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Un nouveau-né sur 100 touché par les malformations cardiaques au Maroc

Un nouveau-né sur 100 touché par les malformations cardiaques au Maroc

Chaque année au Maroc, près de 8.000 bébés naissent avec une malformation cardiaque. Le manque criant de chirurgiens cardiaques pédiatriques exclusifs dans le Royaume constitue une entrave importante pour une meilleure prise en charge des nourrissons et enfants. Entretien avec Dr Said Ejjennane, cardiologue et président-fondateur de l’Association «Les bonnes œuvres du cœur».

 

Propos recueillis par Ibitissam Z.

Finances News Hebdo : Un nouveau-né sur 100 est atteint d’une malformation cardiaque. Quel bilan faites-vous aujourd’hui sur la cardiopathie congénitale au Maroc, et quelle serait la meilleure prise en charge ?

Dr Said Ejjennane : Le bilan n’est pas du tout satisfaisant. Environ 8.000 bébés naissent chaque année avec une malformation cardiaque dans notre pays, alors qu’il n’y a que 15 cardiopédiatres, 1 seul cathétériseur pédiatrique, et 2 chirurgiens cardiaques pédiatriques exclusifs. Ces médecins sont en plus concentrés sur les villes de Rabat et Casablanca, et comme certaines malformations cardiaques nécessitent une prise en charge dès les premières heures ou jours après la naissance, il faut être réactif. Imaginez le stress des parents d’un bébé qui naît au nord ou au Sud du Maroc et qu’il faut déplacer en urgence à des centaines de kilomètres de chez eux, avec tout ce que cela comporte comme risque, notamment le décès du nouveau-né. C’est infernal. Au Maroc, il n’existe pas assez de services médico-chirurgicaux de cardiologie pédiatrique face à la demande, ce qui est à l’origine d’une mortalité infantile importante. Sachant que l’une des premières causes de mortalité infantile en période néonatale correspond aux malformations cardiaques, alors qu’une prise en charge adaptée permet le plus souvent une guérison totale. Malheureusement, il n’y a pas assez de médecins, de chirurgiens, d’anesthésistes, de réanimateurs et de personnel paramédical dédiés uniquement à ces cardiopathies congénitales. Une meilleure prise en charge dépend de la formation de beaucoup plus de ces profils cités et de la mise en place de structures adaptées. Tout d’abord, je tiens absolument à remercier Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui nous a toujours immensément soutenus et aidés dans notre modeste mission humanitaire. Je témoigne également toute ma gratitude à SAR la Princesse Lalla Meryem, qui nous a gratifiés de sa haute sollicitude, en acceptant la présidence d’honneur de l’association «Les bonnes œuvres du cœur» depuis plus de 20 ans.

 

F.N.H. : La chirurgie néonatale à cœur ouvert nécessite une logistique, un savoir-faire et une compétence humaine importante. A ce jour, sur 8.000 bébés malades au Maroc, on ne parvient à opérer que 10%. Où réside réellement la problématique ?   

Dr S. E. : J’ai toujours clamé haut et fort que le problème est lié au manque important de spécialistes dans le domaine de la cardiologie pédiatrique et de la chirurgie cardiaque pédiatrique au Maroc. Ce manque explique l’absence de centres suffisants médico-chirurgicaux de cardiologie pédiatrique. Nous espérons que dans tous les hôpitaux publics de référence du Royaume puissent se développer ces spécialités, ce qui permettra de prendre en charge et de sauver les bébés atteints de malformations cardiaques. Aujourd’hui, ce sont de rares cliniques privées situées dans l’axe RabatCasablanca qui prennent en charge ces nouveau-nés. Cela est très insuffisant, d’autant que ce sont souvent des chirurgiens cardiaques adultes qui les opèrent par manque d’un nombre suffisant de chirurgiens cardiaques pédiatriques exclusifs.

