Le Roi Mohammed VI a adressé un message aux participants aux premières Assises nationales de la régionalisation avancée, qui ont ouvert leurs travaux vendredi à Agadir.
Voici le texte intégral du message royal dont lecture a été donnée par le ministre de l'Intérieur, Abdelouafi Laftit.
"Louange à Dieu, Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons.
Mesdames, Messieurs,
Nous tenons, avant tout, à saluer l’initiative qui a été prise d’organiser des Assises nationales consacrées à l’évaluation du chantier de la régionalisation avancée.
A l’évidence, notre haut patronage témoigne de l’intérêt éminent que nous accordons à ce grand chantier structurant et stratégique, depuis que nous avons procédé à son lancement.
Notre souhait est que vous considériez ce symposium comme une opportunité pour approfondir la réflexion d’ores et déjà engagée, pour échanger à propos des défis présents et futurs et pour mesurer son impact sur le développement socio-économique de notre pays.
Comme vous le savez, depuis que notre pays a recouvré son indépendance, la décentralisation territoriale est une modalité essentielle de la conduite des affaires de l’Etat, et elle a constitué un choix stratégique dans la construction de son système politique et de son organisation administrative ainsi que dans la consolidation de sa dynamique démocratique.
Ainsi, à toutes les étapes clés de son histoire, notre pays a su réserver à la décentralisation territoriale une place centrale en la mettant en œuvre dans le cadre de la dynamique des réformes constitutionnelles, politiques et administratives qui ont été successivement lancées.
Le résultat a été une refonte radicale du cadre normatif du chantier et un renforcement graduel du rôle essentiel assigné aux collectivités territoriales en matière de progrès politique et de développement socioéconomique.
Mesdames, Messieurs,
Le processus de régionalisation avancée a franchi d’importantes étapes depuis que nous avons installé la Commission consultative chargée de la conduite de ce chantier.
Ce sont d’ailleurs les conclusions de cette dernière qui ont servi de base à la conception démocratique, efficiente et participative d’un modèle marocain, axé sur le principe d’une contribution au développement intégré des collectivités territoriales, en général et des régions, en particulier.
La Constitution de 2011 a été le point culminant d’un processus au cours duquel se sont additionnés les acquis politiques et les réalisations économiques et sociales qui ont finalement donné naissance à une société démocratique moderne, gouvernée par les principes de l’Etat de droit.
En vertu de cette Constitution, les collectivités territoriales, en tête desquelles les Régions, sont décrétées comme faisant partie intégrante des institutions élues de l’Etat.
Par ailleurs, la Loi fondamentale stipule que l'organisation territoriale du Royaume, décentralisée, est fondée sur une régionalisation avancée.
Ont également été consacrés, dans le texte constitutionnel, d’autres principes de gestion décentralisée, tels qu’ils sont admis et appliqués dans les expériences internationales, pionnières en ce domaine.
Dans notre pays, l’application effective de la régionalisation avancée, de ses principes théoriques comme de ses modalités pratiques, reste tributaire de la mise en place d’une politique régionale clairement définie et réalisable en matière économique, sociale, culturelle et environnementale.
Un tel processus doit être mené en accord avec une politique publique intégrant la dimension régionale, s’appuyant sur une économie forte et efficiente, génératrice de croissance, pourvoyeuse d’emplois et garante de justice sociale et s’attachant à conférer une efficacité accrue aux programmes et aux projets entrepris au niveau territorial pour qu’ils puissent profiter réellement aux bénéficiaires ciblés.
Ainsi pourra se concrétiser la justice sociale et territoriale dont nous souhaitons qu’elle bénéficie à l’ensemble de nos citoyens.
C’est dans cette optique que nous avons veillé, dès sa mise en place, à traduire cette approche dans les faits, en prenant comme point de départ nos provinces récupérées du Sud.
Pour cela, nous avons mis en chantier un modèle de développement intégré, respectant les spécificités de la région et s’appuyant sur un large éventail de chantiers structurants, mis au service de sa population et destinés à satisfaire ses attentes.
Mesdames, Messieurs,
Comme nous l’avons souligné à maintes reprises, servir les citoyens et leur assurer la jouissance de leurs droits légitimes constituent la cause première et la finalité ultime des structures et des instances administratives, toutes catégories confondues et tous régimes juridiques et managériaux combinés.
