Désertification, raréfaction des pluies, vagues caniculaires, importantes chutes de neige dans certaines régions, incendies de forêts, sécheresse, perturbations profondes du passage des saisons, des barrages qui commencent à dater et qui ont grand besoin d’être consolidés, déforestation, disparition de plusieurs cours d’eau, pertes irréversibles de plusieurs nappes phréatiques … Le Maroc fait face à une sérieuse crise climatique à laquelle il faut répondre dans l’urgence en mettant en place des solutions fiables, dans la durée pour faire face aux grands bouleversements du climat.
Le premier danger consiste en une pluviométrie de plus en plus réduite. Ce qui frappe de plein fouet plusieurs secteurs économiques importants du Maroc. Déjà, il y a une décennie, on s’en souvient, en 2012, le ministère de l’Environnement marocain expliquait cette pénurie d’eau, à titre d’exemple, par les faibles précipitations. La raréfaction des pluies liée au réchauffement climatique et la surexploitation des nappes phréatiques sont effectivement des causes significatives de la pénurie d’eau douce dans la région de Drâa-Tafilalet, tout comme au Rif et à Rhamna et aussi ailleurs, dans l’Oriental, dans les provinces du Sud et même dans certaines régions du centre.
A ce propos, il faut prendre au sérieux la sonnette d’alarme tirée par le World Resources Institute (WRI). Cet organisme très crédible précise de manière claire que le Maroc atteindra un niveau de stress hydrique extrêmement élevé d’ici 2040. Il faut ici souligner que quand on parle de stress hydrique, cela équivaut à l’état dans lequel se trouve une région lorsque sa demande en eau dépasse ses ressources disponibles. Selon les spécialistes, on estime qu’une région est en stress hydrique lorsqu’elle passe sous la barre symbolique des 1.000 mètres cubes d’eau douce par habitant sur une période d’un an. Dans ce sens, selon l’ONU, le Maroc est déjà considéré en stress hydrique avec seulement 500 mètres cubes d’eau douce par habitant et par an contre 2.500 mètres cubes en 1960.
Le deuxième danger qui menace le Maroc est la déforestation. Selon les dernières études réalisées dans ce sens, chaque année, le Maroc perd en moyenne 30.000 hectares de forêts d'arganiers, à titre d’exemple. Quand on connaît la valeur de cet arbre qui ne pousse que dans deux pays au monde, on mesure toute la gravité de la situation. Cette destruction est en grande partie d'origine humaine, réalisée au profit de vastes projets immobiliers et agricoles, sans que des programmes de reboisement efficaces ne soient parallèlement menés. Selon un rapport de l’AMDH, la désertification continue de gagner du terrain, et frappe aujourd'hui plus de 200.000 hectares du sud du Maroc. Ce bilan nous montre clairement que la superficie forestière du Maroc n’atteint seulement que 9% alors que la moyenne mondiale est comprise entre 15 et 20%. Pour l’ONG marocaine, les causes sont évidentes : «Les incendies de forêts, la faiblesse des projets de reboisement, l'exploitation du bois dans des activités industrielles ou pour le chauffage accentuent cette érosion forestière».
Le troisième danger est celui des incendies de forêts, de plus en plus récurrents et qui touchent, comme on l’a bien vérifié ces derniers jours, des zones côtières se rapprochant de plus en plus de la région du Gharb, le grenier à blé du Maroc puisque les constats montrent qu’au moins 2.000 hectares de massifs forestiers, surtout de chênes et conifères, ont déjà été détruits dans les provinces de Larache, Ouazzane, Tétouan, Taza et Chefchaouen. Qu’une région comme Larache soit touchée est un signal extrêmement alarmant qu’il faut prendre à sa juste mesure, puisqu’entre cette ville et Moulay Bousselham et Kénitra il n’y a que quelques dizaines de kilomètres. C’est dire que les feux de forêts gagnent du terrain en descendant plus vers le Sud alors qu’elles étaient concentrées uniquement dans les régions du Nord du pays. Cette vague d’incendies a été ravageuse et plus dévastatrice puisqu’elle a contraint 1.156 familles à évacuer dix-sept douars dans les zones incendiées de Larache. Dans la région de Tétouan, près du port méditerranéen de Tanger, une soixantaine de maisons ont brûlé et près d’une centaine de têtes de bétail ont péri. 247 personnes y ont été évacuées. A Taza, ce sont 420 villageois qui ont dû quitter leur domicile dans huit douars. Et les chiffres ne sont pas exhaustifs. C’est dire toute la gravité de cette menace écologique qui devient ponctuelle à chaque saison estivale.
