Dans les pages de l'histoire humaine, il existe des chapitres aussi sombres que douloureux, des moments où l'humanité a succombé à sa pire cruauté.
Parmi ces pages macabres, la traite des esclaves se distingue comme l'un des épisodes les plus atroces de l’humanité, marquant une plaie béante dans le tissu de notre conscience collective.
Le 25 mars de chaque année, la Journée internationale de commémoration des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique des esclaves nous rappelle avec une solennité implacable les souffrances indicibles endurées par des millions d'hommes, de femmes et d'enfants pendant plus de quatre siècles.
Le silence glacial de l'oubli semble souvent recouvrir cette tragédie, reléguant au second plan les vies brisées, les familles déchirées et les espoirs anéantis.
Pourtant, le devoir de mémoire exige que nous affrontions les horreurs du passé, que nous confrontions le monstre de l'histoire pour mieux comprendre les cicatrices persistantes qui marquent notre présent.
Les chiffres eux-mêmes, bien que troublants, ne suffisent pas à rendre compte de l'ampleur de cette catastrophe humaine. Estimé à plus de 15 millions d'individus pour la seule traite transatlantique, le nombre de vies brisées par cette abomination dépasse l'entendement.
Les historiens divergent quant aux chiffres exacts, mais peu importe les variations, chaque nombre représente une âme volée, une existence broyée par la cupidité et la barbarie.
António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies, a souligné avec justesse l'importance de cette journée de commémoration : «Cette Journée est une occasion de se souvenir et de rendre hommage aux millions d'Africains qui ont été victimes de la traite et réduits en esclavage. Ceux qui avaient organisé et dirigé la traite transatlantique des esclaves ont amassé d'énormes fortunes», tandis que «les esclaves étaient privés d'éducation, de soins de santé, d'opportunités et de prospérité».
Selon le chef de l’ONU, «cela a jeté les bases d'un système de discrimination violente basé sur la suprématie blanche qui résonne encore aujourd'hui. «Aujourd'hui et chaque jour, nous rejetons l'héritage de cet horrible crime contre l'humanité», a-t-il affirmé, appelant à la mise en place de cadres de justice réparatrice pour surmonter des siècles d'exclusion et de discrimination.
Il a rappelé avec éloquence le courage des millions d'Africains réduits en esclavage et leur lutte incessante pour la liberté dans un monde où leur humanité était niée.
La voix de Guterres résonne comme un appel à l'action, une exigence morale de justice et de rédemption pour ceux dont les cris ont été étouffés par les chaînes de l'oppression.
Il met en lumière les récits de résistance et de courage, ceux des reines et des rois, des guerriers et des mères, qui ont refusé de plier sous le poids insoutenable de l'esclavage.
Mais la commémoration ne saurait se limiter à une simple rétrospective historique. Elle doit être le catalyseur d'une réflexion profonde sur les racines du racisme et de la discrimination qui persistent encore aujourd'hui.
C’est pourquoi Omar Zniber, Président du Conseil des droits de l'Homme, appelle à démanteler les structures d'oppression et d'inégalité qui continuent de marginaliser et d'opprimer les descendants des victimes de l'esclavage.
Il exhorte à une action collective pour briser les chaînes invisibles de la discrimination et de la haine, à reconnaître la souffrance des générations passées pour construire un avenir fondé sur la dignité et le respect de chaque individu.
Traumatismes psychiques
La traite des esclaves a laissé des cicatrices profondes dans le tissu social et psychologique de l'Afrique et de sa diaspora. Aimé Charles-Nicolas, éminent professeur de médecine et de psychologie médicale et de psychiatrie à la Faculté de Médecine des Antilles-Guyane, décrit avec finesse, dans un entretien accordé au site français La Vie, les traumatismes psychiques infligés par des siècles de déshumanisation et de brutalité.
Il souligne l'héritage persistant de la hiérarchisation raciale, une blessure qui continue de saigner dans les sociétés marquées par l'esclavage.
Pourtant, malgré l'horreur du passé, il subsiste un rayon d'espoir, une lueur de résilience qui refuse de s'éteindre.
La déclaration du Département d'État des États-Unis, par la voix d'Antony J. Blinken, témoigne de cette volonté de reconnaître les injustices du passé et de travailler pour un avenir où chaque individu est traité avec égalité et respect.
«Les inégalités fondées sur la race, les pratiques discriminatoires, l’injustice raciale et de nombreux autres défis mondiaux contemporains trouvent leur origine dans des atrocités historiques, notamment la traite transatlantique des Africains réduits en esclavage, l’exploitation coloniale sur le continent africain et la déshumanisation brutale des Africains et de leurs descendants au fil des siècles», a-t-il dénoncé, ajoutant que «nous prenons acte des difficultés persistantes et systémiques auxquelles sont confrontées les personnes d’ascendance africaine, et réaffirmons notre volonté de travailler en partenariat avec la communauté internationale afin de promouvoir la lutte contre le racisme, la discrimination et la xénophobie anti-Noirs, dans notre pays et dans le reste du monde».
D’où l’importance de se souvenir pour donner un écho autrement plus important à cette Journée internationale de commémoration des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique des esclaves.
Se souvenir, c'est rendre hommage aux victimes, mais c'est aussi prendre position pour un avenir meilleur, où la lumière de la justice éclaire chaque recoin sombre de notre humanité.
Se souvenir, c'est guérir les blessures du passé, c'est construire un avenir où l'humanité triomphe de l'inhumanité, où la justice et l'égalité sont les fondations sur lesquelles reposent nos sociétés.
D. William