Le Maroc met les bouchées doubles pour renforcer son système de santé et garantir un accès équitable aux services de soins.
Dans le cadre de la généralisation de la couverture médicale et du déploiement de la réforme du système de santé, plusieurs projets ont été initiés et de nombreux autres sont prévus pour les années à venir. Ainsi, nous pouvons citer la réhabilitation des infrastructures hospitalières, la création de groupements territoriaux de santé, la mise en place de la Haute autorité de la santé, d’une Agence des médicaments et des produits de santé et d’une Agence du sang et ses dérivés, ou encore la digitalisation du système de santé.
Par ailleurs, la réussite de ces chantiers d’envergure exige une gestion proactive des risques éventuels qui se profileront à l’horizon. Dans ce sens, Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, affirme qu’après la mise en œuvre d’une première phase de la refonte du système de santé et de la généralisation de l’AMO, «les vrais et grands risques ne tarderont pas à émerger».
Des chantiers colossaux, des défis à relever
D’après le praticien, ces risques qui ne sont «ni nuls, ni des moindres» doivent être pris en considération dès maintenant. Il s’agit notamment d’un arrêt en masse des cotisations à l’AMO, de l’incapacité des citoyens assurés de faire des avances sur les dépenses de santé en attendant le remboursement, ou encore de la non-implication des professionnels du secteur dans la bonne gouvernance du système.
Il est également question du désengagement du secteur privé, du manque d’attractivité du secteur public, de l’incapacité des patients de bénéficier de soins en temps et lieu opportuns suite notamment au manque d’offres de soins adéquates, etc.
«Ces scénarios forts probables risquent de déséquilibrer l’avancement de ces projets si des mesures ne sont pas prises d'une manière anticipative», insiste Tayeb Hamdi.
Une batterie de mesures s’impose
Dans le même ordre d’idées, le médecin souligne qu’en vue de contrer ces risques, il est indispensable de surmonter un certain nombre de défis qui menacent le secteur. Il s’agit tout d’abord de réconcilier le citoyen marocain avec son système de santé. Pour cela, il est primordial d’améliorer «d’une manière palpable et rapide la qualité des services et de la relation citoyen/système de santé, en renforçant la gouvernance du secteur public, en régulant le secteur privé, en assurant une justice territoriale, en supprimant les iniquités d’accès aux services de santé et en promouvant la transparence», relève-t-il.
En outre, le praticien souligne l’importance de confier les différentes missions ainsi que la gestion des diverses structures à des personnalités connues pour leur expertise, leur compétence technique, leur crédibilité et leur intégrité morale.
Le secteur public : L’épine dorsale
Afin d’affronter les défis précités, le renforcement de l’attractivité du service public est une urgence. «Le secteur public demeure la colonne vertébrale du système de santé, particulièrement lors des périodes de crise sanitaire. C’est un levier incontournable de la couverture sanitaire universelle. En améliorant son attractivité, ce secteur pourra drainer plus d’usagers et par conséquent plus de ressources financières et une qualité meilleure», précise Hamdi.
Étant donné que l’AMO «ne pourra prétendre pouvoir assurer tous les services à tous les bénéficiaires», le chercheur estime qu’il est incontournable de définir les paniers de soins solidaires et les modalités pour en bénéficier d’une manière équitable et pérenne. «Le secteur public et le secteur privé à but non lucratif doivent être préparés pour assurer cette mission, tout en incitant le secteur libéral à but lucratif à s’y impliquer pour réduire au maximum le reste à charge», préconise-t-il.
Dans la même veine, Tayeb Hamdi rappelle l’importance des soins de santé primaires, notant que toute assurance maladie priorisant la prise en charge des derniers stades des maladies aux dépens de la prévention de ces dernières et de leur prise en charge précoce est vouée à l'échec.
Extension du tiers payant !
Aussi, le médecin appelle à l’extension du tiers payant aux soins ambulatoires. «Il s’agit d’une condition sine qua non pour faciliter réellement l'accès aux soins pour l’ensemble des assurés. En attendant sa généralisation, son extension aux assurés à faible revenu dans l’immédiat s’impose, pour donner un sens à l’assurance maladie».
En plus de ces différents défis, la formation de plus de professionnels de santé, l’amélioration de leurs conditions salariales, l’équité ainsi que l’accélération de la digitalisation demeurent également indispensables pour mener à bien la refonte du système de santé et la généralisation de l’AMO, piliers majeurs du développement d’un État social.
Notons qu’afin d’accompagner le ministère de la Santé et de la Protection sociale dans la mise en oeuvre des différents chantiers en cours, le gouvernement prévoit un budget de 28,12 milliards de dirhams (MMDH) au titre de l’année 2023, contre 23,54 MMDH en 2022, soit une augmentation de l'ordre de 4,58 MMDH (+19,5%), selon la note de présentation du projet de Loi de Finances (PLF) de l'année 2023.
Par M. Ait Ouaanna