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Entretien : Le PJD a-t-il les mêmes chances pour briguer un autre mandat ?

Entretien : Le PJD a-t-il les mêmes chances pour briguer un autre mandat ?
 
Les partis politiques retiennent leur souffle ce lundi 6 septembre. Les candidats mobilisés pour un scrutin pas comme les autres, à cause de la situation sanitaire, occupent l’espace par leur présence et usent des moyens technologiques pour se rapprocher des électeurs.
 
Quelles sont les chances des uns et des autres pour gouverner les cinq prochaines années ?
 
Tour d’horizon avec Younès Dafkir, expert en politique, à J-2 des élections communales, régionales et législatives dans notre pays.
 
 
 
 
La Quotidienne : Quelles sont les opportunités du PJD de briguer un troisième mandat, compte tenu de ses réalisations en 10 ans à la tête du gouvernement ?
 
Younès Dafkir : Sur le principe, les chances sont approximativement les mêmes pour l’ensemble des partis et particulièrement pour les quatre partis qui constituent le carré d’or et qui gouvernent actuellement. Mais le PJD jouit d’une position exceptionnelle compte tenu du fait qu’il a été à la tête du gouvernement pendant 10 ans. Un premier mandat dirigé par Abdelilah Benkirane d’abord, et un deuxième sous l’égide de Saad Eddine El Otmani.
 
Nous pouvons d’ores et déjà constater que le bilan du PJD permet de tirer des leçons approfondies, parce qu’il concerne deux mandats et 10 ans d’exercice. Cette période est assez suffisante et significative pour pouvoir se prononcer sur les réalisations du gouvernement sortant.
 
Ce que l’on peut remarquer, c’est que la tendance à quelques heures des élections, va vers un vote sanction contre le PJD. Je m’explique, plusieurs indicateurs révèlent d’une manière générale que l’opinion publique est sceptique par rapport à la gestion du pays sur le plan socioéconomique. Le deuxième indicateur est lié à l’élection des chambres professionnelles. Même si ces dernières ne reflètent pas systématiquement et mécaniquement la tendance politique des législatives, cette expérience a donné un avant-goût de ce vote sanction contre les candidats du PJD dans les chambres professionnelles, où le quota des résultats a régressé de presque 50% comparé à 2015. Le même scénario s’est reproduit au niveau des élections syndicales où le parti a perdu son statut de syndicat le plus représentatif.
 
Cet ensemble d’indicateurs laisse penser qu’on se dirige vers un vote sanction lié au bilan économique et social. Mais il y a d’autres éléments qu’on peut ajouter et qui font penser que le parti n’aura pas la même opportunité qu’en 2011 et 2016. Car l’ambiance politique de 2021 diffère sensiblement de celle de 2016. Exemple : le PJD, dans ces élections, manque d’un personnage qui a marqué les esprits comme Abdelilah Benkirane, car il a été le maestro des élections en 2011 et 2016 grâce à sa popularité, son franc parler et ses capacités à affronter les concurrents, politiquement parlant. 
 
Nous remarquons également que l’environnement du PJD est dans une situation de mollesse et de détresse à cause du retrait de certaines figures influentes, qui se sont abstenues et n’ont pas voulu se présenter aux récentes élections.
 
Ce cocktail de facteurs réduit les chances du PJD dans le schéma actuel des législatives. Je signale, par ailleurs, que ce qui est étrange, c’est ce coefficient électoral que le PJD considérait comme un obstacle à son élection pour un troisième mandat, et qui peut causer son échec sur le plan politique, est que ce coefficient va le sauver d’une grosse défaite. Côté électeurs, ces derniers s’aperçoivent que le parti avec lequel ils ont noué une convention morale en 2011 et en 2016, n’est plus le même sur le plan idéologique et sur les convictions morales à cause de plusieurs faits relevant des libertés individuelles des membres du parti. Sans oublier la détresse constatée dans la gestion de la normalisation avec Israël.
Les contradictions idéologiques du PJD combinées au maigre bilan économique et social font que les chances du PJD s’amenuisent.
 
 
La Quotidienne : Quelles sont, à votre avis, les cartes les plus sûres que peut avoir un parti dans le contexte actuel pour gagner les élections ?
 
Y.D : La première donne, si j’ose dire, concerne les programmes électoraux parce que les électeurs ont atteint une maturité et prennent au sérieux cette donne en termes de concrétisation et des délais de réalisation des différents programmes. Le deuxième élément est lié aux profils qui constituent les partis politiques parce que la situation actuelle est différente de 2011 et 2016. Pendant ces périodes, on peut dire qu’on avait plus besoin de profils politiques pour accomplir ses missions politiques sans pour autant se soucier de répondre aux problématiques qui ont évolué avec le développement du Maroc.
 
Aujourd’hui, on a plus besoin de profils compétents dans la gestion des affaires économiques dans la lignée des objectifs fixés. Les électeurs cherchent plutôt le parti qui dispose de cadres qualifiés, capables d’accompagner le processus démocratique dans ses volets économiques et sociaux. D’ailleurs, nous avons relevé que cette campagne est très différente des précédentes. Nous assistons à moins de bruit dans les rues, certes à cause de la situation sanitaire, mais il y a beaucoup de présence sur les réseaux sociaux et les plateformes. Cela prouve encore une fois que les partis politiques innovent en termes de communication et donnent plus de visibilité aux électeurs pour pencher vers un parti ou un autre selon leurs convictions. Une chose est sûre, le Maroc a besoin de changement et d’alternance pour faire valoir les idéologies dans leurs diversité.
 
 
La Quotidienne : Justement, les Marocains sont-ils prêts pour le changement à un moment où la crise sanitaire continue d’impacter le vécu économique et social du citoyen ?
 
Y.D : Le citoyen marocain dans sa composition et son évolution a montré qu’il a cette capacité de s’adapter aux situations quelles que soient leurs natures. Il s’adapte également aux variables du contexte qu’elles soient positives ou négatives. Si l’on prend l’exemple de ce contexte de pandémie, les citoyens ont pu s’accommoder aux politiques économiques qui ont constitué une problématique majeure dans certains pays développés, qui auraient pu s’écrouler à cause de la non-maîtrise de la situation sanitaire. 
 
La Covid-19 a été une menace pour le système économique mondial. Mais au Maroc, cette crise a été une opportunité pour des sujets importants et dans l’intérêt du citoyen. Nous avons assisté pendant cette période à une avancée dans certains secteurs comme l’industrie, dans des délais courts. Les citoyens ont, par conséquent, tiré profit de ces opportunités économiques en rapportant leur effet sur le social.
 
C’est pour dire que les Marocains s’adaptent au changement et se mobilisent en cette période de la campagne électorale pour le changement afin de promouvoir les institutions et réaliser les défis après le coronavirus.
 
 
 
 

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