Dr Tayeb Hamdi, chercheur en politiques et systèmes de santé, vice-président de la Fédération nationale de santé, nous explique dans quels cas utiliser les anticorps monoclonaux, comment ils fonctionnent, les risques, le coût…
Propos recueillis par Ibtissam. Z.
Finances News Hebdo : Comment fonctionnent les anticorps monoclonaux ?
Dr Tayeb Hamdi : Généralement, nous effectuons des analyses sur les personnes qui ont été atteintes par une infection du coronavirus. Ces personnes ont développé des anticorps, qui sont étudiés. Les laboratoires recherchent les anticorps qui sont efficaces contre le virus et fabriquent des anticorps qui sont similaires, sur la base de ceux détectés chez le patient. Il ne faut pas confondre avec la sérothérapie, qui consiste à injecter du sang de personnes guéries du virus et qui ont développé des anticorps, à des personnes porteuses du virus. Les anticorps monoclonaux sont indiqués aux personnes positives à la Covid-19 et symptomatiques. Le traitement doit être administré au plus tard dans les 5 jours après l’apparition des symptômes chez les personnes à risque susceptibles de développer des formes graves de la covid-19, notamment les plus de 80 ans, les malades chroniques ou obèses et celles qui sont immunodéprimées. L’injection sous forme de perfusion s’effectue en milieu hospitalier, et cela demande 1 heure durant laquelle le patient est suivi.
F.N.H. : De quelle manière ces fameux anticorps peuvent-ils être efficaces contre la covid-19 et ses variants ?
T. H. : L’efficacité des anticorps monoclonaux est toujours discutable; elle est en cours d’évaluation. Plusieurs chercheurs ne sont pas d’accord pour l’utilisation d’un seul type d’anticorps. L’efficacité de ces anticorps diffère, selon chaque type, puisqu’il y a plusieurs marques. Cette efficacité contre la souche classique elle-même diffère d’un laboratoire à l’autre. Ces anticorps monoclonaux ont montré leur efficacité contre la souche classique, d’autres ont prouvé une certaine efficacité qui, bien sûr, est diminuée par rapport aux variants. Mais, en général, la communauté scientifique préconise d’utiliser un cocktail d’anticorps, c’està-dire deux anticorps minimums dans la même injection. Cela donne plus d’efficacité sur les variants. Quand on injecte un seul type d’anticorps qui est dirigé contre une partie du virus, il y a le risque de voir émerger de nouveaux variants, pour la simple raison que l’anticorps monoclonal n’arrive pas à détruire complètement le virus. C’est pour cette raison que les chercheurs scientifiques préconisent de sélectionner le plus efficace de ces anticorps contre une partie identifiée du virus et de le reproduire en culture. L’utilisation d’un cocktail d’anticorps permet d’augmenter l’efficacité contre les nouveaux variants et d’éviter leur émergence.
F.N.H. :Le traitement à base d’anticorps monoclonal protège les catégories-cibles. Cependant, quels sont les risques qu’encourent les patients traités ?
T. H. : Il y a bien évidemment le risque d’intolérance ou d’allergie qui peut être potentiellement grave, et c’est pour cela d’ailleurs que nous envisageons une perfusion intraveineuse d’une heure à l’hôpital. Elle ne s’effectue ni en ambulatoire ni en cabinet pour justement intervenir en cas de problème. Cela impose une surveillance virologique stricte pour mesurer l’efficacité et, surtout, pour détecter une éventuelle résistance aux anticorps.
F.N.H. : Les anticorps monoclonaux sont-ils moins protecteurs que les vaccins ?
T. H. : Ce sont deux schémas différents. Les anticorps monoclonaux sont un traitement qui est prescrit à des gens qui ont déjà contracté le virus. Par contre, les vaccins sont administrés pour ne pas choper le virus. Les vaccins s’adressent à des milliards de personnes, tandis que le traitement d’anticorps concerne une petite catégorie de personnes porteuses du virus, qui sont âgées et ont des facteurs de risque très élevés. En un mot, les anticorps monoclonaux sont un traitement dédié à une petite partie vulnérable de la population. Alors que les vaccins sont destinés aux personnes saines, pour justement les protéger contre la maladie et le virus.