Est-ce réducteur d’assimiler l’administration à de la frustration ? Difficile de ne pas répondre par l’affirmative. Car, dans beaucoup de pays, il est difficile de trouver des citoyens qui ont une opinion positive de leur administration : ils sont soit désabusés par la qualité des services qui leur sont offerts, soit révoltés par tous ceux qui ont le courage d’être payés pour ne rien faire.
Et c’est bien là l’un des principaux reproches faits à l’Administration: les contribuables payent des gens qu’on aurait du mal à départager au concours du fonctionnaire le plus oisif de l’année. Exagéré d’affirmer cela ? Peut-être. Sauf que, depuis belle lurette, c’est cette perception-là qu’a la collectivité. Mettre tout le monde dans le même panier serait toutefois fort injuste. Il y en a qui (heureusement d’ailleurs), conscience professionnelle chevillée au corps, tentent tant bien que mal de faire tourner la machine administrative. Sauf que leurs efforts sont dilués dans le laxisme et l’incompétence d’une majorité davantage préoccupée par sa fiche de paie que par le travail qu’elle doit effectuer au profit de la collectivité. Les propos tenus par Coluche dans ce sens sont assez révélateurs. «Dans l’administration, on ne doit pas dormir au bureau le matin sinon on ne sait plus quoi faire l’après-midi», disait-il.
Bref, c’est dire qu’il y a beaucoup d’ingrédients qui creusent la distance entre les citoyens et l’administration. Mais cette distance, le Maroc compte bien la réduire. C’est de toute évidence l’ambition du nouveau ministre délégué chargé de la Réforme de l'administration et de la Fonction publique, Mohamed Ben Abdelkader. En 90 jours, il veut donner une autre image de l’administration marocaine à travers un ensemble de mesures d’urgence. Objectif : promouvoir les valeurs de probité, œuvrer pour la réforme de l’administration, améliorer les services publics en les rapprochant du citoyen et consolider les valeurs de gouvernance. Ces mesures concernent l'élaboration du projet de loi relatif au droit d’accès à l’information, l’adoption de la charte de la déconcentration administrative et l’amélioration de l’accueil des usagers.
A cela s’ajoutent la mise en place d’un système de gestion et de traitement des réclamations des citoyens, la mise en place d’un cadre réglementaire pour la simplification des procédures administratives et leur numérisation, l’institutionnalisation de la Commission nationale de lutte contre la corruption et la mise en place d’un système national centralisé et unifié de recrutement dans la fonction publique.
Très ambitieux le Mohamed Ben Abdelkader ! Fougue du nouveau venu ou volonté réelle de changer la face de l’administration marocaine ? Il a en tout cas 90 jours pour nous convaincre.■
D. W.