Le quatrième danger, ce sont les vagues caniculaires qui deviennent fréquentes au Maroc. Chaque été apporte son lot de fortes chaleurs, et parfois, même au printemps, le thermomètre fait des bonds dangereux. Cette année, avec 47,3°C à Marrakech, le record de 49,6°C du 19 juillet 2012 n'est pas menacé. Le record de chaleur absolu du pays, établi le 13 juillet 1961 à Smara avec une valeur de 50,3°C, reste loin lui aussi. Mais, il faut savoir que la fréquence des épisodes caniculaires constitue un réel danger qui aggrave encore la sécheresse dont souffre le Maroc et contribue à provoquer les incendies de forêts sans parler de la raréfaction de l’eau.
L’autre point qui doit nous interpeller, c’est que la canicule frappe aujourd’hui presque partout dans le pays. On le voit bien avec ces détails données par la direction de la météo qui précise que les températures vont osciller entre 46 et 48 °C dans les provinces de Sidi Slimane, Sidi Kacem, Tata, Taroudant, Assa-Zag et Smara : «Cette vague de chaleur persistera sur la majeure partie pays avec une légère baisse à l’ouest du pays. Cela dit, le temps relativement chaud persistera sur le Souss, l’intérieur et le sud du pays». Dans son bulletin, la Direction générale de la météorologie a annoncé également que les provinces de Ouezzane, Fès, Taounate, Sefrou, El Hajeb, Moulay Yacoub, Meknès, Khémisset, Khouribga, Khénifra, Béni Mellal, Fquih Ben Salah, Benslimane, Sidi Bennour, Settat, Berrechid, Rhamna, Youssoufia, Marrakech, El Kelaa des Sraghna, Chichaoua, Zagora et l’intérieur des provinces de Larache, de Kénitra, de Salé, de Skhirate-Témara et de Guelmim ont connu des températures comprises entre 40 et 45 °C.
Le cinquième point noir consiste en la grave crise des retenues des barrages marocains. Il faut savoir que cette semaine, la moyenne nationale du taux de remplissage des barrages au Maroc est seulement de 29,2%. Ce qui constitue une baisse de plus de la moitié en comparaison avec l’année 2021.
Aujourd’hui, il faut savoir que les réserves se situent à 4,8 milliards de mètres cubes (4.861,6 Mm3) alors qu’à la même date l’année dernière, elles se situaient à 7,4 milliards de mètres cubes. Sans oublier que certains barrages sont quasiment vides. C’est notamment le cas du barrage Abdelmoumen, l’un des plus importants de la région Souss-Massa, qui affiche un taux de remplissage de 2,3% contre 13,4% à la même période l’année dernière.
C’est le même constat pour le barrage Al Massira, le deuxième plus grand barrage du Royaume, qui affiche un taux de remplissage d’à peine 5% contre 11,8% il y a un an. Ses réserves actuelles s’établissent à 132,8 Mm3 contre 312,9 Mm3 en 2021. C’est le même cas pour le barrage Hassan II dont le taux de remplissage est actuellement de 9,6% contre 28,7% à la même date en 2021. Concernant les aux autres barrages importants du pays, la situation est grave. Le barrage d’Al Wahda, le plus grand du Maroc, affiche un taux de remplissage de 50,4% contre 70,7% en 2021. Quant au 3ème plus grand barrage, à savoir Bin El Ouidane, son taux de remplissage est de 13,8% contre 30% en 2021.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et montrent à quel point la situation climatique est sérieusement préoccupante au Maroc, un pays menacé de toutes parts par une géographie qui change à une vitesse très rapide. D’où l’urgence de mesures draconiennes pour rectifier le tir et sauver ce qui peut encore l’être.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste