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«Omicron pourrait devenir une sorte de quatrième dose»

«Omicron pourrait devenir une sorte de quatrième dose»

Omicron présente 50% de symptômes en moins par rapport au variant Delta, avec moins de risques d’hospitalisation, de cas graves et de décès.

L’espoir nourri par les professionnels de santé est qu’il change de statut pour passer de pandémie à endémie.

Entretien avec Pr Jaafar Heikel, épidémiologiste et spécialiste des maladies infectieuses.

 

Propos recueillis par D. William

 

 

 

La Quotidienne : L’apparition du variant Omicron a suscité beaucoup d’inquiétude auprès de la communauté scientifique. Aujourd’hui, avec le recul que vous avez, que pouvez-vous nous dire sur Omicron en termes de symptôme, contagiosité, dangerosité, incidence potentielle sur l’efficacité des vaccins … ?
 
 
Jaafar Heikel :
Effectivement, depuis plusieurs semaines maintenant, Omicron circule de plus en plus au Maroc et s’impose comme le variant dominant. Nous savons qu’Omicron circule de façon plus importante que le Delta, mais nous avons aussi d’autres informations. 
 
 
Ainsi, il y a 50% de symptômes en moins par rapport au Delta sur une échelle de mesure clinique des différents symptômes. Certains symptômes sont plus prévalents que d’autres par rapport au variant Delta, notamment les maux de tête, les céphalées, une grande fatigabilité, un mal de gorge, des éternuements et le nez qui coule. D’autres symptômes sont moins fréquents, comme la fièvre, la diarrhée, le vertige, la dyspnée respiratoire, ou encore les pertes de goût et d’odorat qui sont extrêmement rares. Cela s’explique par le fait qu’Omicron est plus localisé au niveau de la surface bronchique qu’au niveau du tissu pulmonaire. Il est ainsi davantage dans les voies aériennes supérieures, ce qui fait qu’il se transmet souvent suite à un éternuement, une toux ou un contact proche. Néanmoins, il donne moins de symptômes graves. Et nous l’avons constaté dans le contexte marocain : Oui, Omicron se propage plus vite; oui, il peut donner des clusters familiaux ou d’entreprises parce qu’il se transmet très vite, mais il y a moins de risques d’hospitalisation, de cas graves et de décès. 
Aujourd’hui, il est dominant au Maroc et va donc créer de facto une forme d’immunité post-infection et, adjointe à la vaccination, nous devrions avoir un niveau de protection relativement élevé de la population. 
 
 
L. Q. : Puisqu’Omicron se traduit le plus souvent par des formes bénignes s’apparentant à une grippe aigue, est-il vraiment nécessaire de continuer à se faire tester ?
 
J. H. :
Omicron donne certes moins de formes graves, mais vu que les contaminations augmentent de façon exponentielle, il y aura mécaniquement de plus en plus de personnes atteintes parmi celles qui sont vulnérables, âgées, non-vaccinées ou celles qui n’ont pas reçu la troisième dose. 
La crainte se situe à ce niveau. L’intérêt du dépistage est non seulement d’avoir une idée sur la prévalence de ce variant au sein de la population, mais également de pouvoir isoler et traiter les patients. En les isolant, on évite la transmission à d’autres, tandis que le traitement réduit de façon importante la charge virale, et donc le risque de cas graves.
 
 
L. Q. : Au vu des données que nous avons sur Omicron, peut-on envisager d’utiliser ce variant comme moyen de vaccination naturelle pour atteindre rapidement l’immunité collective ?
 
J. H. :
Omicron circule de plus en plus et va toucher une bonne partie de la population. La «bonne nouvelle» est que puisqu’il donne moins d’hospitalisations, de cas graves et de décès, il va de facto créer une forme d’immunité naturelle post-infection. En fait, Omicron pourrait, et j’insiste sur le conditionnel, devenir une sorte de quatrième dose pour booster notre système immunitaire et nous protéger même contre d’autres variants qui pourraient apparaître ultérieurement. Je crois que si, aujourd’hui, nous maintenons la stratégie vaccinale et la présence de l’Omicron en importance dans une population, le niveau de protection sera élevé et il y aura une forme d’immunité acquise post-vaccinale et post-infection réunies.
 
