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Nous sommes tous des virus

Par Abdelhak Najib

 

Il faut bien se résoudre à ce constat si limpide : l’homme, avec la réalisation, coûte que coûte, de ses désirs, obnubilé par l’accomplissement de ses fantasmes toujours plus grands et plus démesurés, aveuglé par la démesure de son immaturité affective, trompé par son appétence pour le pouvoir et le contrôle, floué par ses penchants pour la destruction et plus encore l’autodestruction, s’est perdu en chemin. L’Homme s’est égaré dans un désert infini. Il a perdu son essence.

Tout ceci a mené à une seule conséquence : l’Homme est mort. Oui, l’humain n’a plus droit de cité parce que nous n’avons pas su l’aimer et l’élever. Cette mise en bière rejoint de manière si implacable les propos du Zarathoustra de Friedrich Nietzsche dont les prévisions se vérifient au fil du siècle : «Lorsque je vins pour la première fois parmi les hommes, je fis la folie du solitaire, la grande folie : je me mis sur la place publique. Et comme je parlais à tous, je ne parlais à personne. Mais le soir des danseurs de corde et des cadavres étaient mes compagnons; et j’étais moi-même presque un cadavre. Mais, avec le nouveau matin, une nouvelle vérité vint vers moi : alors j’appris à dire : «Que m’importe la place publique et la populace, le bruit de la populace et les longues oreilles de la populace ! «Hommes supérieurs, apprenez de moi ceci : sur la place publique personne ne croit à l’homme supérieur. Et si vous voulez parler sur la place publique, à votre guise ! Mais la populace cligne de l’œil : «Nous sommes tous égaux». «Hommes supérieurs, - ainsi cligne de l’œil la populace, - il n’y pas d’hommes supérieurs, nous sommes tous égaux, un homme vaut un homme, devant Dieu - nous sommes tous égaux ! «Devant Dieu! - Mais maintenant ce Dieu est mort. Devant la populace, cependant, nous ne voulons pas être égaux. Hommes supérieurs, éloignez-vous de la place publique ! [...] Hommes supérieurs ! Maintenant, seulement la montagne de l’avenir humain va enfanter. Dieu est mort : maintenant nous voulons que le Surhumain vive».

Nous y sommes et le constat ne souffre d’aucune ombre. Aucune entité surhumaine, aucune spiritualité héritée ou acquise ne peut sauver l’Homme d’aujourd’hui. Celui-ci est générateur de sa propre souffrance. Il est vecteur de sa propre maladie. Il est porteur du bacille fatal. L’Homme ne peut devenir que s’il vit en reclus, loin des autres, seul et à distance de ses semblables, devenus tous des solitaires forcés. Jamais misère humaine n’a paru plus criarde.

L’avènement de l’ère du virus a balayé toute aspiration à une compensation supraterrestre post-mortem. La rédemption, la récompense, le rachat par la repentance, toute la terminologie victimisante, héritée des religions, ne sert à rien face au spectre de la mort certaine. Dans ce sens, la crise du coronavirus et la révélation qui en résulte s’inscrivent bien au-delà des concepts du bien et du mal.

Ce virus n’est pas doté de morale ni d’aspirations politiques, encore moins de vision ou de projection fondamentaliste. Il n’a pas d’intention maléfique. Il existe. Il est là. Il est ironiquement, à l’instar de l’Homme, une forme de vie qui cherche à grandir, qui doit se reproduire et qui est sommée de conquérir.

D’ailleurs, notre organisme est constitué de milliards de virus qui participent à notre homéostasie interne. L’homme est un parent des virus, puisque le génome humain comprend à plus de 90% des virus et des rétrovirus qui ont collaboré à notre évolution. L’homme s’est toujours nourri de sa propre mort pour la conquête de nouveaux territoires. Nous sommes également des virus. Et quand notre vie est menacée, plus personne ne fantasme la mort et son paradis discordant d’interdits terrestres.

Le seul paradis est sur Terre et le seul fantasme est de respirer, humer, happer l’air... sans masques. Le seul désir est de garder la primauté humaine sur Terre, quitte à vivre en prisonniers sanitaires masqués. Et l’homme s’est habitué à porter des masques pour chaque situation. Il est devenu, au fil des âges, un véritable caméléon de circonstance. Il mue en permanence. Mais est-ce qu’il est capable, le cas échéant, de transmuter ? Rien n’est moins sûr.

 

 

 

 

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