La prise d'Alep par les forces dites «jihadistes» ouvre un nouveau chapitre dans le chaos syrien qui dure depuis 14 ans.
Au-delà de la terreur qui a marqué cette dernière offensive, cette nouvelle étape dans la guerre en Syrie montre à quel point le pays est morcelé en différentes zones de pouvoir. D’un côté, le régime très affaibli de Bachar Al-Assad, de l’autre, des forces pro-iraniennes, des milices pro-russes, des combattants sous le contrôle de la Turquie et des groupes armés de différentes obédiences, soutenus par l’Occident et Israël.
Dans cette mosaïque de la terreur, la Syrie tient par miracle, alors que le pays est dévasté. Des villes entières rasées, des régions en ruines, des infrastructures démolies, une économie inexistante, pauvreté, précarité, famine et manque de tous les produits de première nécessité marquent le quotidien d’un pays qui n’a de l’État que le nom. Ceci, sans parler de plus d’un demi-million de morts en 10 ans. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), la guerre en Syrie a fait plus de 507.000 morts, avec plus de 164.000 civils, dont plus de 15.000 femmes et 25.000 enfants. Selon les Nations Unies, 16.7 millions de personnes en Syrie ont besoin d'assistance humanitaire ou de protection. Plus de 13 millions de personnes ont fui le pays ou sont déplacées à l'intérieur de ses frontières, ayant perdu maison, biens et famille. Avec plus de 90% de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté. C’est de l’avis de tous les observateurs la plus grande crise humanitaire des 50 dernières années.
Pourtant, elle passe au second plan, oblitérée par la guerre en Palestine et au Liban, comme c’est le cas pour le bourbier irakien et l’enfer au Yémen. En chiffres, rien qu’en Syrie, en Irak et au Yémen, on compte plus de 3 millions et demi de morts en 20 ans. Aujourd’hui, la situation est encore plus incertaine pour un pays désintégré. Bachar al-Assad garde encore la main sur 60% d’un territoire dévasté. Les Kurdes du Parti de l’union démocratique (PYD) en contrôlent 25% au Nord-est, alors que le groupe dit «djihadiste» Hayat Tahrir al-Cham (HTM) domine les provinces d’Idlib et d’Afrin, ce qui équivaut à quelque 8 à 10% de ce territoire qui tombe en morceaux. Plus concrètement, de l'est de la capitale Damas jusqu'aux terres qui atteignent l'Euphrate, c’est l'influence iranienne qui domine. Dans la rive méditerranéenne, les régions allant jusqu’à Damas et les terres méridionales sont sous l'influence de la Russie. Dans cette configuration, l'Iran et la Russie comptent parmi les soutiens les plus riches du gouvernement de Bachar Al-Assad. Lattaquié, le principal port de Syrie sur la Méditerranée, est sous le contrôle des troupes de Al-Assad, avec un contrôle et une protection russe, qui trouve là une ouverture sur la Méditerranée. C’est dire que dans cette guerre des influences et des intérêts, l’avenir de la Syrie est très incertain, dans une région sous tension, avec le spectre d’une guerre globale incluant Damas, Beyrouth, Gaza, Tel-Aviv et Bagdad.