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Ce nouveau monde est dangereux

Ce nouveau monde est dangereux

 

C’est l’unique question qui vaille la peine que l’on y pense aujourd’hui, dans un monde où presque plus personne ne réfléchit, mais où tout le monde se presse de juger. L’ère du jugement tout fait a pris le pas sur la pensée sereine, sur le recul avant de débiter des inepties en quantité industrielle, sur le sens de la distance par rapport aux faits et à leurs imbrications et leurs conséquences.

 

Ne pensant plus, les uns et les autres recyclent ce qu’ils voient çà et là, ressassent les mêmes poncifs éculés et font le lit à la prolifération de la pensée végétative tournant en boucle et contaminant le plus grand nombre. C’est par des temps comme celui-ci où la pensée est bradée au profit du commentaire simpliste, au profit de la formule facile, que les dictatures se renforcent, consolident leurs assises et prospèrent laminant tout ce qui ose sortir des rangs tel un gigantesque rouleau compresseur détraqué qui écrase tout sur son passage. 

Impitoyable dictature que celle de l’opinion dans les sociétés dites «démocratiques». Il ne s’y trouve aucune élasticité quand il s’agit de juger et de clouer au pilori. L’ère de l’opinion au détriment de l’idée finit d’achever ce qu’un siècle de totalitarisme déguisé en États de droit a déjà enseveli sous un monticule de mensonges au nom des masses.

L’ère de l’opinion est le pire ennemi des vérités. Car, l’ère du peuple qui peut infléchir le cours de l’Histoire l’a cédé au temps des foules consuméristes avalant de tout, se repaissant des scories d’un passé pas si lointain où l’homme pouvait encore oser espérer une fin moins pathétique. Car, aujourd’hui, tout le monde cherche le consensus. Tout le monde préfère couler dans le moule. Parce que s’en est fini du temps des individualités capables de peser sur les barbelés de l’esprit pour libérer la pensée de sa gangue liberticide.

Aujourd’hui, tout le monde s’accommode d’avaler des couleuvres, l’air béat de celui qui a fait sienne cette devise avilissante: «si tu ne fais rien, tu ne crains rien». Alors, personne ne fait plus rien. Tout le monde assiste en spectateur paralysé face à l’horreur d’une époque dangereuse où les vents délétères du despotisme inhumain et de la tyrannie barbare, balaient les derniers vestiges d’une volonté atrophiée du faire face et de ne pas abdiquer face à une époque extrémiste. Un extrémisme idéologique où il faut s’aligner ou devenir paria. 

Cette attitude porte un nom : le déni de sa propre histoire. Et quand ce déni est mâtiné d’ingratitude et d’injustice, s’en est fini de la désormais défunte devise : Liberté, Egalité, Fraternité ! Celle-ci est dorénavant remplacée par cette formule qui cadre mieux avec les réalités françaises du moment : fébrilité, facilité, stupidité !

Une vision dans la droite ligne de ce que des arrivistes politiciens  peuvent balancer pour racoler une frange spécifique de la société française, qui bascule aujourd’hui à l’extrême droite pensant y trouver une réponse et une solution aux crises qui font vaciller les arcanes d’une France visiblement empêtrée dans ses pires travers. Une vision qui fait le lit aux discours haineux d’une Marine Le Pen, qui flirte avec le malaise chronique d’une France en déshérence donnant voie au chapitre à des figures sans envergure aucune, séduites par les flashs des médias et par le polissage des plateaux TV dans le but déclaré d’entretenir le doute, la peur et les angoisses, qui, elles, dans un climat aussi tendu et délétère que celui qui secoue la France, peuvent donner corps à des dérives sectaires nourries en continu par les miasmes d’une éthique sociale et «intellectuelle» aux ras des pâquerettes. 

A ce stade de la chute dans l’inconcevable, la structure du vide se densifie au lieu de perdre de sa masse initiale. Elle s’agglomère. Elle s’agglutine. Elle se condense tout en composant des strates d’elle-même. Ces couches superposées et superficielles ne peuvent en aucune manière communiquer entre elles. Chacune forme son propre champ d’action qui ne peut interférer avec celui qui précède ou celui qui suit.

A tel degré qu’agissant chacune comme un isolat, toutes les stratifications finissent par se repousser les unes les autres puisqu’elles s’accumulent en continu dans cette trajectoire vers les confins du vide. Ce conglomérat à étages indépendants glisse sur les parois du temps sans l’affecter ni en être impacté. C’est là sa particularité : étant destiné au vide, il en crée les ingrédients qui se résument en une unique matérialité, celle d’une ombre portée sans aucune ressource de lumière. Autrement dit et pour être précis, nous sommes là face au vide sombre.

Un vide opaque. Un vide noir. Un vide invisible. Un vide en expansion permanente.

Abdelhak Najib 
Écrivain-journaliste 

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