 
L. Q. : Dans ce sens, le Maroc ne doit-il pas changer d’approche dans la gestion de cette pandémie vu l’impact sanitaire induit par Omicron ?
 
J. H. :
Depuis qu’il a été identifié au Botswana vers le 9 novembre, nous en savons beaucoup plus sur Omicron (pathogénie, taux de reproduction, dangerosité…). Aujourd’hui, il y a une forme d’immunité avec la vaccination et la présence d’Omicron. Il faut donc réellement apprendre à vivre avec le virus Covid-19 et ses variants. Omicron vient nous montrer qu’il est extrêmement intéressant de comprendre qu’un virus en circulation dans une population pourrait avoir un effet bénéfique en termes d’immunité acquise post-infection, si cela se confirme évidemment. Et, à ce titre, il n’y a pas lieu d’avoir des mesures restrictives aussi importantes. Il faut certes rester vigilant, respecter les mesures barrières et adhérer à la vaccination. Mais il faut une levée progressive et pragmatique des mesures restrictives importantes, compte tenu de leurs impacts économiques, sociaux et psychologiques négatifs. Cela permettra également au système sanitaire de rependre ses activités normales. Je rappelle que nous avons dû déprogrammer des interventions chirurgicales, retarder des diagnostics de maladies chroniques, prendre en charge de façon moins optimale plusieurs pathologies chroniques… Tout cela aura un impact, parce que les professionnels de santé se sont totalement focalisés sur la Covid-19 depuis près de deux ans, tant en termes de moyens que de ressources humaines. Il est important actuellement, au vu de l’impact d’Omicron, de reprendre progressivement la vie normale, d’apprendre à vivre avec notre environnement microbien, et ce en le surveillant, en étant évidemment prudent et en sensibilisant sur la vaccination et le respect des mesures barrières… 
 
Il est donc important de comprendre que ce ne sont pas les mesures restrictives, encore moins le confinement, qui vont permettre de lutter contre cette pandémie. Laquelle doit avoir son cycle de vie normale, jusqu’à disparaître progressivement : c’est ce qu’on appelle la dynamique des maladies émergentes et réémergentes. Peut-être que la Covid-19, avec ses variants, et aussi grâce à Omicron, deviendra une maladie qui va changer de statut pour passer de la pandémie à l’endémie, avec laquelle nous devons vivre.  Je le souhaite en tout cas.
 
 
L. Q. : Est-il, dans ce cadre, pertinent de maintenir la fermeture des frontières, puisque ce variant circule déjà sur le territoire national ?
 
J. H. :
Il a été démontré partout que la fermeture des frontières ne sert strictement à rien et n’empêche pas la circulation du virus, même s’il est hautement transmissible comme l’est Omicron. L’OMS l’a d’ailleurs affirmé à plusieurs reprises. La preuve : le Maroc a totalement fermé ses frontières juste après la découverte d’Omicron en Afrique du Sud, ce qui n’a pas empêché la présence de ce variant sur le territoire national. 
 
La fermeture des frontières doit être une mesure transitoire qui va freiner, au début, l’entrée du virus dans un territoire donné, mais elle ne peut en aucun cas empêcher sa diffusion. Oui pour les mesures barrières, oui pour la vaccination, oui pour le dépistage, oui pour la vaccination, notamment les 3 doses…, mais attention aux mesures restrictives drastiques. Car lorsqu’elles ne sont pas ajustées à une situation épidémiologique ou de santé publique, elles peuvent ne pas avoir les effets escomptés sur la collectivité, voire être contreproductives.
 
 

 

 

 

 

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