Les pluies de ces dernières semaines suscitent soulagement et espoirs et nous renvoient une image d'un Maroc revigoré par ces précipitations inespérées. Pourtant, ne nous y trompons pas : ce répit ne masque qu'à peine la réalité plus dure du stress hydrique et de notre gestion de l’eau, ainsi que les défis gigantesques que l'agriculture doit relever pour prospérer dans un climat capricieux.
Le taux de remplissage des barrages s’établit au 30 octobre 2024 à 29,51% à 4.969,6 millions de m3, soit un bond de 23,2% par rapport à l'année dernière. Certes, il s’agit d’un léger mieux, mais c'est loin d'être suffisant. Et en y regardant de plus près, certains barrages, comme celui de Oum Er Rabia, peinent à dépasser 5% de leur capacité.
C’est là tout le paradoxe : une embellie météorologique qui cache à peine les limites structurelles d'une politique de l'eau pressée de tous côtés par les aléas climatiques et qui se bat avec des années de sécheresse. Face à cette crise chronique, le gouvernement a lancé une série de mesures pour épauler le monde rural. Subventions sur les semences et les engrais, assurance agricole multirisque climatique, distribution d'orge subventionnée, gestion de l’irrigation…, tout est fait pour donner aux agriculteurs une chance de tirer le meilleur de cette campagne agricole.
Les engagements sont généreux et pleins de promesses. Mais dans ce tableau, l’eau reste la grande inconnue. Combien de pluie cet hiver ? Combien de réserves pour irriguer ces cultures qui seront mises en terre avec l’espoir d’une bonne récolte ? L’impact économique de cette campagne agricole 2024-2025 pourrait être décisif. Si la récolte céréalière se maintient dans une fourchette moyenne, soit 70 millions de quintaux, on pourrait voir le PIB agricole augmenter de 11% en 2025, stimulant une croissance globale de 4,6%, selon les prévisions du gouvernement.
Ce n’est pas rien dans un pays où l’agriculture représente une part substantielle de l’activité économique et de l’emploi rural. Mais ce chiffre dépend d’une hypothèse fragile : que les cieux soient cléments et arrosent nos champs. Au-delà de l’optimisme de surface, il faut cependant admettre que la solution aux défis de l’agriculture marocaine ne viendra pas d'une succession d'averses miraculeuses. La gestion de l’eau doit désormais dépasser la seule question des barrages.
Il s'agit de repenser le modèle agricole, trop souvent tourné vers des cultures gourmandes en eau et destinées à l'exportation. Autrement dit, s’orienter vers des cultures adaptées aux contraintes hydriques actuelles, au service d’une souveraineté alimentaire qui ne serait plus tributaire d’averses ou de prières. Ce choix, séduisant sur le papier, se révèle pour autant complexe dans une réalité de stress hydrique chronique. Alors, que faire en attendant ? Probablement la même chose qu'à chaque campagne : croiser les doigts pour avoir de la pluie et beaucoup de récolte.
Mais si ces précipitations nous rappellent une chose, c'est bien que l'abondance d’un jour ne nous prémunit pas contre les sécheresses de demain. Le gouvernement doit donc se résoudre à adopter une politique de l’eau et de l’agriculture aussi durable que réaliste. Car dans un contexte où chaque goutte compte, la résilience du Maroc ne viendra pas des pluies épisodiques, mais d’une vision qui, elle, ne doit pas s’évaporer dès les premiers rayons de soleil.
Par D. William