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Réseaux sociaux et manipulation des masses : Le côté sombre de la toile

Réseaux sociaux et manipulation des masses : Le côté sombre de la toile

Durant tout le mois d’août, et tant qu’observateur, nous avons tenté de faire une synthèse de certaines pratiques sur les réseaux sociaux. Constat : manipulations des données, fausses vérités, mensonges, propagande, dangers pour les mineurs, glissements idéologiques et dogmatiques, violence, menaces, racismes de tous genres, discriminations et haine.

 

Par A. Najib, Ecrivain-Journaliste

Certes, Internet, les réseaux sociaux et tout ce qui s’y rattache peuvent apporter de grandes choses à l’humanité. Mais, le web et ces réseaux peuvent aussi être très dangereux pour les sociétés humaines, à cause de toutes les dérives que cela engendre. Des dépassements terribles, une permissivité sans limites, une braderie incontrôlée où tout circule, surtout le faux, le dangereux, l’incontrôlable. Arrêtons-nous de prime abord sur la problématique grave de la diffamation. C’est là un phénomène qui explose littéralement sur Internet, avec des dizaines, voire des centaines de milliers de vidéos amateur, mettant en images des individus, jeunes et moins jeunes, qui se lâchent en accusations graves sur d’autres personnes, y compris celles connues sur la place publique.

Au-delà de l’injure, qui relève du pénal selon les lois marocaines, ce type de contenus est régi par une loi claire et sans appel, comme nous le précise Me Moustakam : «La diffamation via les réseaux sociaux est criminalisée dans le Code pénal. Ce délit est passible d’une peine de cinq ans de prison ferme pour les contrevenants. La loi interdit de traiter les responsables politiques et autres personnes de «voleurs», d’«escrocs»..., etc». Les directeurs des sites électroniques sont aussi concernés par ce projet de loi qui leur interdit de filmer des citoyens sans leur autorisation ou de faire pression sur un responsable ou une personnalité politique.

Le texte sanctionne aussi la manipulation de vidéos, l’exploitation des mineurs et les personnes souffrant de maladies mentales présentées de façon ironique ou humiliante. Le ministre de la Justice a inclus dans le nouveau code pénal relatif aux activités sur Internet des dispositions ayant trait à la diffamation, la diffusion des vidéos des personnes qui ont refusé de faire des déclarations ou la déformation de leur propos dans des interviews et déclarations. Pour Me Moustakam, selon l’article 442 du Code pénal : «Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation».

L’article 443 du Code pénal prévoit que «Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, est une injure.» Plus loin encore, incluant même le code de la presse, le législateur marocain à travers certaines dispositions de la loi n° 88-13 relative à la presse et à l’édition et aussi la loi n° 73-15 modifiant et complétant certaines dispositions du code pénal, sanctionne tout fait portant atteinte à l’honneur et à la considération des personnes par voie de diffamations ou injures ou par le biais de la diffusion de vidéos ou images faites sans consentement.

La juriste ajoute, «on entend par diffamation, toute allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. Injure : toute expression outrageante, terme de mépris portant atteinte à la dignité ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. Est punie, la publication directe ou par voie de reproduction de la diffamation ou de l’injure, même si ladite publication est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps nonexpressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes de discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés ainsi que des contenus publiés, reproduits ou radiodiffusés».

Il faut aussi savoir que la loi marocaine, telle qu’elle est aujourd’hui, permet également de lutter contre la désinformation, en pénalisant la distribution «par des systèmes informatiques» d’un montage composé de paroles ou de photographies d’une personne, sans son consentement. Aussi la propagation de fausses allégations ou de faits mensongers, en vue de porter atteinte à la vie privée des personnes ou de les diffamer, est-elle sanctionnée par la même peine susmentionnée. Au-delà de la pornographie, de la pédophilie, du harcèlement sexuel et autres manipulations de masse sur Internet, arrêtons-nous sur tous ces individus qui se répandent en vidéos sur les réseaux en donnant des recettes, des ordonnances médicales, des conseils, prescrivant des plantes, des baumes, des produits chimiques inconnues de la science et de la médecine.

