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Viandes rouges : Les Marocains rient jaune

Viandes rouges : Les Marocains rient jaune

La viande rouge devient aujourd’hui l’un des éléments centraux du débat économique au Maroc. Face à des prix qui suivent un parcours olympien, montant de semaine en semaine, les consommateurs se retrouvent face à un dilemme culinaire : se résigner au poulet (et encore !!!) ou s’aventurer dans l’inconnu des importations internationales. 

Actuellement, les consommateurs marocains sont confrontés à une réalité concrète : le prix du kilo de viande bovine a franchi la barre des 120 dirhams, tandis que l’agneau, lui, grimpe jusqu’à 140 dirhams dans certaines villes.

Forcément, lorsque le boucher du quartier, sourire gêné et regard désolé, annonce ces tarifs, l’on rit jaune, à défaut de pousser un juron. 
Pour un pays où la consommation annuelle de viande (viande rouge + viande blanche) par ménage avoisine les 141 kg, avec plus de 55 kilos de viandes rouges par an, la situation est forcément sérieuse.

Ce n’est un secret pour personne : les épisodes de sécheresse qu’a connus le Maroc ces dernières années ont drastiquement réduit les réserves de fourrage et appauvri les pâturages.

Cette situation, combinée à l’augmentation des coûts de l’alimentation du bétail, a lourdement affecté le cheptel national.

Les producteurs de viande nationale, à bout de souffle, peinent ainsi à maintenir une offre suffisante. Et là où l’offre ne suit plus, il y a escalade des prix. Dans ce jeu de l’offre et de la demande, ce sont les consommateurs qui trinquent.

Pour contrer cette flambée, le Maroc a autorisé l’importation de viandes rouges en provenance d’une variété de pays : de l’Union européenne à l’Argentine, en passant par le Brésil et l’Australie. Les Marocains vont donc avoir accès à un catalogue international de viandes rouges. 
-    «Tu crois que celui-ci vient de Serbie ? 
-    Non, je parie que c’est un caprin canadien !». 
C’est le genre de discussion que nous aurons bientôt à table. Oui, la cuisine locale va prendre des couleurs, avec dans nos plats un brin d’exotisme venu d’Andorre, des saveurs de Nouvelle-Zélande, ou même une touche de Singapour.

Mais l’objectif de cette opération n’est pas forcément gustatif, car elle vise avant tout la stabilisation des prix, tout en garantissant que le steak brésilien ou la côtelette néo-zélandaise respecte les normes sanitaires et halal. 

D’un point de vue optimiste, on pourrait espérer que ces échanges culinaires internationaux finissent par rendre la viande rouge à la portée de tous.

Mais cette mesure suscite déjà des réserves quant à la répartition des bénéfices.

En effet, certains consommateurs craignent de voir les grands importateurs s’approprier ces nouveaux flux pour en tirer profit, créant une distorsion du marché où les prix réduits ne se répercuteront pas toujours sur les étals des bouchers, encore moins sur le consommateur final. 

Cette appréhension est d’autant plus légitime que les importations de moutons pour l’Aïd Al-Adha, une initiative pratiquement similaire, ont en grande partie échoué à réduire les prix pour les consommateurs finaux, alimentant les accusations de spéculation par des «lobbies» de la filière.
L'enjeu est donc de taille pour le gouvernement qui doit faire face à une conjoncture économique certes marquée par une diminution de l’inflation, mais caractérisée par le maintien des prix à des niveaux élevés, ce qui érode conséquemment le pouvoir d’achat des ménages.
Face à cette pression, l’Exécutif a parallèlement intensifié les mesures d’accompagnement, notamment en suspendant le droit d'importation sur les bovins, ovins, caprins et camélidés et en soutenant l’importation des aliments destinés à l’alimentation animale. 
Maintenant, il faut juste espérer que tout ce dispositif permettra aux Marocains de retrouver leurs repères culinaires à des tarifs raisonnables.

Et ce, sachant que ces mesures restent ponctuelles face à une situation qui, elle, est structurelle, avec une sécheresse qui continuera d’influer négativement sur l’élevage national pour les années à venir.

En attendant, l’assiette marocaine, traditionnellement ancrée dans son terroir, devient une fenêtre ouverte sur le monde.

Mais si cette ouverture peut faire rêver les plus aventuriers des gourmets, elle cache une réalité plus amère : celle d’une crise profonde qui continue de peser sur les éleveurs locaux, fragilisant davantage une filière qui peine à se remettre des sécheresses successives.

 

F. Ouriaghli

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