Après un long combat et une attente interminable, les tirailleurs sénégalais, maliens et mauritaniens qui ont combattu pour la France peuvent désormais rentrer définitivement dans leur pays tout en percevant leur minimum vieillesse.
Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Une décision prise par le gouvernement français et annoncée le 4 janvier 2023, le jour même de la sortie en salles du film, intitulé : «Tirailleurs», avec dans le rôle principal l’acteur français d’origine sénégalaise et mauritanienne, Omar Sy, qui essuie dans la foulée une pluie de commentaires et des accusations dans une polémique sur ses propos dénonçant le racisme en France.
On le voit bien, ce sont là trois faits d’actualité qui coïncident et relancent le débat sur les positions de l’Etat français à l’égard de ces soldats africains qui ont payé de leurs vies pour libérer la France. Celle-ci attend presque 90 ans pour permettre à ces soldats dont il ne reste qu’une petite poignée de revenir dans leurs pays sans perdre leurs allocations.
En effet, ce qu’il faut retenir, c’est que ces anciens tirailleurs, tous des soldats nés dans les colonies en Afrique et enrôlés de force par l'armée française, sont dans l'ensemble des soldats d'Afrique subsaharienne qui se battaient sous le drapeau français, quels que soient leur nationalité ou leur pays d'origine. Ces «tirailleurs» ont participé à la Seconde Guerre mondiale et aux guerres de décolonisation, notamment en Indochine et en Algérie.
Après les guerres, ils étaient tous obligés de vivre en France, dans des conditions déplorables et dans une précarité dénoncée par de nombreuses associations qui militaient durant des décennies pour obtenir les droits de ces militaires, utilisés comme chair à canon par l’armée française, et qui, après la guerre, ont été livrés à eux-mêmes et oubliés.
Aujourd’hui, la décision qui vient de tomber arrive trop tard, puisque les anciens soldats qui sont encore en vie, ont tous plus de 90 ans. Ils peuvent enfin rentrer définitivement chez eux et toucher quand même leur minimum vieillesse. Jusqu'ici, ils étaient obligés de vivre au moins six mois de l'année en France, ce que plusieurs d’entre eux étaient incapables de faire pour des raisons de santé et de pauvreté. Ce qui fait dire à de nombreux représentants des communautés africaines vivant en France que c’est là encore un fait marquant de l’ingratitude française qui s’est servie des jeunes de ses anciennes colonies pour former les rangs des premiers bataillons livrés aux armes ennemies, avant de les ignorer pendant plusieurs décennies occultant leurs revendications et faisant taire leurs voix en les tenant à l’écart.
Pour Aïssata Seck, présidente de l'Association pour la mémoire et l'histoire des tirailleurs sénégalais, c’est tout de même un «soulagement et une grande fierté pour eux qui vont pouvoir rentrer chez eux… Mais leur histoire reste encore trop peu connue, et peu visible dans l'espace public. Il reste encore beaucoup de choses à faire, mais les choses avancent. Doucement, lentement, mais sûrement.»
Aujourd’hui, l’Office des anciens combattants a recensé une quarantaine de vétérans âgés de plus de 90 ans, une «vingtaine» de dossiers a, pour le moment, été validée. 20 noms pour une allocation de misère ne dépassant pas les 950 euros. Ce n’est pas cher payé pour des milliers de vies sacrifiées pour libérer la France et les Français. 20.000 euros à payer par mois pour enfin libérer des anciens soldats pris en otage pour un petit revenu dont ils ont grand besoin.
Il faut aussi ajouter ici que la dernière avancée dans cet épineux dossier des «tirailleurs sénégalais» remonte à 2016, quand le président François Hollande avait octroyé la nationalité française à ces «Sénégalais» qui rassemblaient des soldats engagés de l’ensemble des colonies françaises (Mali, Maroc, Algérie, Sénégal, Côte d’Ivoire…).
Ce qu’il faut aussi retenir, c’est que 200.000 tirailleurs se sont battus pendant la Première Guerre mondiale, 150.000 pour la Seconde, 60.000 en Indochine. Durant la première guerre, 30.000 tirailleurs ont été tués.