En raison de la diminution de la production, le Maroc se tourne vers l’importation pour couvrir la demande nationale en huile d’olive. Cette mesure va permettre de faire baisser les prix qui demeurent actuellement hors de portée pour une large majorité de consommateurs.
Par M. Ait Ouaanna
Combinée à la hausse des intrants agricoles, la sécheresse structurelle enfonce le secteur de l’huile d’olive dans une crise lourde de conséquences. Cette année encore, les Marocains devront payer plus cher pour se procurer ce produit vital, qui fait partie intégrante de leur alimentation. Selon les évaluations des prix en cours, le litre d’huile d’olive tirée de la nouvelle récolte coûte en moyenne 120 dirhams, un niveau jamais atteint auparavant.
En effet, cette flambée des prix résulte d’une baisse notable de la production. Récemment, le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Ahmed El Bouari, a fait état d’une baisse de 11 % de la production d’olives par rapport à la campagne précédente, et de 40 % par rapport à une année normale. Le responsable gouvernemental a également précisé que la production d’huile d’olive est estimée à 950.000 tonnes.
« Devenue chronique, la sécheresse dont souffre le Maroc impacte considérablement les productions agricoles, notamment celles des fruits et légumes, des viandes, des œufs et des huiles. La rareté des précipitations a fait chuter notre production d’olives, passant de 1,9 million de tonnes en 2021 à moins d’un million en 2023, soit une baisse d’environ 50 %. Cette situation a provoqué un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande, en particulier pour l’huile d’olive, dont le prix du litre a dépassé les 100 dirhams, un niveau record pour un produit indispensable dans les foyers marocains, toutes catégories sociales confondues », souligne Mohamed Jadri, économiste et directeur de l’Observatoire du travail gouvernemental.
Afin de rééquilibrer le marché et soutenir, de facto, le pouvoir d’achat des consommateurs, le gouvernement a annoncé la mise en œuvre de mesures exceptionnelles, telles que l'exonération des droits d’importation sur l’huile d’olive. Pour rappel, le Conseil de gouvernement a adopté en octobre dernier le projet de décret n° 2.24.960 portant suspension de la perception du tarif des droits d’importation applicable à l’huile d’olive vierge et l’huile d’olive extra vierge.
Rapidement après l’entrée en vigueur de cette mesure, le ministère brésilien de l’Agriculture et de l’Élevage a annoncé l’obtention du feu vert du Maroc pour l’exportation de l’huile d’olive brésilienne vers le Royaume. L'importation de l’huile d'olive va sans doute élargir l'offre, mais risque-t-elle d’affecter la compétitivité des producteurs locaux ?
Pour Mohamed Jadri, les consommateurs marocains continueront de privilégier l'huile d'olive nationale, tandis que l'huile importée servira principalement aux besoins de certains secteurs. « Ces importations visent avant tout le secteur industriel et des services, notamment les cafés, les restaurants et les hôtels, car les Marocains privilégient généralement l’huile d’olive bio, produite localement par les coopératives. L’importation va permettre de rééquilibrer le marché intérieur. Cela n’affectera pas les producteurs locaux, étant donné que la production nationale ne parvient pas à couvrir la demande. De surcroît, les ménages marocains restent attachés à l’huile d’olive locale, souvent perçue comme un produit de meilleure qualité, et donc moins enclins à consommer de l’huile importée ».
« Grâce à ces importations, les prix devraient progressivement se stabiliser, mais un retour à la normale n’est envisagé qu’à partir du deuxième ou troisième mois de l’année 2025. Cette mesure d’importation est temporaire ; elle se limite à l’année en cours. Si les conditions climatiques s’améliorent et que la production se stabilise en 2025, l’exonération sera levée, ce qui pourrait compliquer les importations pour les producteurs marocains, car les prix ne seront pas compétitifs », poursuit-il. Par ailleurs, l’expert met l'accent sur la nécessité de soutenir et d’accompagner les producteurs locaux, notamment les coopératives, afin de faire face aux effets du dérèglement climatique et de l’inflation.
« Il est impératif d’apporter un soutien direct aux producteurs locaux, notamment par des subventions, afin de les encourager à maintenir et augmenter leur production d’olives. Aussi, les coopératives doivent être appuyées dans leurs chaînes d’approvisionnement pour leur garantir des marges bénéficiaires suffisantes, ce qui est loin d’être le cas actuellement. Il est également crucial de renforcer la capacité d’exportation de ces associations, surtout que l’huile d’olive marocaine jouit d’une solide réputation pour sa qualité exceptionnelle sur les marchés internationaux », insiste-t-il.
Pour rappel, en août dernier, le ministère de l’Agriculture et la Fédération des industries de conserves des produits agricoles du Maroc (FICOPAM) avaient convenu de mesures pour soutenir le secteur oléicole. Il s’agit notamment de la mise en place de mécanismes pour lutter contre le secteur informel et les pratiques de spéculation, du maintien du dispositif visant à limiter les ventes des produits oléicoles à faible valeur ajoutée, ou encore de la facilitation de l’accès à la matière première dans de bonnes conditions.