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Surpopulation carcérale : L’impact des peines alternatives sera «minime»

Surpopulation carcérale : L’impact des peines alternatives sera «minime»

En 2023, la population carcérale a dépassé la capacité d’accueil des prisons de 159%, et ce en dépit de l’ouverture de trois nouveaux établissements pénitentiaires au Maroc.

 

Par M. Ait Ouaanna

Malgré une volonté affichée d’améliorer les conditions carcérales, les prisons marocaines peinent à contenir leur surpopulation qui s’intensifie d’année en année. Les derniers chiffres dévoilés par l’Observatoire marocain des prisons (OMP) viennent, d’ailleurs, confirmer sans équivoque cette tendance. Dans son rapport annuel sur la situation des prisons et des détenus au Maroc durant l’année 2023, élaboré en partenariat avec Avocats sans frontières (ASF), l’Observatoire relève une augmentation «significative» de la population carcérale, qui s’élève désormais à 102.653 détenus en 2023 contre 86.384 en 2019, soit une hausse de 18,83%.

Ainsi, la population carcérale excède la capacité d’accueil des prisons de 159%, et ce en dépit de l’ouverture de trois nouveaux établissements pénitentiaires dans les villes de Laâyoune, El Jadida et Tamesna. A cause de cette situation, les personnes incarcérées subissent des conditions de détention pénibles, exacerbées par une forte densité dans les cellules, fait savoir l’OMP.

Dans cette même veine, l’Observatoire précise que l’espace dédié à chaque prisonnier est souvent inférieur à 1,75 mètre carré. Le rapport souligne en outre que cette surpopulation favorise la propagation des maladies et accentue les violences et les agressions sexuelles. Pourtant, la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) a affirmé, en mai dernier, avoir mis à disposition une capacité litière supplémentaire de 5.212 lits en 2023, portant à 64.649 lits la capacité carcérale. Pour les professionnels du secteur, la surpopulation dont souffrent les prisons au Maroc est principalement due au recours élevé à la détention préventive, censée être une mesure exceptionnelle. Dans ce sens, il est opportun de noter que sur les 102.653 détenus enregistrés en 2023, près de la moitié est en détention préventive.

«Les prisons marocaines font face à une situation critique. Ces établissements comptent actuellement plus de 102.600 détenus pour moins de 70.000 lits. Cette pression sur le système carcéral s'explique par des capacités d’accueil insuffisantes, en plus d’une application systématique des peines privatives de liberté, même pour des infractions mineures. Les conditions de détention s’en trouvent détériorées, compromettant les efforts de réinsertion sociale et les droits fondamentaux des détenus», alerte Me. Raby Boukouraych, avocat à Casablanca.

Entrée en vigueur en août dernier, la loi n°43.22 relative aux peines alternatives laisse entrevoir une possibilité d’alléger la pression exercée sur les établissements pénitentiaires. «La loi n°43.22 offre une opportunité de désengorger les prisons. Elle introduit des mesures telles que le travail d’intérêt général ou les amendes modulées. Ces sanctions non privatives de liberté visent à éviter l’incarcération systématique et à maintenir les condamnés dans leur environnement social, tout en réduisant les taux de récidive», détaille Me. Boukouraych. Par ailleurs, l’expert affirme que le succès de cette réforme dépendra de plusieurs conditions, à savoir «la sensibilisation des magistrats, l’allocation de ressources suffisantes pour les dispositifs alternatifs et un suivi rigoureux pour évaluer son impact», précise-t-il.

«Bien mise en œuvre, cette loi pourrait moderniser le système pénal marocain et améliorer la cohésion sociale», poursuit notre interlocuteur. Dans le même ordre d’idées, Me. Raby Boukouraych déclare que l’efficacité de ladite loi est non seulement tributaire de la mise en place de mesures complémentaires, mais dépend également de l’évolution des mentalités. «Face à ces chiffres alarmants, la loi n°43.22 est une étape prometteuse, mais nécessite une mise en œuvre soutenue et des réformes complémentaires pour transformer durablement le système carcéral marocain. Il s’agira de faire évoluer l’état d’esprit d’une société encore attachée à l’enfermement carcéral comme réponse légitime au crime», insiste-t-il.

Par ailleurs, Me. Raby Boukouraych soulève que l’impact des peines alternatives restera tout de même minime. «Il ne faut pas surestimer l’impact des peines alternatives. En effet, une étude réalisée par le ministère public et l’administration pénitentiaire concernant les simulations sur les résultats attendus des peines alternatives estime que seules 1.700 personnes environ bénéficieraient des peines alternatives, ce qui représente un chiffre mineur par rapport à l’ensemble de la population carcérale. Il faudra donc consolider ce système qui augure pour la première fois de l’histoire du Maroc les options du traitement des peines privatives de liberté dans notre société», note t-il.

En vue de remédier à la problématique de surpopulation carcérale, l’Observatoire marocain des prisons appelle au lancement de réformes urgentes et au renforcement des droits fondamentaux des détenus. En attendant que la loi n°43.22 relative aux peines alternatives produise ses effets, la DGAPR s’attèle à finaliser la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Parmi ces projets, figure une prison locale en cours de construction à Benguerir, avec un investissement de 203 millions de dirhams.

 

 

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