HRW accuse Israël de transformer le système de distribution d’aide à Gaza en «piège mortel» : au moins 859 Palestiniens ont été tués entre le 27 mai et le 31 juillet.
La bande de Gaza, exsangue après vingt-deux mois de guerre, est à l’agonie. Et ce n’est plus uniquement la faim ou les bombes qui tuent. C’est aussi et peut-être surtout l’aide humanitaire elle-même.
Dans un rapport publié ce vendredi, Human Rights Watch (HRW) dresse un constat glaçant : le dispositif mis en place par Israël, avec le soutien logistique et politique des Etats-Unis, pour distribuer de l’aide à Gaza, serait un «piège mortel» pour les civils.
L’ONG évoque sans détour un «système militarisé» qui a provoqué de «véritables bains de sang». Selon HRW, au moins 859 Palestiniens ont été tués entre le 27 mai et le 31 juillet alors qu’ils tentaient d’accéder à des vivres distribués par la Fondation humanitaire pour Gaza (GHF), structure parrainée par Israël et Washington.
L’organisation accuse les forces israéliennes de tirer «presque quotidiennement» sur des civils affamés, en quête désespérée de nourriture pour leurs familles.
«Les meurtres de Palestiniens en quête de nourriture par les forces israéliennes sont des crimes de guerre», tranche Belkis Wille, directrice adjointe à la division Crises et conflits de HRW.
Un système d’aide décrié
Dans les faits, le dispositif logistique de la GHF est loin d’assurer une distribution efficace, équitable et sécurisée de l’aide.
HRW décrit un mécanisme hautement contrôlé par l’armée israélienne, qui impose aux civils de parcourir des zones détruites et dangereuses pour accéder à quelques rations.
Sur les lieux de distribution, la violence est systématique : bousculades, panique, tirs de sommation… «Une foire d’empoigne incontrôlée», selon l’ONG, dans laquelle les plus vulnérables n’ont aucune chance.
Des témoignages recueillis par HRW confirment que les déplacements des civils sont strictement encadrés par des ordres militaires et des balles réelles.
Quant aux ONG internationales, elles refusent en bloc de collaborer avec la GHF, jugeant le volume de l’aide insuffisant, les conditions d’accès inacceptables et la gouvernance partiale.
L’aide devient ainsi un outil de guerre, plutôt qu’un remède à la crise humanitaire.
«La situation humanitaire désastreuse (à Gaza) est la conséquence directe de l’utilisation par Israël de la famine comme arme de guerre», assène HRW.
La guerre de la faim, comme on la nomme déjà dans certains cercles diplomatiques, s’ajoute à la guerre des bombes.
Dans ce contexte, une note de solidarité émane du Maroc. Le Roi Mohammed VI, président du Comité Al-Qods, a ordonné l’envoi d’une aide humanitaire et médicale d’urgence à destination de Gaza.
Quelque 180 tonnes de denrées, de lait infantile, de médicaments et de matériel chirurgical sont en cours d’acheminement via un corridor sécurisé. Un geste salué au-delà des frontières comme preuve tangible de fraternité et d’engagement en faveur du peuple palestinien.
La communauté internationale indignée
Face à l’ampleur de la tragédie, la diplomatie internationale semble s’émouvoir. Le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul, en visite à Jérusalem, a dénoncé une «catastrophe humanitaire qui dépasse l’imagination» et mis en garde Israël contre sa dérive isolationniste.
Plusieurs pays européens (France, Royaume-Uni, Portugal, Canada…) ont d’ores et déjà annoncé qu’ils reconnaîtront un Etat palestinien en septembre, lors de l’Assemblée générale de l’ONU.
Même Donald Trump, soutien indéfectible de l’Etat hébreu, a affiché un certain malaise, évoquant pour la première fois une «vraie famine» à Gaza.
Son émissaire spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, a d’ailleurs prévu une rare visite à Gaza ce vendredi.
Il doit inspecter les sites de distribution d’aide et rencontrer des habitants. Objectif affiché : mettre en place un plan pour livrer «davantage de nourriture».
Objectif implicite : contenir les critiques, alors que les images de mères gazaouies implorant du pain et de morgues saturées de cadavres saturent les réseaux sociaux.
Parallèlement, pendant que certains Etats esquissent des gestes en direction de la Palestine, Washington choisit la confrontation.
Jeudi, le Département d’Etat a annoncé des restrictions de visas visant des responsables de l’Autorité palestinienne (AP) et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), accusés de «soutien au terrorisme» et de tentative d’«internationaliser le conflit».