Les tensions sur le marché mondial du brut sont persistantes.
L’OPEP+ a décidé d’une hausse de la production, mais qui reste insuffisante pour combler le déficit découlant de l’embargo sur le pétrole russe.
A la pompe, les prix flambent.
Par D. William
La hausse des cours du pétrole fait de gros dégâts, particulièrement dans les pays grands importateurs de produits énergétiques. Le Maroc n’y échappe pas. Ses finances sont mises à rude épreuve par l’envolée des prix de l’or noir, qui flirte actuellement avec les 120 dollars le baril, sur fond de guerre russo-ukrainienne. Ainsi, au cours des quatre premiers mois de l’année, la facture énergétique a plus que doublé pour s’établir à 43,8 Mds de DH.
«Cette évolution fait suite, essentiellement, à la hausse des approvisionnements en gasoils et fuel-oils (+12,14 Mds de DH) due à l’élévation des prix qui ont presque doublé (8.833 DH/T contre 4.490 DH/T)», explique l’Office des changes, qui note qu’«en parallèle, les quantités importées ont enregistré une hausse de 15,8%». Tout porte à croire que les tensions sur les cours vont persister, et ce malgré la décision prise le 2 juin courant par les pays membres de l’OPEP+ (Organisation des pays exportateurs de pétrole) d’augmenter leur production.
Le cartel de pays exportateurs de brut a en effet davantage ouvert les vannes, en convenant notamment de porter la production de juillet à 648.000 barils par jour contre 432.000 barils fixés les mois précédents. Au total, ces chevaliers du fuel, faiseurs du marché, se sont engagés à produire 43,2 millions de barils par jour en juillet contre 42,56 millions de barils par jour en juin, tandis que la production devrait atteindre 43,85 millions de barils par jour en août. Sauf que cette hausse de la production semble insuffisante pour tirer durablement les prix vers le bas. Et cela tient à plusieurs raisons. D’abord, elle ne compense pas l’impact de l’embargo des pays occidentaux sur le pétrole russe, pays qui exporte 74% de sa production. Rappelons que l’Union européenne a récemment décidé d’interdire les importations de pétrole russe, dans le cadre des sanctions visant à pousser Vladimir Poutine à mettre fin à la guerre avec l’Ukraine.
L’embargo porte dans un premier temps sur le pétrole acheminé par bateau, soit les deux tiers des importations européennes de brut russe, avant d’être porté à 90% d’ici la fin de l’année. Ensuite, cette augmentation est répartie entre tous les membres de l’OPEP, alors que certains d’entre eux qui n’ont pu investir dans des infrastructures à cause de la chute vertigineuse des revenus pétroliers lors de la crise sanitaire, sont incapables de produire davantage. Enfin, la pandémie qui s’essouffle s’accompagne d’une reprise des activités et des déplacements en cette période estivale, favorisant ainsi la demande. Tout cela milite pour un maintien des cours du pétrole à un niveau élevé ces prochains mois, la banque d'investissement Goldman Sachs tablant sur un baril à 140 dollars cet été.
Plus de 16 DH le litre pour l’essence
Cette conjoncture internationale a des répercussions sévères sur le pouvoir d’achat des ménages marocains. Selon la dernière note de la Direction du Trésor et des finances extérieures, «en moyenne des quatre premiers mois de l’année 2022, le taux d’inflation s’est établi à +4,5% contre +0,5% un an auparavant, son plus haut niveau depuis 28 ans». Cette évolution recouvre une hausse des prix des produits alimentaires de +7,1% au lieu de -0,8% un an auparavant et, dans une moindre mesure, de celle des prix des produits non alimentaires de +2,8% après +1,3% un an auparavant, indique la même source. Et si l’Exécutif a initié un certain nombre de mesures pour essayer de contrer cette inflation importée (subvention de certains produits, suspension des droits d'importation applicables à certaines graines oléagineuses et huiles brutes, soutien aux transporteurs routiers…), elles semblent cependant très insuffisantes. Comme en témoignent les prix à la pompe qui sont dans un trend haussier depuis plusieurs mois, le gasoil s’affichant à au moins 14,10 DH le litre, tandis que l’essence flirte avec la barre des 16,5 DH le litre.
C’est dire que le soutien de 1 Md de DH accordé aux professionnels du secteur du transport routier dans le but de préserver le pouvoir d'achat, compte tenu de la conjoncture actuelle marquée par la hausse des prix des carburants, n’est pas forcément ressenti par les citoyens. Qui espéraient plutôt que le gouvernement baisse les taxes sur les produits pétroliers, dont les recettes annuelles globales moyennes atteignent 26 Mds de DH. Une option vigoureusement écartée par l’Exécutif, sous prétexte de préserver les équilibres budgétaires. Conséquence : avec des prix des matières énergétiques et alimentaires qui ont enregistré respectivement une hausse de 80% et 24,5% au titre des quatre premiers mois de l'année en cours, les Marocains prennent en pleine poire cette inflation importée. Et devront s’en accommoder au moins jusqu’à la fin de l’année, Bank Al-Maghrib tablant sur un taux d’inflation de 4,7% en 2022.