• Le Maroc fait face à un retour alarmant de la rougeole que les progrès en matière de vaccination avaient pourtant largement maîtrisés.
• Depuis octobre 2023, 19.515 cas ont été recensés, dont 107 décès, soit 0,55% du nombre total des personnes infectées.
Ces chiffres ont été communiqués le 30 décembre 2024 par le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amine Tahraoui, en réponse à des questions orales à la Chambre des représentants. Ainsi, les enfants de moins de 12 ans représentent près de la moitié des victimes, un constat qui souligne l'urgence d'agir pour protéger cette population vulnérable.
La propagation rapide de l'épidémie, qui touche désormais les 12 régions du Royaume, est attribuée à une baisse préoccupante des taux de vaccination depuis la crise sanitaire de la Covid-19. Cette baisse est aggravée par une méfiance accrue envers les vaccins, un phénomène qui n’épargne pas le Maroc et qui complique davantage les efforts des autorités sanitaires.
La rougeole, qui se manifeste par des symptômes tels que fièvre, écoulement nasal, yeux rouges, toux, abattement, irritabilité, suivis de l’apparition d’une éruption cutanée rouge sur tout le corps, se propage par voie respiratoire, par la toux, les éternuements ou encore par le contact avec des surfaces contaminées. D’ailleurs, un enfant malade peut contaminer entre 16 et 20 personnes.
La vaccination : Un rempart essentiel
Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, assure que l’émergence de nouveaux foyers de rougeole, accompagnée de décès chez les enfants, est directement liée à deux facteurs majeurs : une baisse de la couverture vaccinale et un relâchement de la surveillance épidémiologique.
«Un enfant non vacciné (zéro dose) ou incomplètement vacciné (une seule dose au lieu de deux) est fortement exposé à contracter la maladie. Une population dont la couverture vaccinale contre la rougeole est inférieure à 95%, connaîtra inévitablement une explosion de foyers et d’épidémies de rougeole de manière continue.
D’après le ministère de la Santé, aucune région au Maroc n’atteint actuellement le seuil de 95% de couverture nécessaire. Dans certaines régions, les taux sont bien en deçà de ce chiffre, ce qui témoigne d’un relâchement dans la vaccination et la surveillance épidémiologique. La région de Béni Mellal-Khénifra a été touchée en début d’année 2023, suivie de la région Souss Massa en septembre 2023, puis récemment la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima», précise Dr Hamdi.
La gravité de la rougeole
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) rappelle que la rougeole demeure l’une des maladies les plus contagieuses au monde et qu’aucun pays n’est totalement à l’abri d’une épidémie. La baisse des dispositifs de surveillance et des taux de vaccination observée à l’échelle mondiale accroit le risque d’émergence de foyers épidémiques.
En 2023, la rougeole a touché plus de 10 millions de personnes dans le monde, soit une augmentation de 20% par rapport à 2022. Cette pathologie a causé plus de 100.000 décès, principalement chez les nourrissons et les enfants de moins de cinq ans. Ceux ayant survécu à la maladie souffrent aujourd’hui de complications graves, telles que la cécité, l’encéphalite (inflammation du cerveau) et d’autres séquelles irréversibles.
«L’hésitation vaccinale et la pandémie de la Covid-19 figurent parmi les raisons du retour de la rougeole dans des pays qui avaient pourtant réussi à l’éradiquer. Toutefois, il est essentiel de chercher, à l’échelle marocaine, toutes les raisons derrière cette large sous-vaccination et du relâchement de la surveillance épidémiologique, dans un pays connu pour avoir été longtemps champion de la vaccination contre les maladies cibles chez les enfants», souligne le Dr Hamdi.
Et de poursuivre : «Je reste catégorique : la vaccination est sûre et efficace. C’est le meilleur moyen pour éviter l’infection, la maladie et les épidémies de rougeole. Faut-il le rappeler, la vaccination contre cette maladie a sauvé, à elle seule, 56 millions de vies dans le monde entre 2000 et 2021. Ainsi, les groupes les plus à risque sont les enfants de moins de 5 ans, les adultes de plus de 30 ans, les femmes enceintes, les enfants malnutris et les personnes ayant des maladies affaiblissant leur système immunitaire».
Pour remédier à cette situation, le ministère de la Santé a lancé, en mars dernier, une campagne nationale de vaccination pour rétablir les niveaux de couverture vaccinale d’avant la pandémie. Cette initiative vise à vacciner en priorité les enfants âgés de neuf et dix-huit mois, tout en rattrapant les doses manquantes chez ceux qui n’ont pas reçu les deux injections nécessaires.
Dans cette optique, le ministère invite les familles à vérifier les carnets de vaccination de leurs enfants et à se rendre dans les centres de santé pour bénéficier gratuitement des vaccins. Cette campagne, en plus de son caractère préventif, cherche à limiter les risques d’épidémies futures et à contenir la propagation du virus.
Dans le même sens, Dr Hamdi appelle à une mobilisation nationale visant à sensibiliser les familles à l’importance de la vaccination et à encourager leur adhésion aux programmes de rattrapage, et ce afin de stopper la propagation de la rougeole. Il propose aussi de renforcer les services de vaccination dans toutes les régions et de réactiver une surveillance épidémiologique stricte. Enfin, il insiste sur la nécessité de mobiliser tous les professionnels de santé pour atteindre une couverture vaccinale optimale.
Avec près de 20.000 cas en un peu plus d’un an, la rougeole rappelle à quel point une vigilance constante est essentielle pour préserver les acquis de santé publique.
I.Z