«Le Roi a présidé jeudi un Conseil des ministres à l’issue duquel il a nommé :
• Abdellatif Loudiyi, gouverneur de Bank Al-Maghrib;
• Ahmed Reda Chami, président du Directoire de Masen;
• Mohamed Fikrat, président du Directoire du Crédit Agricole du Maroc». C’est ce que les esprits fertiles ont fait circuler jeudi dernier, tout en annonçant un Conseil des ministres le jour même. Cela paraissait tellement plausible que presque tout le monde a fini par y croire.
Finalement, le Conseil des ministres s’est bien tenu; mais vendredi. Et comme toujours, une telle rencontre réserve des annonces palpitantes et de bonnes (pour les uns) ou mauvaises (pour les autres) surprises; c’est selon.
De ce qui a été avancé au tout début de cette chronique, un seul pronostic s’est avéré juste : la nomination de Fikrat au Crédit Agricole du Maroc (CAM), qui revient par la grande porte dans le monde des affaires 19 mois après avoir quitté le Groupe Cosumar. Il remplace Noureddine Boutayeb qui, étonnamment, aura fait moins d’un an à la tête du groupe bancaire, puisqu’il y a été nommé par le Roi en juillet 2022. Un passage éclair quand on sait que son prédécesseur, Tariq Sijilmassi, a dirigé le CAM pendant 20 ans, après avoir été nommé par le Roi, Directeur général en 2003, pour devenir président du Directoire trois ans plus tard.
Pour le reste, le Souverain a nommé :
• Tarik El Aroussi, président du Directoire de la Société d'exploitation des ports;
• Housni El Ghazaoui, président du Directoire du Groupe Al Omrane;
• Mohamed Benyahya, Directeur général de l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE);
• Said Mouline, Directeur général de l’Agence marocaine de sûreté et de sécurité nucléaires et radiologiques;
• Ghassane El Machrafi, Directeur général de l’Agence marocaine du développement de la Logistique;
• Fouad Arif, Directeur général de l’Agence Maghreb Arabe Presse.
L’ombre de Abdellatif Jouahri a plané dans ce Conseil des ministres. Car la «grande annonce» attendue par la communauté des affaires était sans aucun doute celle de son remplacement à la tête de Bank Al-Maghrib. Il n’en fut rien. Elle devra prendre son mal en patience : Jouahri est toujours en poste pour l’instant, malgré le vent frais qui circule entre la Banque centrale et l’Exécutif.
Cette attente autour de l’éventuel successeur du gouverneur de BAM en particulier aura pratiquement éclipsé les autres sujets abordés lors de ce Conseil des ministres, dont l’un des plus importants concerne sans aucun les explications demandées par le Roi au ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, au sujet des résultats de la campagne agricole.
Une campagne, rappelons-le, très moyenne, avec une production céréalière qui devrait atteindre près de 55 millions de quintaux, impactée par le déficit pluviométrique sévère. Même si Sadiki met en avant une augmentation de 62% par rapport à la campagne précédente (34 millions de quintaux) et considère qu’elle est la meilleure en comparaison avec les cinq dernières années qui ont enregistré un déficit pluviométrique similaire, la consolation est maigre. Car, au final, ce niveau de production céréalière va entretenir le cercle vicieux d’une croissance du PIB molle, incapable de répondre aux défis posés par le chômage structurel au Maroc dont le taux se situe à 12,9% au premier trimestre 2023.
Avec les aléas conjoncturels, comme notamment la hausse des prix des matières premières agricoles, ainsi que les sécheresses de plus en plus récurrentes et sévères qui frappent le Royaume et plombent les ressources hydriques, les difficultés que rencontrent les agriculteurs, risquent de devenir structurelles.
Ce qui oblige le gouvernement à mettre des sous sur la table : pour cette année, il va mobiliser une enveloppe budgétaire estimée à 10 milliards de dirhams. Objectif : soutenir les aliments importés destinés au bétail et aux volailles, soutenir les matières premières agricoles importées en vue de réduire le coût de production de certains légumes et fruits, renforcer les capacités de financement du Crédit Agricole du Maroc et affecter des fonds pour l’importation du blé tendre afin d’assurer l’approvisionnement normal du marché jusqu’en décembre 2023.
Ce modèle où l’agriculture est sous assistance permanente, est-il viable et soutenable à long terme ? Quid de la croissance économique ? Quid du nouveau modèle de développement ?
F. Ouriaghli