Chacun y va de sa science infuse : on diagnostique, on évalue, on fait les analyses dans sa tête, virtuellement ou par Bluetooth, puis on tranche dans le vif : tel médicament pour telle maladie, telle herbe pour telle pathologie, tel mélange pour tel autre pépin de santé. Ce sont de véritables cabinets médicaux officiant sur les réseaux sociaux, sans diplôme, sans patente, sans ICE, sans TVA, sans cadre juridique, sans contrôle, sans Conseil de l’ordre… Les dégâts sont incroyables : des intoxications graves, des personnes qui ont fini aux urgences parce qu’elles ont ingurgité ces mélanges prescrits par leur faux médecin du Net, des dégâts physiologiques chroniques, comme la calvitie après avoir suivi un traitement conçu par telle ou telle fausse spécialiste des cheveux, des tâches noires sur le visage, après avoir appliqué des crèmes toxiques, des vomissements, des saignements.

Sans parler du pire, comme le cas de cette jeune fille qui a vu toute la peau de son corps perdre sa pigmentation parce qu’elle a suivi les conseils de quelqu’un sur les réseaux sociaux qui conseillait aux jeunes filles d’appliquer une mixture dangereuse sur toute la peau pour la rendre plus blanche et plus éclatante de beauté. Résultat : des drames et des risques importants pour sa santé et pour sa vie. Ce qu’il faut savoir, c’est que ces individus sont passibles de lourdes peines de prison. Les lois sont claires: personne ne peut conseiller ni prescrire à qui que ce soit un médicament ou tout autre substance s’il n’est pas médecin, autorisé à exercer, dans le cadre d’un cabinet ou d’un centre hospitalier reconnu par les autorités de tutelle.

Dans la longue série des dérives sur les réseaux sociaux, il y a un phénomène qui fait beaucoup de victimes dans une débauche de conseils prodigués par de faux psychiatres qui se sont auto proclamés toubibs sans avoir aucune qualification ni aucune compétence scientifique. Certains prétendent avoir le secret ultime pour aider les gens à dépasser leurs pathologies. Ces pseudos psy affirment qu’ils ont le remède contre la dépression, la bipolarité, la schizophrénie, les psychoses, l’hystérie… Avec une aisance désarmante, ils sont très nombreux à affirmer «qu’on peut guérir toutes les pathologies mentales avec la volonté. Pour tous ces faux médecins, il suffit de boire des tisanes et de faire des stages de yoga, de silence, de fou rire, des diètes pour en finir avec la schizophrénie.

C’est un pur mensonge de faire croire à des personnes qui souffrent d’une pathologie aussi grave en buvant de la camomille. Pour accompagner une personne qui souffre de dépression ou d’un quelconque trouble associé, il faut une réelle prise en charge médicale, par un psychiatre, qui a de l’expérience et qui connaît son métier. On ne peut d’aucune façon s’improviser psychiatre», souligne Rachid Ait Oufkir, psychologue clinicien et psycho éducateur. Pourtant, faites un tour sur Instagram et d’autres réseaux sociaux et vous allez être choqués ! Des individus, comme vous et moi, qui n’ont fait aucun début de cours en médecine, proposent, sans sourciller, des soins à des personnes qui sont en souffrance.

Ces charlatans sévissent, donnent des conseils, affirment des contre-vérités et vont encore plus loin en conseillant aux gens d’éviter d’aller chez les psychiatres, que les médicaments ne sont pas bons et que nos ancêtres soignaient les troubles mentaux avec de la menthe et du thym ! Certains demandent même à leurs victimes d’arrêter tous les traitements et de faire de la respiration et de la méditation pour sortir de la dépression ! De tels conseils ont de terribles conséquences. Tous les spécialistes en psychiatrie le disent : on ne peut prendre un traitement et l’arrêter à sa guise. Les effets peuvent être lourds et dangereux. Toutes ces informations préfabriquées circulent sur les différents réseaux sociaux.

