C’est le 50ème ouvrage de philosophie, publié par le penseur et écrivain marocain, Abdelhak Najib. Fascismes sonne comme un réquisitoire d’un monde qui tombe en ruines sous de nouveaux totalitarismes, déguisés en « démocraties ». Un ouvrage sans concession.
Par Docteur Imane Kendili, psychiatre et auteure
D’abord, un indice important : « Fascismes » au pluriel. Ceci pour signifier toute cette variété de totalitarismes qui plongent le monde aujourd’hui dans un trou noir qui décime tout sur son passage.
Au-delà des politiques, Abdelhak Najib, en philosophe qui interroge les sociétés modernes en dévoilant les travers et les dérives du monde dans lequel chacun tente de tirer son épingle du jeu, pose la question de l’individu face à la société et à la technologie.
Il critique le conformisme et la perte de l'identité individuelle dans un monde dominé par la technologie, le dogme religieux et la médiocratie culturelle.
Dans Fascismes, le philosophe nous pousse à une profonde recherche de sens et de transcendance dans un monde dirigé par des régimes fascistes, déguisés en fausses démocraties.
Un monde où les humains sont devenus de simples consommateurs de tout et surtout de rien, des marionnettes, des jouets, des pantins disloqués et obnubilés par les néons d’une pseudo-modernité, qui est, une profonde détérioration de la nature humaine dans ce qu’elle a de fondamental, à savoir : son humanité, sa liberté d’être et de pensée, sa résistance, sa capacité de résilience, son indépendance intellectuelle, son refus des obscurantismes, sa volonté de tenir tête à tout ce qui asservit les hommes et en fait des bêtes de sommes, qui mangent vite, copulent vite et meurent à vingt ans avant d’être enterrés à 70.
Abdelhak Najib s'interroge dans ce livre d’une profonde concision, sur le sens de l'existence, sur la mort de la volonté de vivre, sur la spiritualité oubliée et la quête du sacré dans un monde qui a perdu ses valeurs.
Le philosophe écrit ceci dans Fascismes : «Les gens feront n'importe quoi, peu importe l'absurdité, afin d'éviter de faire face à leur propre âme», comme on peut le lire chez Carl Gustav Jung.
La force impérieuse de la fuite face à soi pour éviter le face à face, pour juguler cet instant à nul autre semblable où l’homme se doit de faire le point sur lui-même, sur les chemins qu’ils parcourent, sur ses idéaux, sur ses rêves et sur ses réalisations.
L’idée qui préside à une telle fuite sans aucun espoir de retour, c’est de s’éviter le maximum possible. Dans ce processus de fuite, la constante chez toutes les variétés humaines est l’errance loin de qui nous aurions pu devenir».
D’où une inextricable critique du système et la nécessité d'un changement urgent pour sauver ce qui peut l’être encore.
Abdelhak Najib dénonce sans ambages ni détours les injustices, les inégalités et les dangers de la mondialisation, tout en appelant à une transformation de la société.
Dans ce sens, le philosophe nous dit ceci qui sonne comme une sentence : «Nous vivons aujourd’hui dans un monde où il faut maintenir les gens sous pression, sans leur donner la moindre possibilité de s’éduquer, pour ne jamais pouvoir penser et réfléchir. On attaque la cervelle et on l’habitue au mode en panne. On la met sur pause et on attend de voir les uns et les autres devenir des bouches à nourrir et une tuyauterie à irriguer.
Mais l’histoire nous a donné une grande leçon que l’on ne doit jamais oublier, comme nous le rappelle Heinrich Heine disant que : «Là où ils brûlent des livres, ils vont aussi brûler des gens».
Pourtant, nous avons, tous, le choix. Le choix de dire non avant de dire oui à l’existence et ses terribles contingences quand celles-ci écrasent les hommes et les réduisent à une simple tuyauterie qui ingère, qui digère et qui expulse des scories. Nous avons tous le choix de ne pas être un simple rouage téléguidé qui n’a aucune capacité de résistance à quoi que ce soit, puisqu’il cède à tout et devient la marionnette de tout ce qu’on lui met entre les doigts.N’étant sûr de rien, surtout de ce qu’il aurait pu devenir, il n’est plus rien. Il devient une chose manipulable que l’on actionne à volonté, dans tous les sens et surtout dans tous les contresens. Cette condition n'est même pas celle de l’animal, puisque celui-ci, malgré l’apprivoisement, continue d’avoir des résistances et se montre très résilient face à l’adversité et aux pressions quelle que puisse être leur nature ».
Comment éviter de se faire écraser par ce rouleau compresseur qu’est le fascisme d’un monde hostile qui veut en finir avec les humains ? Cela passe par la résistance et le refus, la capacité de ne pas céder aux sirènes d’un univers factice, fabriqué de toutes pièces pour achever l’humain en nous.
Abdelhak Najib qui considère la philosophie, la littérature et l'art comme des outils essentiels pour penser le monde et pour exprimer la complexité de la condition humaine, propose une pensée qui se veut critique, profonde et engagée, en s'interrogeant sur les enjeux du présent et en appelant à un avenir plus juste et plus humain : « De toute évidence, nous vivons dans l’une des époques les plus noires de l’histoire humaine. Il est triste ce monde où nous existons aujourd’hui. Il a une sale gueule. Il est monstrueux. Il est hybride et fait peur tant ses contours sont indéfinis. Il est aussi con, ce monde. Il est débile. Il vole au ras des pâquerettes tout en prenant des airs de fausse grandeur, de mensongère évolution. Ceux qui y tiennent place d’humains errent complètement ne sachant plus comment vivre dans leurs réalités éparses. Ils sont tout au mieux des restes d’humains, à la fois affolés et hagards, refaits et défaits, qui fuient, perdant tous les repères, avançant en tâtonnant, naviguant à vue sur une mer houleuse qui finira bientôt par engloutir tout ce fatras inqualifiable d’une espèce humaine qui a fait le solde de tout compte de ce qui lui restait d’humanité, troquant avec la machine ses derniers sentiments, vivant à crédit, entre des fils et des branchements, connectée à des réseaux et des câbles, à la fois anesthésiée et aseptisée, le cœur vide, l’esprit creux, le corps perdu ».
Fascismes. Abdelhak Najib. Editions Orion. 200 pages. Juillet 2025.