres, à savoir miser et placer d’abord les membres de sa famille et ses proches. On le sait, la tactique du deux poids deux mesures se retourne fatalement contre son instigateur, en l’occurrence créer des fractures incurables au sein d'un parti politique en déshérence complète.
Quant aux autres petites formations se réclamant de «gauche», tout reste à faire dans un pays où les couches sociales qui voient les disparités sociales grandir, ne croient plus en les discours et les effets de manche, mais à la mise en pratique d’une politique sociale crédible et viable, avec des projets de société qui peuvent être réalisés. Et avec des visées accessibles, parce que logiques et rationnelles, loin des fausses promesses, loin de la démagogie politicienne, loin des manipulations sociales à des fins purement politiciennes servant des intérêts personnels et non l’intérêt général de tous les Marocains.
Par Abdelhak Najib, journaliste-écrivain