De fait, il incombe aux collectivités territoriales, aux services déconcentrés, aux établissements publics, de mobiliser leurs ressources humaines, financières et logistiques pour offrir des prestations publiques couvrant efficacement et équitablement l’ensemble du territoire national.
Aussi, les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la régionalisation avancée, pour importants qu’ils sont, resteront en-deçà du niveau requis, s’ils ne sont pas étayés par des mesures d’accompagnement permettant aux régions d’exercer efficacement leurs différentes attributions.
Conscient que la déconcentration administrative est une condition sine qua non pour l’aboutissement de la régionalisation avancée, nous avons veillé récemment à ce que le gouvernement de notre Majesté adopte la Charte de déconcentration administrative et entreprenne sa mise en œuvre au niveau régional.
Cette Charte définit la mission et les attributions respectives des administrations centrales et déconcentrées; elle présente l’échelon régional comme le cadre idéal à la mise en cohésion des politiques publiques, à la planification des projets relevant des différents secteurs gouvernementaux ainsi qu’à la répartition, aux services déconcentrés, des missions et des ressources humaines et matérielles qui leur sont destinées.
Elle met également l’accent sur les contrats-programmes conclus entre les administrations centrales et ces services.
Les objectifs ainsi définis ne pourront être atteints sans une mobilisation de toutes les ressources potentielles et sans une implication de l’ensemble des départements ministériels, au service de la mise en œuvre effective de la Charte.
Aussi, une plus grande célérité est requise dans la préparation des plans directeurs de la déconcentration administrative qui repose sur un transfert effectif des attributions et des pouvoirs décisionnels, au niveau régional.
Mesdames, Messieurs,
Vous le savez bien : l’effort d’investissement public ne suffit pas. Il importe de le renforcer et de l’enrichir par une ouverture au secteur privé.
En l’espèce, pour favoriser l’investissement privé, il convient de lui faciliter l’accès aux informations sur les opportunités régionales, notamment celles liées aux domaines jugés prioritaires pour la Région, en particulier le capital foncier, l’aménagement territorial, les créneaux de développement.
Aussi, la réforme du système des CRI qui s’est attachée à élargir leurs compétences et à les doter d’importantes prérogatives en matière de gestion de l’investissement, constituera un mécanisme essentiel d’accompagnement pour inciter les régions à dynamiser le processus de développement économique, par l’encouragement et la promotion des entreprises.
Parallèlement, une importance particulière devra être accordée au renforcement de la coopération décentralisée internationale en tant que levier d’accompagnement du chantier de la régionalisation avancée, à la mise en place de nouveaux partenariats stratégiques capables de s’ajuster à l’action ambitieuse menée par la diplomatie marocaine à l’échelle africaine.
Sur un autre plan, comme nous l’avons déjà souligné, aussi bien dans notre Discours prononcé en 2017 à l’occasion de l’ouverture du Parlement que dans le message royal adressé, la même année, aux participants du deuxième Forum parlementaire des régions, les compétences dévolues aux collectivités territoriales en général et aux conseils régionaux en particulier, doivent être définies avec toute la précision requise pour prévenir toute confusion, interférence ou duplication des attributions. Celles-ci doivent pouvoir être élargies graduellement, en parallèle avec l’accroissement de leurs ressources humaines et financières.
Nous avons appelé à une concertation efficace pour que, parmi les compétences assignées aux régions en vertu de la loi organique, soient définies celles qui sont les plus pointues et qui ont vocation à être mises dans un premier temps, étant entendu qu’elles seront soumises à des actualisations périodiques.
A cet égard, nous engageons les départements gouvernementaux, les élites régionales et locales, ainsi que les différents acteurs concernés, à s’impliquer plus encore dans la concertation en cours pour examiner, selon une approche participative et dans des délais raisonnables, les moyens de mettre les régions en capacité d’exercer leurs compétences.
Dans la même veine, notre message adressé aux participants au 3ème Forum parlementaire sur les régions, a appelé à une contribution à l’effort de réflexion engagé autour de la mise en place d’un cadre méthodologique définissant le calendrier des étapes par lesquelles les régions devront passer dans l’exercice de leurs compétences.
La conception de ce cadre doit prendre en considération les exigences de complémentarité entre les compétences propres, partagées et transférées et doit tenir compte des capacités financières et managériales spécifiques à chaque région.
