Le 30 juin 2024 restera sans doute dans les annales de l’histoire politique française. En ce jour, le paysage politique a été radicalement redessiné avec la victoire du Rassemblement National (RN) au premier tour des élections législatives.
Il est ressorti de ce scrutin, qui a connu un taux de participation record d’environ 68%, que le Rassemblement National vient tête avec 34%, suivi du Nouveau Front Populaire (29%) et de la coalition présidentielle, sous la bannière Ensemble (22%).
En attendant un second tour décisif, cette victoire d’étape marque un tournant majeur non seulement pour le parti d’extrême droite, mais également pour la France, dont l'identité politique se trouve désormais à un moment charnière.
L'ascension du RN n'est cependant pas un phénomène soudain. Depuis plusieurs années, le parti a méthodiquement travaillé à remodeler son image, troquant les relents sulfureux du passé contre un discours plus lisse et prétendument respectueux des institutions républicaines.
Marine Le Pen a su capitaliser sur les peurs et les frustrations d'une partie croissante de la population, en proie à une Europe perçue comme technocratique et éloignée des réalités quotidiennes.
La victoire du RN aux élections européennes, organisées en France les 8 et 9 juin, et qui a poussé Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale, était d’ailleurs le signe annonciateur d’un chamboulement profond du microcosme politique français.
Un contexte électoral particulier
Cette victoire du RN ne peut être dissociée du contexte électoral spécifique qui prévaut actuellement dans l’Hexagone. La fragmentation des forces politiques traditionnelles, l'usure du pouvoir des partis centristes et de gauche, ainsi que la multiplication des crises sociales ont créé un terreau fertile pour le discours nationaliste et populiste du RN.
Le sentiment d’insécurité, qu’elle soit économique, identitaire ou culturelle, a été habilement exploité par le RN pour drainer un électorat lassé des promesses non tenues et des scandales politiques.
Avec cette victoire, qui contraint Les Républicains et le Parti socialiste, en quête de repères et de leadership, à redéfinir leurs axes politiques et stratégiques pour éviter une marginalisation prolongée, le RN se retrouve en position de force pour influer sur la direction politique de la France. Mais à quel prix ?
L'un des premiers chantiers annoncés est une révision radicale des politiques migratoires, une rhétorique de "préférence nationale" qui risque de fracturer davantage une société déjà divisée.
Les projets de loi visant à restreindre les libertés publiques, sous couvert de sécurité, ne manquent pas d'inquiéter également les défenseurs des droits de l'Homme et les observateurs internationaux.
De même, le flou persistant qui entoure le programme économique du RN laisse suspicieux opérateurs nationaux, économistes, investisseurs internationaux… et fait craindre un chaos au niveau des marchés financiers.
Une France à réinventer
L’arrivée du RN au pouvoir, malgré les inquiétudes légitimes qu'elle suscite, est un signal fort : une partie significative de la population réclame une rupture avec le passé, un renouveau politique. Cependant, ce choix pose une question très importante : celle de l’avenir de la démocratie en France.
Le défi pour le RN sera de gouverner dans le respect des valeurs républicaines et de l’État de droit, tout en répondant aux attentes de ses électeurs.
C’est dire qu’une nouvelle ère politique s’ouvre en France. Une ère qui sera scrutée avec attention, tant par les citoyens que par la communauté internationale. Ce bouleversement politique est l'occasion de repenser les fondements mêmes de la société française, de ses institutions et de son vivre-ensemble.
F. Ouriaghli
