Le tribunal de Tokyo a autorisé vendredi la prolongation de la garde à vue de Carlos Ghosn jusqu'au 22 avril, dans le cadre de nouvelles accusations de malversations présumées qui ont interrompu sa courte période de liberté.
A l'issue de cette période, l'ancien PDG de Renault-Nissan, âgé de 65 ans, pourra être inculpé et maintenu en détention provisoire, arrêté de nouveau pour un autre motif, ou encore être relâché sans poursuites.
La décision du tribunal, qui a accordé une extension un peu moins longue que ce qui avait été requis par le parquet, a été annoncée dans un bref communiqué, sans plus d'explication.
Les avocats de M. Ghosn ont aussitôt fait appel.
Depuis sa ré-arrestation survenue le 4 avril à son domicile de Tokyo, un mois à peine après sa libération sous caution, le magnat de l'automobile déchu se trouve dans la prison du quartier de Kosuge (nord de la capitale), où il est régulièrement interrogé par les enquêteurs du bureau des procureurs.
Ils le questionnent sur des soupçons de détournements de fonds de Nissan, effectués via un distributeur de véhicules du constructeur à l'étranger.
Il s'agit du sultanat d'Oman, d'après des sources proches du dossier.
Sur un total de 15 millions de dollars versés entre fin 2015 et mi-2018, 5 millions ont été utilisés pour le bénéfice personnel de M. Ghosn, selon le bureau des procureurs.
Dans cette affaire aux moult rebondissements, l'épouse de Carlos Ghosn, Carole, a été entendue en tant que témoin jeudi.
Elle est revenue exprès à Tokyo quelques jours après être précipitamment partie de la capitale nippone parce qu'elle s'était "sentie en danger".
D'après des éléments de l'enquête interne de Nissan, une partie des sommes qui auraient été détournées ont abouti sur les comptes d'une société qu'elle dirige, "Beauty Yachts", enregistrée dans les Iles vierges britanniques.
L'argent aurait servi à l'achat d'un luxueux bateau, d'un coût de 12 millions d'euros, baptisé "Shachou" (prononcer "shatchô", patron en japonais), a précisé une personne au fait des investigations.
Le tout-puissant PDG, tombé en disgrâce depuis son interpellation le 19 novembre à Tokyo, a déjà été inculpé à trois reprises : deux pour déclarations inexactes de revenus sur les années 2010 à 2018, dans des documents remis par Nissan aux autorités financières, et une pour abus de confiance.
Il est notamment accusé d'avoir tenté de faire couvrir par la compagnie des pertes sur des investissements personnels lors de la crise économique de 2008.
Dans une vidéo enregistrée le 3 avril et diffusée cette semaine, Carlos Ghosn clame une nouvelle fois son innocence, se disant victime d'un "complot", d'une "trahison" d'une petite équipe de dirigeants de Nissan qui auraient voulu le faire tomber pour tenter d'empêcher un projet de fusion avec son allié Renault.
Son équipe de défense avait déposé mercredi un recours devant la Cour suprême, une tentative employée pour la première fois dans cette affaire, dans le but de le faire libérer.
"Il est clair que M. Ghosn ne peut pas détruire de preuves ni s'enfuir, c'est pour cela qu'il avait été libéré sous caution, donc on ne peut pas dire que cela a changé et l'arrêter sous ce prétexte", a plaidé son avocat, Junichiro Hironaka, réfutant les arguments du parquet.
Pendant ce temps, l'alliance automobile qu'il a bâtie en 20 ans de règne va de l'avant après les turbulences de ces derniers mois.
Les dirigeants de Renault, Nissan et Mitsubishi Motors tiennent vendredi à Paris leur premier conseil opérationnel, une instance créée en mars pour tourner la page de l'ère Ghosn et marquer un "nouveau départ", selon l'expression du nouveau pilote du partenariat franco-japonais, Jean-Dominique Senard.
(AFP)