La situation sanitaire, économique et sociale qui prévaut actuellement au Maroc milite, en principe, pour un déconfinement progressif à partir du 10 juin, avec cependant le maintien de l’état d’urgence sanitaire.
Ce qui est sûr, après plus de deux mois de confinement où ils ont fait preuve d’une grande discipline, ils ont besoin de retrouver la liberté, même si elle est… conditionnelle. Car la situation devient de plus en plus intenable. Et cela pour deux raisons :
d’abord, d’un point de vue économique, l’Etat, qui ne dispose guère d’un budget élastique, ne peut maintenir indéfiniment l’économie sous perfusion, en multipliant les mesures de soutien aux ménages et aux entreprises.
Il doit forcément desserrer l’étau afin d’injecter de l’oxygène dans une économie nationale encore moribonde, qui perd 1 Md de DH par jour de confinement.
ensuite, le confinement, même s’il est censé protéger la population en limitant la propagation du coronavirus, a deux effets néfastes majeurs : il pèse lourdement sur les autres morbidités, plus difficilement prises en charge dans le contexte épidémique, et pourrait aussi être la source de l’apparition ou de l’aggravation d’autres morbidités, comme les troubles psychiques, de l’aveu même du ministère de la Santé.
En outre, le confinement pose d’autres contraintes socio-économiques importantes dans un Maroc où, il est utile de le rappeler, l’économie informelle pèse plus de 20% du PIB, hors secteur primaire, et 10% des importations formelles, d’après une étude de la CGEM. Une étude qui révèle qu’avec 2,4 millions d’emplois, l’informel de production reste un large pourvoyeur d’emplois.
Le déconfinement pose une équation d’autant plus difficile à résoudre qu’elle inclut trois variables : sanitaire, économique et sociale.
«Ces trois pôles (sanitaire, économique et social) peuvent paraître à juste titre antagonistes.
Ce qui fait que la gestion de cette situation consiste à faire des va-et-vient entre ces trois pôles. L’intelligence est de trouver un équilibre ou un deal entre l’exigence de sécurité sanitaire d’un côté, un rythme ou un rendement économique et une harmonie sociale de l’autre côté», expliquait récemment dans une interview accordée à la MAP, le Dr Abdelkrim Meziane Belfkih, chef de la Division des Maladies transmissibles à la Direction d’épidémiologie et de lutte contre les maladies relevant du ministère de la Santé.
Selon lui, «cet équilibre nous permettra de reprendre progressivement un fonctionnement socio-économique normal sans omettre notre sécurité sanitaire».
Par ailleurs, les différentes déclarations autorités ces derniers jours laissent entendre que le Maroc est sur la bonne voie pour maîtriser le coronavirus.
Même s’il y a toujours des cas de contamination, leur nombre suit, globalement, une tendance baissière. Entre le samedi 30 mai et samedi 6 juin à 18H, 437 cas confirmés ont été enregistrés, pour un total de 2.007 guérisons sur la même période.
On est bien loin de l’épisode épidémiologique enregistrée la semaine qui s'est achevée le 11 mai, avec 1.160 nouveaux cas en 7 jours, contre 838 une semaine auparavant.
Sur un autre registre, selon les informations recueillies par La Quotidienne, les hôpitaux où sont traités les patients atteints du coronavirus commencent à se vider.
Dans le point journalier du ministère de la Santé du vendredi 5 juin sur l’évolution de la situation épidémiologique du Royaume, il est ainsi fait état de 18 cas en réanimation ou soins intensifs, dont 5 sont sous respiration artificielle. Ces cas sont répartis entre la région de Casablanca-Settat (4 cas) et la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima (1 cas).
Or, nous apprend le jour même le directeur de la Planification et des ressources financières au ministère, Abdelouahab Belmadani, le Maroc dispose de 1.200 lits de réanimation avec tout l’équipement nécessaire, en plus de 1.500 lits supplémentaires pour soutenir la capacité d’accueil.
De plus, le Maroc a mis le paquet sur les tests PCR de dépistage de la Covid-19 pour dépasser le seuil de 10.000 tests par jour.
De même, le Roi Mohammed VI a donné ses hautes instructions pour un dépistage massif au sein des entreprises, à effectuer par les établissements habilités par le ministère de la Santé.
Cela, sans compter le lancement de l’application de traçage «Wiqaytna», qui renforce le dispositif de suivi des contacts.
Selon le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, trois conditions sont à remplir pour amorcer le déconfinement : la stabilité de la situation épidémiologique, la tendance à la baisse des nouveaux cas de contamination et l'inflexion de l'indicateur de propagation du virus (R0) sous la valeur 1.
A ce titre, rappelons qu’au 3 juin, le taux de reproduction (R0) a atteint 0,75%. Il diffère certes d’une région à l’autre, mais demeure inférieur à 1 sur tout le territoire national.
A ces trois conditions qui sont visiblement remplies, s’ajoutent les capacités suffisantes du système de santé actuellement, un bon potentiel en dépistage, le renforcement de la capacité de suivi de tous les cas et un stock suffisant d'équipements sanitaires.
En définitive, la situation sanitaire, économique et sociale qui prévaut actuellement au Maroc milite, en principe, pour un déconfinement progressif à partir du 10 juin, avec cependant le maintien de l’état d’urgence sanitaire (qui, pour précision, n’est pas synonyme de confinement).
«Car le confinement strict jusqu’à l’extinction des nouveaux cas est impossible», avoue le ministère de la Santé.
Le Maroc doit donc impérativement déconfiner afin de redonner du souffle à l’économie et permettre aux citoyens de retrouver une vie presque normale.
Des citoyens qui devront désormais être leur propre soignant, à travers notamment le respect strict de la distanciation physique, le port du masque…
Comparaison n’est pas raison, mais des pays comme notamment la France, où la situation est autrement plus tendue, l’ont fait.
Les citoyens ont eu confiance en l’Etat pour la gestion de la pandémie. A son tour, l'Etat doit faire confiance aux citoyens pour se conformer aux gestes barrières, seul remède contre la covid-19 au-lendemain du déconfienement.
D. Wiliam