Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) figure parmi les activités qui ont été le plus impactées par la crise sanitaire et aussi par une conjoncture nationale et internationale défavorable marquée notamment par le renchérissement des intrants.
Face à cette situation, les opérateurs du secteur se trouvent confrontés à plusieurs contraintes notamment le manque de visibilité. Ils ont interpellé les responsables publics pour prendre les mesures nécessaires. Le gouvernement a fait part de sa préoccupation et a lancé une circulaire destinée aux maîtres d’ouvrages publics.
Celle-ci vise à prendre en compte cette situation dans la gestion de leurs relations avec les entreprises qui réalisent les ouvrages et qui n’ont pas dû faire face uniquement à la hausse des coûts des intrants, des frais de fret et de transport, mais également à la désorganisation des chaînes d’approvisionnement, des impacts des restrictions de déplacement.
«Nos entreprises souffrent grandement et continuent de souffrir de la pandémie du Covid. Plusieurs d’entre elles ont soit mis la clef sous la porte, soit endurent les affres des redressements judicaires sans parler des mesures coercitives telles que l’exclusion des marchés publics, la perte des qualifications et des classes qu’elles méritent», déplore Mohamed Mahboub, président de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics (FNBTP).
Dans une conférence de presse organisée à Rabat, des membres de cette fédération ont relaté également la réticence du secteur bancaire, l’insuffisance ou l’inadaptation des mécanismes de révision des prix et la rigidité de beaucoup de maîtres d’ouvrage plus enclins à se prévaloir d’un arsenal réglementant la commande publique largement déséquilibrée en défaveur des entreprises et prompts à appliquer les mesures coercitives, pénalités, résiliations….
«Une réflexion préliminaire générale est nécessaire. Nos entreprises ont la perception de l’existence d’un fossé entre les décideurs politiques gouvernementaux et les décideurs sur le terrain, notamment les maîtres d’ouvrage. Les premiers comprennent nos problèmes et essaient de les résoudre, les seconds s’en tiennent à leurs prérogatives, voire négocient et vident les décisions des premiers responsables publics de leur substance», souligne Mahboub.
La FNBTP indique dans son évaluation qu’elle a constaté un certain nombre de maîtres d’ouvrages publics, notamment d’établissements et d’entreprises publics ainsi que d’organismes relevant des collectivités territoriales placés sous la tutelle du ministère de l’Intérieur (en particulier les sociétés d’aménagement), qui n’ont pas fait preuve de la diligence nécessaire dans le traitement des requêtes des entreprises, voire décident de négocier les acquis de l’esprit et de la lettre de la circulaire.
«Fin juillet 2022, nous avons signalé au chef du gouvernement, à quelques jours près de la date de caducité de cette circulaire, que certains donneurs d’ordre continuent de faire fi des directives préconisées. Nos entreprises ont été souvent confrontées soit au refus ou à l’absence de réponse de la part des donneurs d’ordre pour leurs requêtes, soit à la lenteur dans l’instruction de leurs dossiers», explique Mahboub.
La FNBTP donne plus détails sur les mesures non appliquées. Il s’agit notamment de la résiliation des marchés en cours sans confiscation des garanties pécuniaires; en raison de l’impossibilité de continuation d’un marché au vu de la persistance de la conjoncture économique exceptionnelle (inflation).
La Fédération évoque également le problème de la régularisation, par avenant, des délais d’exécution des marchés en cours. Certains maîtres d’ouvrages sont même allés jusqu’à introduire des clauses de renonciation dans ces avenants. D’autres ont appliqué des pénalités de retard sur certains chantiers au cours de la période d’application de la circulaire.
La FNBTP suggère également une lecture restrictive des dispositions de ladite circulaire à la défaveur de l’entreprise. Elle fait état de la persistance du contexte économique inflationniste et le non-rétablissement de l’équilibre financier des marchés.
Elle note également que la période de la mise en application de la circulaire est extrêmement limitée. Aussi, elle déplore l’absence de retour ou le refus des requêtes visant à la revue des modalités de la révision des prix. Dans ce dernier cas, les maitres d’ouvrages sollicités refusent de procéder à la passation d’avenants, soit pour intégrer des formules de révision dans le cas des marchés à prix fermes, soit pour supprimer le plafonnement appliqué aux montants des prix révisés, ou bien pour appliquer des formules plus adaptées sur la base d’index mis à jour.