Le premier round des négociations post-Brexit qui a eu lieu cette semaine à Bruxelles, a révélé de "sérieuses divergences" entre l'Union européenne (UE) et le Royaume-Uni sur l'avenir de leur relation, a indiqué, jeudi, le négociateur en chef européen, Michel Barnier.
Bien que ce premier round de discussion se soit déroulé de manière "sérieuse et constructive", celui-ci a laissé apparaître des "divergences, dont certaines très sérieuses", a estimé Barnier à l'issue de cette phase inaugurale de tractations qui devraient reprendre en ce mois de mars à Londres pour un second round.
Pour Barnier qui a conduit les négociations au nom de la Commission européenne face à son homologue britannique David Frost, la présence de divergences n'est pas une surprise en soi, "certainement après un seul round, mais certaines sont très, très difficiles".
Parmi les principales divergences "à résoudre", le négociateur de l'UE cite en premier lieu la question d'une concurrence équitable des entreprises et de standards élevés communs (en matière de conditions de travail, normes environnementales, etc.), jugés nécessaires par l'Europe.
Si les Britanniques, dont la sortie de l'UE devenue effective le 31 janvier dernier, assurent avoir la même ambition, "ils ne veulent pas traduire ces engagements dans un accord formel commun, et ne veulent pas non plus des mécanismes pour en assurer le respect de part et d'autre", a regretté Barnier au terme de la première semaine de négociation qui a réuni autour de la table plus d'une centaine d'experts des deux côtés.
L'autre point d'achoppement entre les deux parties concerne la coopération judiciaire et policière en matière pénale.
Alors que l'UE la veut "ambitieuse" et "à la hauteur des défis partagés", en référence, entre autres, à la lutte contre le crime organisé ou le blanchiment, Barnier a souligné que "cela nécessite des engagements de part et d'autre à l'égard des droits fondamentaux des personnes", citant en particulier le cas d'échanges de données ADN.
Sur ce point, le négociateur européen pointe la position du Royaume-Uni qui "nous dit qu'il ne veut pas s'engager formellement à continuer à appliquer la Convention européenne des droits de l'Homme, et ne veut pas non plus que la Cour de justice de l'UE joue pleinement son rôle d'interprétation du droit européen".
Or, "c'est un point incontournable pour nous", a insisté Barnier, qui laisse ainsi entendre que sans accord sur le champ de compétence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la coopération en matière de justice sera forcément revue à la baisse.
A ces points, s'ajoutent d'autres divergences, selon Barnier.
Celles-ci, précise-t-il, concernent notamment la volonté de Londres d'aller vers "une multitude d'accords particuliers ou sectoriels", au moment où l'UE tient à "une gouvernance horizontale pour un accord efficace, durable et solide juridiquement", en plus du dossier sensible de la pêche.
"Si on veut un accord de commerce, une solution équilibrée sur la pêche devra en faire partie", a soutenu le négociateur européen.
Concrètement, à ce niveau, le Royaume-Uni propose de ne pas intégrer la pêche dans un accord économique global, et de "négocier l'accès réciproque aux eaux britanniques et européennes sur base annuelle", ce qui est "absolument impraticable", a-t-il affirmé.
Avant même le début du premier round des discussions avec Londres, le négociateur européen avait averti que les négociations seront "compliquées" et que l'UE "ne conclura pas d'accord à n'importe quel prix".
Le calendrier des négociations s'annonce, en effet, très serré, alors que la période de transition, durant laquelle le Royaume-Uni qui doit continuer à se conformer aux règles de l'Union européenne et rester membre de l'union douanière et du marché intérieur, devra se terminer le 31 décembre de cette année.
Lors des négociations, les deux parties seront appelées à s'entendre sur plusieurs dossiers épineux.
Outre la conclusion d'un accord commercial, l'UE et le Royaume-Uni devront, de même, parvenir à un nouvel accord de pêche, en particulier sur l'accès aux eaux et la répartition des quotas.
Le domaine sécuritaire sera également au cœur des négociations, avec comme objectif de permettre à Bruxelles et Londres de maintenir des relations intenses pour assurer une lutte commune contre le terrorisme, la grande criminalité internationale, les cyberattaques, ou encore les campagnes de désinformation.■