Les manifestations initiées par le collectif «GenZ 212» ont pris une tournure plus violente ces dernières heures. Après quelques jours de rassemblements dénonçant la crise des services publics et l’absence de justice sociale, des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes du Royaume dans la nuit de lundi à mardi.
À Tiznit, Inzegane, Ait Amira, Oujda ou encore Temara, les rassemblements ont dégénéré en affrontements, avec jets de pierres, dégradations, saccages et incendies de véhicules de police. À Ait Amira, une agence bancaire a été vandalisée. À Oujda, un manifestant grièvement blessé après avoir été percuté par un véhicule de police a suscité des rumeurs de décès. La wilaya de l’Oriental a toutefois démenti cette information, précisant que le jeune homme est vivant, sous suivi médical, et que son état est stable sans pronostic vital engagé. À Rabat, plusieurs dizaines de jeunes ont été interpellés, certains rapidement libérés, d’autres toujours retenus pour audition.
La majorité gouvernementale a salué la «réaction équilibrée» des forces de l’ordre et a affirmé être prête à ouvrir un dialogue. Dans un communiqué, elle dit «être à l’écoute» des revendications sociales et «prête à y répondre de manière constructive et responsable».
Dans le même esprit, Fatim-Zahra El Mansouri, ministre de l’Aménagement du territoire national, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville, a pris la parole devant la jeunesse partisane. Elle a reconnu que le gouvernement n’a pas totalement réussi à répondre aux attentes de la population, en particulier des jeunes, mais souligne que des progrès importants ont été réalisés dans certains domaines. Elle insiste sur le fait que les problèmes, notamment dans le secteur de la santé (manque de médecins, infrastructures insuffisantes), sont structurels et nécessitent du temps pour être résolus.
Elle a rappelé le déficit structurel de 30.000 médecins, difficile à combler rapidement, et insisté sur la nécessité de patience et de continuité. Sur le plan politique, elle a invité les jeunes à ne pas rejeter les partis, mais à s’investir pour construire des alternatives crédibles.
Parallèlement, le Parlement a été saisi. Le président de la Commission des secteurs sociaux a convoqué une réunion décisive ce mercredi 1er octobre 2025, en présence du ministre de la Santé et de la Protection sociale. À l’ordre du jour : l’examen de la situation du système de santé et des mesures destinées à accélérer sa réforme. Cette initiative, réclamée par plusieurs groupes parlementaires, vise à placer le gouvernement face à ses responsabilités sur un dossier devenu explosif.
Gare à l’instrumentalisation !
Ces violences marquent un véritable tournant dans la mobilisation de la GenZ 212. Le mouvement rassemble essentiellement des jeunes qui dénoncent la dégradation du système de santé, la précarité de l’école publique et, plus largement, l’absence de justice sociale. Leurs slogans mettent en avant la nécessité d’investir davantage dans les services publics et de réduire les inégalités.
D’abord pacifiques, les manifestations se retrouvent désormais fragilisées par une radicalisation partielle, alimentée par certains groupes ou pseudo-opposants. Or, l’histoire l’a montré : la violence et les émeutes n’apportent jamais de solutions durables aux problèmes soulevés. Au contraire, elles brouillent le message initial et risquent d’affaiblir la légitimité des revendications sociales, pourtant profondes et légitimes, portées par la jeunesse.
Ce climat de tension alimente aussi les craintes d’une instrumentalisation. Des observateurs redoutent que ces débordements soient exploités par des forces extérieures cherchant à fragiliser le pays, à l’approche d’échéances majeures comme la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du monde 2030. D’autant que les difficultés dans la santé et l’éducation ne datent pas d’aujourd’hui. Ce sont des problèmes structurels, que la rue exprime aujourd’hui avec force, mais dont les solutions exigeront du temps et une volonté politique et citoyenne constante.