Les chiffres sont clairs : la pauvreté monétaire touche 16,8% des habitants de l'Union européenne (UE) à 28 en 2018, soit environ 86 millions de personnes. En 2022, ce chiffre a dépassé les 100 millions avec des prévisions allant jusqu’à 150 millions à l’horizon 2030.
L’Europe vieillit et très mal. Depuis plus d’une décennie, les études sur la pauvreté sont alarmantes et font état d’un risque généralisé dans toute l’Europe, des pays Baltes au Portugal. De Dublin à Sofia. Dans ce schéma de plus en plus accentué, si la France affichait un taux moyen de risque de pauvreté avec 11 millions de personnes pauvres, ces cinq dernières années, la situation s’est aggravée à cause de la pandémie et de la guerre. Aujourd’hui, plus de la moitié des pauvres en France sont des femmes et 17% de la population vivent sous le seuil de pauvreté monétaire. La moitié des pauvres vivent avec 885 euros mensuels ou moins. Ceci sans compter les pauvres qui échappent aux statistiques et sans compter non plus le taux de pauvreté monétaire des DOM qui est deux à cinq fois plus élevé qu’en métropole. Cela donne un taux de pauvreté officiel de 14,6%, alors que les personnes pauvres représentent en réalité au moins 17% de la population. En France métropolitaine, 21% de la population sont en situation de pauvreté monétaire ou de privation matérielle et sociale, soit plus d’une personne sur cinq ! Pour l’Insee (l'Institut national de la statistique et des études économiques), il y a 2 millions de personnes en situation de grande pauvreté en France. Parmi elles, on trouve notamment les 300 000 personnes sans domicile fixe (SDF) que compte la France, d’après la Fondation Abbé Pierre. Il y a aussi près de 3 millions d’enfants pauvres en France. Le taux de pauvreté des moins de 18 ans, quant à lui, a atteint les 21% avec un enfant sur cinq qui est pauvre.
Ceci pour la France, au Royaume-Uni, dix-sept millions de personnes sont considérées comme pauvres. C’est près du quart de la population. L’un des indices qui montre à quel point le pays a sombré dans la pauvreté est celui relatif aux banques alimentaires. Si le Royaume-Uni ne comptait que quelques dizaines de banques alimentaires en 2010, il en dénombre en 2022 plus de deux mille. Les études de terrain montrent que beaucoup de familles sont à la rue et près de trois millions d’enfants ne mangent plus à leur faim. L’espérance de vie régresse dans les régions les plus défavorisées, où l’on meurt dix ans plus tôt qu’ailleurs, victime du «Shit Life Syndrom», littéralement «le syndrome de la vie de merde».
L’autre pays considéré comme fer de lance de l’économie en Europe est l’Allemagne. Là aussi les choses sont très graves. Malgré une décennie de prospérité, le taux de pauvreté est passé de 14,3% à 16,8% entre 2010 et 2019 en Allemagne. En 2022, ce chiffre a bondi à cause de la pandémie et de la crise énergétique. L’enquête annuelle que vient de rendre publique le Paritätischer Gesamtverband, un grand regroupement d’organisations caritatives et sociales, révèle que 13,8 millions de personnes étaient contraintes de vivre dans l’indigence en 2021. Ce qui représente, après des hausses continues, 16,6% de la population, un record depuis 1990.
Ailleurs en Europe, excepté la Finlande qui présente un taux beaucoup plus faible, de 5,1%, tous les autres pays, surtout les plus peuplés, se situent au-dessus des 10% : l’Allemagne avec 10,2 %, l’Italie avec 13,4% et l’Espagne avec 14,6%. La Roumanie et la Grèce font non seulement partie des pays où les revenus et les seuils de pauvreté sont les plus bas d’Europe, mais ce sont aussi les pays où la part de la population pauvre, la plus éloignée du niveau de vie standard du pays, est la plus importante. En Espagne, au Portugal et en Italie, les revenus sont un peu plus élevés en moyenne, mais une personne sur sept environ vit sous le seuil de pauvreté de 50% du revenu médian.
La situation est particulièrement préoccupante dans les pays baltes où la part de retraités «à risque de pauvreté» atteint voire dépasse les 40%. Le taux de risque de pauvreté est ainsi de 35,9% en Lituanie, de 40,6% en Estonie, et de près de 45% en Lettonie. Deux autres pays de l’Union européenne connaissent une situation critique quant au risque de pauvreté de leurs seniors : la Bulgarie avec un taux de 34,6%, et la Croatie avec un taux de 32,4%.
Le Luxembourg est le pays de l’Union européenne où le risque de basculer dans la pauvreté est le plus faible, avec 9,1% des plus de 65 ans en situation de risque de pauvreté. Viennent ensuite la Slovaquie avec un taux de 10,3% et la République tchèque avec 10,5%.
A tout ceci, il faut aussi ajouter un autre chiffre qui en dit long sur la crise qui frappe l’Europe aujourd’hui. En 2022, le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) des 15-74 ans est de 7,3% en France et de 6,1% dans l'ensemble de l'Union européenne à 27 pays. Si ce niveau est considéré comme bas, les prévisions indiquent que cela peut dépasser les 8% et les 11% dans certains pays.
C’est dire que la crise économique et la récession financière sont inextricables surtout couplées à la crise énergétique et aux retombées de la guerre en Ukraine qui s’installe dans la durée.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste