L’Office national des aéroports (ONDA) vient de dresser son bilan 2024 et de dévoiler sa stratégie «Aéroports 2030». Au menu : une croissance fulgurante, des infrastructures à repenser et des défis à la hauteur d’un Maroc qui veut s’imposer comme un hub aérien de premier plan.
Par F. Ouriaghli
L'année 2024 restera marquée d’un sceau particulier dans les annales de l’ONDA. Avec 32,7 millions de passagers, soit une augmentation spectaculaire de 5,6 millions par rapport à 2023, le Maroc confirme son attractivité aérienne. Les passagers internationaux ont représenté la part du lion avec 29,2 millions (+20%), tandis que le trafic domestique affiche une progression impressionnante de 30%, atteignant 3,5 millions.
Les mouvements aéroportuaires ont également suivi cette tendance haussière avec une croissance de 16%, tandis que le trafic de survol, baromètre du positionnement stratégique du Maroc dans les couloirs aériens mondiaux, s’est apprécié de 11%. En somme, les chiffres explosent et laissent entrevoir un besoin impérieux d’adaptation des infrastructures.
Mais le succès a son revers: les principales plateformes du pays frôlent la saturation, et certaines sont même déjà en état de congestion. Marrakech, Agadir, Tanger et Tétouan ont déjà atteint leurs limites en 2024. Casablanca, locomotive du réseau aérien marocain avec 10,5 millions de passagers en 2024, arrivera à saturation dès 2027, imposant ainsi une extension majeure qui portera sa capacité à 35 millions d’ici 2029. Même scénario pour Marrakech, dont la fréquentation affole les compteurs avec 9,3 millions de passagers (+34%).
D’ici 2028, sa capacité sera portée à 16 millions pour répondre à l’engouement touristique croissant. Agadir et Tanger suivront une trajectoire similaire, avec des extensions permettant d’accueillir 7 millions de passagers chacun à l’horizon 2028. Ces défis de capacité ne concernent pas uniquement les grandes plateformes. Tétouan, avec une progression spectaculaire de 39% en 2024, doit rapidement revoir son infrastructure pour porter sa capacité à 1 million de passagers d’ici 2027. Fès, dont l’aéroport a connu une hausse de 13%, verra sa capacité grimper à 5 millions dès 2025. Idem pour Rabat : la capacité de l’aéroport sera portée à 5 millions en 2025. Quant à Oujda et Nador, l’extension prévue devrait leur permettre d’accueillir respectivement 3 millions (2037) et 2 millions (2045) de passagers.
Des ambitions mondiales
L’organisation de la Coupe du monde 2030, co-organisée par le Maroc avec l’Espagne et le Portugal, est un catalyseur majeur pour l’aérien. La demande de transport aérien explosera durant l’événement, nécessitant une fluidité parfaite entre les aéroports marocains et les plateformes européennes. Le défi est d’assurer une expérience fluide et sans accrocs pour des millions de supporters, tout en consolidant le Maroc comme une destination footballistique et touristique incontournable.
C’est pourquoi l’ONDA ne se contente pas de colmater les brèches. Le mot d’ordre de son DG, Adel El Fakir, est clair: anticiper pour ne pas subir. Son plan stratégique repose ainsi sur trois axes majeurs, dont le premier concerne l’infrastructure, avec notamment de nouveaux terminaux, des agrandissements et des hubs modernisés. Ainsi, Casablanca bénéficiera d’un nouveau terminal conçu comme un hub régional, d’une nouvelle piste et d’une tour de contrôle ultramoderne. Autre projet phare : l’interconnexion avec la LGV, qui permettra une fluidité optimale entre le rail et l’aérien.
Le second axe concerne l’expérience passager : il ne s’agit plus seulement d’augmenter la capacité, mais aussi de révolutionner l’expérience voyageur. L’objectif est de faire des aéroports marocains des lieux de vie à part entière, avec une qualité de service digne des plus grands hubs internationaux. Enfin, le dernier volet a trait à la transformation institutionnelle. Objectif : une architecture institutionnelle repensée, un renforcement de la capacité d’autofinancement et une montée en compétences du capital humain.
Pour mener à bien cette transformation, l’ONDA, qui porte en bandoulière les valeurs de confiance, engagement et ouverture, mise sur une mobilisation sans précédent. Trois piliers seront essentiels : les partenaires institutionnels, garants d’un accompagnement stratégique et financier; le capital humain, c’est-à-dire les femmes et les hommes de l’ONDA, véritable moteur de cette mutation; et les talents, outils et sources de financements, qui permettront d’assurer l’exécution des grands chantiers. Pour autant, l’Office ne pourra réussir son pari sans un partenaire clé : Royal Air Maroc. La compagnie nationale a elle aussi revu ses ambitions à la hausse avec un plan de développement qui vise 200 avions d’ici 2037.
Un horizon ambitieux qui s’inscrit en parfaite synergie avec la montée en puissance des infrastructures aéroportuaires. Une montée en puissance qui non seulement permettra de mieux gérer le trafic, mais également de redéfinir les standards du voyage aérien au Maroc pour en faire une destination de premier choix et un hub incontournable entre l’Afrique, l’Europe et le reste du monde. Comme l’a dit El Fakir, «de la gestion du ciel à l’expansion de nos plateformes aéroportuaires, du tarmac au traitement des bagages à l’arrivée ou, au départ, de l’enregistrement à l’embarquement, le parcours client connaitra une transformation qui est déjà en marche, digitale mais aussi humaine».