 

F.N.H. : L’association «Les bonnes œuvres du cœur» a été la première association à prendre en charge les enfants atteints de cette pathologie dans le Royaume. Parlez-nous du chemin parcouru durant plus de 26 ans de missions et êtes-vous satisfait ?  

Dr S. E. : Effectivement, c’est un très long chemin semé de beaucoup d’embûches, mais voir un bébé bleu atteint d’une grave cardiopathie congénitale souffrir est juste insupportable. Une fois opéré et guéri, il affiche un grand sourire, au plus grand bonheur de ses parents. Une opération réussie signifie un bébé sauvé; cette consécration nous fait oublier toutes les difficultés du monde. L’association a pu sauver plus de 15.000 bébés et enfants répartis dans toutes les régions du Maroc, et d’Afrique subsaharienne. Elle a modestement fait bouger les limites de la cardiologie pédiatrique dans notre pays, qui était à l’état embryonnaire il y a de cela 30 ans. Elle a reçu plus de 250 missions humanitaires, composées des plus grands professeurs en cardiologie pédiatrique et chirurgie cardiaque pédiatrique exclusive, venues opérer les malformations cardiaques complexes et former les quelques cardiologues et chirurgiens cardiaques intéressés par cette discipline. L’association ne s’est jamais arrêtée un jour, depuis 27 ans, d’œuvrer pour le bien-être de ces petits souvent très démunis, et elle continue son devoir humain, médical et national avec toujours plus d’ambition et d’amour pour ces enfants. On n’est jamais satisfait d’œuvrer pour la protection des bébés et enfants de son pays qu’on aime. J’exprime mon profond respect et gratitude à toutes les personnes qui ont œuvré et œuvrent toujours pour nous aider dans cette lourde tâche difficile, mais si noble. A savoir les bénévoles, les entreprises privées, les confrères étrangers, les comités qui se sont succédé depuis 27 ans ainsi que le comité actuel, pour permettre à des milliers de familles démunies touchées par ces drames d’être heureuses, une fois l’opération réussie avec leur bébé ou enfant dans leurs bras.

 

F.N.H. : Qu’est-ce qui vous motive aujourd’hui à continuer le combat, malgré les difficultés que vous rencontrez forcément ?  

Dr S. E. : La haute vision éclairée de notre Souverain, qui a ouvert la médecine marocaine aux spécialistes étrangers, et le fait d’avoir ordonné la couverture sociale généralisée vont totalement révolutionner dans le bon sens notre métier. Et puis, il est évident que l’amour inconditionnel que je porte aux enfants et à mon pays sont les causes qui me motivent le plus, et je ne suis pas le seul dans cette démarche; c’est un travail d’équipe qui englobe notamment les bénévoles. On doit absolument servir les nouvelles générations; ils sont l’avenir de notre pays, cela doit être notre priorité. Il faut savoir que l’association est reconnue d’utilité publique et, par conséquent, les dons de mécènes sont déductibles d’impôts.

 

F.N.H. : Comment remédier, selon vous, au manque de chirurgiens cardiaques pédiatriques exclusifs ?  

Dr S. E. : A mon avis, la solution à cette équation délicate est très simple. Instaurer un partenariat public-privé résoudrait le problème en un temps record. Les référents connus en cardiologie pédiatrique dans le privé peuvent former rapidement les confrères intéressés par la cardiologie pédiatrique du secteur public ou privé. Idem pour la chirurgie cardiaque pédiatrique; c’est un devoir national, médical, puis humain. Nous avons de grandes compétences dans notre pays et, par ailleurs, les spécialistes étrangers qui ont acquis une grande expérience dans cette discipline, peuvent aussi jouer un grand rôle dans ces formations et expertises. Il faut toujours se rappeler qu’au Maroc nous n’avons qu’un seul chirurgien cardiaque pédiatrique, alors que la demande dépasse l’offre. Nous sommes devant des milliers d’enfants atteints et parfois en situation de danger. L’amélioration de la situation de ces enfants passe par la communication, la sensibilisation, la prévention et une véritable prise de conscience. 

 

 

 

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