• Le hackathon autour du programme de l’éducation financière en faveur des porteuses de projets en milieu rural et pré-urbain s’est tenu récemment à Rabat avec pour objectif d’impulser un changement significatif dans les comportements financiers des femmes.
• La coopération allemande au développement (GIZ), a co-initié cet évènement.
• Entretien avec Samia Farhan, conseillère pour l'autonomisation économique et financière de la femme rurale dans le cadre du projet promotion de l’entrepreneuriat (PROMET) mis en œuvre par la GIZ au Maroc.
Propos recueillis par D.M
Finances News Hebdo : Quels étaient les critères de sélection des participantes au hackathon, et comment ces critères ont-ils contribué à assurer une représentation diversifiée des femmes en milieu rural et péri-urbain ?
Samia Farhan : Lorsque nous avons envisagé l'organisation d’un hackathon pour promouvoir l'éducation financière des femmes entrepreneures en milieu rural et péri-urbain, notre objectif était de favoriser une participation active tant des femmes entrepreneures rurales que des étudiantes issues de divers horizons. Nous avons cherché à garantir une diversité à travers la participation d'étudiantes en business (ESSEC Business School), en art dramatique (ISADAC) et en dessin graphique (Flow motion School), qui ont été invitées à collaborer avec des entrepreneures issues de milieux ruraux et péri-urbains afin de mieux répondre à leurs demandes.
Fondé sur la méthodologie du Design Thinking & de l’Innovation Inversée, ce processus a impliqué la sélection de femmes présentant des aptitudes en leadership. Cela leur a permis non seulement de défendre leurs propres demandes, mais aussi de partager leurs réussites, défis et aspirations, notamment en matière financière. Par exemple, elles ont évoqué les difficultés d'accès aux services financiers et aux assurances ainsi que le manque d’implication des bénéficiaires dans la conception des programmes d’appui financier et non-financier.
Pendant le hackathon, qui s'est déroulé sur deux jours, l'implication active des femmes dans les différents sprints était essentielle. Leur participation a permis d'apporter un aspect réaliste aux résultats en les ancrant dans la réalité du terrain. De plus, elles ont offert aux étudiant.e.s la possibilité d'ajuster, lorsque nécessaire, des questions spécifiques en fonction des défis concrets auxquels les femmes entrepreneures étaient confrontées.
F.N.H : Pouvez-vous nous décrire quelques-unes des idées ou solutions innovantes qui ont émergé lors du hackathon et qui pourraient avoir un impact significatif sur l'autonomisation financière des femmes dans ces communautés ?
S.F. : L'une des solutions innovantes qui a émergé lors du hackathon et qui pourrait avoir un impact significatif sur l'autonomisation économique et financière des femmes dans ces communautés est la mise en place d'une approche collaborative et inclusive dans le développement de programmes publics d’appui à l’entrepreneuriat. Contrairement aux approches traditionnelles, qui peuvent parfois être conçues de manière top-down sans une réelle prise en compte des demandes et des réalités des femmes entrepreneures, cette approche a permis d'intégrer les femmes dès les phases initiales du processus de conception.
Concrètement, cela signifie que les femmes entrepreneures ont été impliquées dès le début pour identifier les défis auxquels elles sont confrontées dans la gestion de leurs entreprises, notamment en ce qui concerne les aspects financiers. Leurs perspectives, leurs expériences et leurs demandes ont été prises en considération pour façonner les solutions proposées lors du hackathon.
De plus, cette approche collaborative a favorisé l'intégration de diverses disciplines et compétences, à la fois parmi les étudiants participants et les femmes entrepreneures elles-mêmes. Par exemple, des étudiants en affaires, en arts dramatiques et en graphisme ont travaillé ensemble pour concevoir des solutions novatrices qui répondent aux demandes spécifiques des femmes entrepreneures en matière d'éducation financière.
L'utilisation du Design Thinking a joué un rôle crucial dans ce processus. En encourageant la créativité, l'empathie et l'itération, cette méthodologie a permis de générer des idées innovantes et pratiques, tout en assurant une approche centrée sur l'utilisateur.
En combinant une approche collaborative et inclusive avec des méthodologies telles que le Design Thinking, le hackathon a réussi à générer des solutions concrètes et adaptées qui peuvent véritablement contribuer à l'autonomisation financière des femmes entrepreneures dans les communautés rurales et péri-urbaines.
F.N.H : Comment prévoyez-vous d'adapter les outils et supports développés lors du hackathon pour répondre aux demandes spécifiques des femmes entrepreneurs en milieu rural et péri-urbain, en tenant compte des défis particuliers qu'elles rencontrent ?
S.F. : Le hackathon ne marque que le début d'un programme que nous envisageons de déployer en collaboration avec nos partenaires, notamment le ministère de l'Économie et des Finances, Bank Al-Maghrib et la Fondation marocaine pour l'éducation financière.
Dans le cadre de la conception des différents outils, nous avons prévu de conduire des focus groups et des sessions de test. Par exemple, pour le kit de jeu, nous envisageons une session de test impliquant des femmes issues de milieux ruraux. Cette approche nous permettra d'obtenir des retours directs des utilisateurs finaux et d'ajuster les outils en conséquence, afin de garantir leur pertinence et leur efficacité.
Il est important de souligner que cette initiative s'inscrit dans le cadre de la feuille de route pour l'autonomisation économique et financière des femmes rurales. Dans cette feuille de route, nous avons pris en compte non seulement les aspects financiers, mais aussi socio-culturels, qui peuvent parfois constituer le principal obstacle à l'autonomisation des femmes. En tenant compte de ces divers facteurs, nous visons à élaborer des solutions holistiques et adaptées qui répondent véritablement aux demandes des femmes entrepreneures dans les milieux ruraux et péri-urbains.
F.N.H : Quels sont les prochains pas dans le déploiement de ces initiatives dans les régions pilotes du Royaume, et comment envisagez-vous de mesurer l'impact à long terme sur les comportements financiers et le développement économique des femmes dans ces zones ?
S.F. : Après la phase de conception, nous prévoyons de déployer les résultats du programme dans deux régions pilotes spécifiques. Cette phase de déploiement sera une opportunité de tester les résultats sur le terrain dans des contextes réels.
Pour ce faire, nous pourrions notamment profiter d'occasions telles que les moussems, des festivals culturels et traditionnels largement fréquentés par les habitants des zones rurales et péri-urbaines. Ces événements offrent une plateforme idéale pour engager la communauté locale et présenter les initiatives visant à améliorer l'éducation financière des femmes entrepreneures.
Lors de ces événements, nous prévoyons de proposer des sessions interactives et des ateliers pratiques. Par exemple, nous pourrions organiser des démonstrations de l'utilisation des outils développés lors du hackathon, comme le kit de jeu éducatif ou les supports pédagogiques basés sur le storytelling. Ces activités permettront aux femmes entrepreneures de découvrir ces nouvelles ressources, d'apprendre à les utiliser efficacement et de comprendre comment elles peuvent les intégrer dans leur quotidien pour améliorer leur autonomie financière.
En outre, ces événements de déploiement offriront également l'opportunité de recueillir des feedbacks précieux auprès des femmes entrepreneures et de la communauté locale. Nous serons ainsi en mesure d'évaluer l'efficacité des solutions proposées, d'identifier d'éventuels ajustements à apporter et de continuer à affiner nos approches pour mieux répondre aux demandes spécifiques des femmes dans ces régions.