Le Maroc est dans une posture peu confortable depuis qu’il a été placé dans la fameuse «liste grise» des paradis fiscaux établie par l’Union européenne.
Depuis, le Royaume a envoyé des signaux forts à son partenaire pour remédier à une situation qui, avouons-le, est une tache dans les relations étroites et profondes qu’entretiennent les deux parties.
A côté de la convention multilatérale signée avec l’OCDE en juin 2019, et pour être dans les petits papiers de l’UE, le projet de Loi de Finances 2020 a revu plusieurs dispositions fiscales incitatives appliquées à l’export, et qui sont d’ailleurs contradictoires avec la volonté des pouvoirs publics de dynamiser le tissu industriel.
Pourtant, la posture de l’UE n’a pas encore changé : le Maroc est toujours dans la «liste grise».
Il semble néanmoins que les choses vont bientôt bouger.
C’est ce que l’on a cru comprendre après la rencontre qui a eu lieu lundi 10 février entre l’argentier du Royaume et le commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni.
Mohamed Benchaâboun a, dans une déclaration, laissé en effet entendre que parmi les sujets abordés, il y avait «la thématique de la fiscalité au sujet de laquelle il y aura des décisions importantes qui seront prises par l'UE dans les jours à venir s'agissant de ses relations avec le Maroc».
En attendant, cette situation met en rogne certains observateurs pour qui le Maroc doit être souverain dans sa politique fiscale.
Récemment d’ailleurs, l’économiste Najib Akesbi nous rappelait que «ce sont précisément les pays du Nord qui, il y a 20 ans, 30 ans, nous recommandaient de multiplier les zones franches et offshore, les exonérations et autres avantages et dérogations aux exportateurs, parce qu’à l’époque, ça rentrait parfaitement dans leur stratégie dite de sous-traitance internationale».
«Ils nous demandent donc d’annuler ce qu’ils nous ont incités à faire, parce qu’on ne parle plus de délocalisation, qui pose des problèmes en termes d’emploi, mais plutôt de relocalisation», ajoute-t-il.
Même son de cloche au niveau de l’Alliance des économistes istiqlaliens (AEI), qui considère que chaque pays a le droit, dans le respect de la légalité internationale, de définir librement sa politique fiscale.
Mieux encore, malgré les efforts déployés par le Maroc, elle «déplore le fait que des doutes puissent encore subsister au sein de la Commission européenne pour la sortie du Maroc de la liste grise des paradis fiscaux».
Dès lors, estime l’AEI, l’UE prend le risque de mettre à mal l’attractivité de l’un de ses principaux partenaires de la rive sud de la Méditerranée, en exerçant notamment une pression non soutenable en termes de convergence fiscale sur le Maroc.
Il faut espérer que l’UE entende raison. Très vite.
D. W.