Des données politiques, des statistiques économiques, des chiffres de la finance, des rapports, des enquêtes scientifiques, des publications d’ONG, des analyses géopolitiques, des essais cliniques…, tout un flux de documents qui parfois peuvent paraître officiels alors qu’ils ne le sont pas du tout. Nous l’avons vu avec les données militaires sur les ventes d’armes à l’Algérie, qui ont été revus à la baisse alors que la réalité dépasse de loin la fiction, puisque Alger a dépensé plus de 30 milliards de dollars en achats d’armes cette année. C’est le cas pour les livraisons d’avions de chasse, de chars, de drones, de missiles et autres artilleries lourdes pour l’Ukraine. C’est le cas pour Taïwan et son armée face aux menaces chinoises avec des publications statistiques qui font dans la désinformation pure et simple sous couvert de fuites incontrôlables. C’est le cas pour Israël avec pas moins de 17 rapports militaires depuis le début du génocide à Gaza, avec des dizaines de documents qui expliquent pourquoi telle cible a fait l’objet de dégâts collatéraux, pourquoi telle zone a été détruite, pourquoi l’eau a été coupée dans toute la bande de Gaza, pourquoi la famine fait rage au milieu des Palestiniens… justifiant, données fabriquées à l’appui, la position de Tsahal face aux chiffres de la communauté internationale.

C’est le cas avec les données sur le Covid, sur la variole simienne, qui apparaît à la fin de l’été pour préparer la rentrée 2025. C’est le cas des chiffres sur le sida, le cancer, le paludisme et d’autres maladies annoncées par l’OMS. C’est le cas pour l’état de santé de la finance mondiale en prévision de l’année 2030. C’est le cas des publications sur les ressources naturelles sensibles dans le monde aujourd’hui, avec le pétrole, le gaz, l’uranium, le cobalt et les terres rares en premier lieu. La liste des documents fuités est longue. Elle peut faire l’objet de milliers de volumes, chaque année, avec des relais détaillés sur les réseaux sociaux pour semer la confusion au sein même de la communauté scientifique qui se penche dessus.

Quant aux internautes et autres adeptes des réseaux sociaux, imaginez l’état des neurones ! Mais il y a encore pire. Quand il s’agit d’adultes consentants et conscients de ce qu’ils choisissent de voir, on peut à la limite comprendre toute cette permissivité sur les réseaux sociaux. Mais quand il est question d’enfants, laisser une telle quantité de jeux dangereux circuler sur le net constitue un piège terrible dans lequel tombent tous les enfants attirés par les images et par le flux des vidéos, comme c’est le cas depuis l’éclatement de la guerre en Ukraine et le génocide à Gaza. Les vidéos présentent des mômes en chérubins, en séraphins et en anges martyrs.

Le message est clair : présenter les petits en anges sacrifiés en les incitant insidieusement au martyr. Ils deviennent dans d’autres vidéos des anges soldats de Dieu envoyés sur terre pour être meurtris et punir les méchants tueurs. Arriver à un tel degré de manipulation en utilisant des gamins est non seulement un crime en soi mais la pire des manières de montrer toute la bassesse humaine aujourd’hui. «Le procédé est vieux comme le monde, mais les réseaux sociaux ont cet effet loupe qui fait que nous voyons des millions de vidéos circuler avec cette thématique de l’ange martyr. Il n’y a pas pire comme exploitation des thèmes du sacrifice. Surtout pour manipuler l’opinion publique en temps de guerre et de conflit. Pour certains, utiliser ces images et ces contenus va plus loin en incitant au martyr des enfants comme arme de persuasion massive. C’est le même principe de l’enfant soldat en Afrique et en Asie, mais en jouant sur l’idéologie religieuse», précise Sabrine Al Kaoun, pédo psychologue et thérapeute. Elle ajoute que dans une société comme la nôtre, ce phénomène est répandu et commenté en masse parce qu’il y a «chez nous une profonde inclination pour la tragédie impliquant l’enfant sacrifié pour sauver la société ». Pour la spécialiste, la responsabilité incombe aux parents qui doivent éviter «de donner ces gadgets à leurs enfants pour leur éviter ces traumatismes qui peuvent être dangereux.

 

 

 

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