De plus, si nous saluons les efforts déployés pour rendre possible l’exercice par les régions de leurs attributions, nous insistons une fois encore sur la nécessité d'adopter une approche fondée sur les notions de gradation, d’expérience et sur la singularité des compétences de chacune d’entre elles.
Cette démarche doit être menée en accord avec le principe de subsidiarité qui est, dans la Constitution du Royaume, la clé de voûte de toute répartition des compétences, notamment entre l'Etat d'une part, et les régions et le reste des collectivités territoriales d’autre part.
Mesdames, Messieurs,
Quatre années de pratique effective se sont écoulées depuis les élections régionales et locales de 2015 qui ont donné naissance à des élites politiques régionales.
Dans ce contexte, force est de constater que le premier mandat régional a été une étape de construction fondamentale qui a jeté les assises de ce chantier important.
Une architecture concrète d'actions et de mesures a notamment permis de parachever l'arsenal juridique et réglementaire qui a rendu opérationnelles les lois organiques relatives aux collectivités territoriales.
En outre, des mesures d’accompagnement ont été prises pour aider les collectivités territoriales dans leur gestion et l’exercice de leurs compétences, conformément au principe de bonne gouvernance, et, de manière générale, pour qu’elles organisent les structures administratives régionales et qu’elles renforcent les mécanismes destinés à assurer une plus grande représentativité des femmes au sein des Conseils des Régions.
Cela ne fait aucun doute: le mandat actuel constitue un temps fondateur dans la dynamique de concrétisation de la nouvelle vision décentralisée de l'organisation territoriale.
Placée au rang le plus élevé, la Région constitue un palier essentiel dans la conduite des politiques publiques, la planification des projets et des programmes de développement.
Elle est aussi érigée en acteur incontournable aux différents niveaux stratégiques, notamment à ceux qui visent à attirer les investissements, à impulser la dynamique de développement économique, à promouvoir les entreprises.
Ce sont là autant de préalables essentiels à tout développement économique intégré.
Les premières Assises nationales constituent une plate-forme de débat et de dialogue autour des thèmes éminemment importants que vous avez retenus, et qui portent particulièrement sur les compétences dévolues aux Régions, la contractualisation et le développement régional intégré, l’administration régionale, la gouvernance financière, et la démocratie participative.
Ce choix est en phase avec les préoccupations qui sont les nôtres : la satisfaction réelle des besoins inhérents à ce grand chantier de réforme, qui est supposé apporter des solutions et des réponses aux demandes sociales et aux attentes, en matière de développement, qui s’expriment à l’échelle de tout le Royaume.
Ces solutions devront mettre à la disposition des jeunes, véritable capital immatériel et force motrice de la société, des mécanismes qui facilitent leur participation à la gestion de la chose publique, aux niveaux régional et local.
C’est aussi une importante occasion de débattre autour de l'expérience accumulée durant les quatre dernières années pour assurer la mise en œuvre des lois organiques sur les collectivités territoriales et définir les moyens de relever les multiples défis auxquels les élites régionales ont dû faire face dans l'exercice des compétences assignées aux régions.
Il s’agit en somme, de marquer un temps d’arrêt pour mener de manière approfondie une évaluation de la situation présente, afin d’envisager une nouvelle phase d’action.
Celle-ci, en même temps qu’elle s’inscrira dans la continuité, devra permettre d’affermir les règles de bonne gouvernance dans la gestion des affaires des Régions et d’aplanir les obstacles jusqu’ici rencontrés.
Lors de la prochaine étape, il conviendra en effet de concrétiser cette mutation historique avec une célérité redoublée.
De même, pour accroître la performance de l’administration des collectivités territoriales nouvellement configurées, nous tenons à rappeler la nécessité d’accompagner les élus et les fonctionnaires territoriaux, par des actions de formation et par le renforcement de leurs capacités managériales dans leurs domaines d’intervention.
Mesdames, Messieurs,
Nous soulignons l'importance de mettre à profit les mécanismes contractuels établis entre les Régions, l'État et le reste des intervenants en vue d'élaborer et de mener à bien les projets de développement prioritaires.
Certes, nous prenons acte du fait que les différentes Régions du Royaume ont pris l’initiative de mettre au point leurs programmes de développement, selon une approche participative permettant la mise en œuvre fluide de ces programmes.
Nous les invitons, néanmoins, à faire une évaluation d’étape pour redresser le cap dans la définition des projets prioritaires et leur hiérarchisation ainsi que dans l’élaboration d’une architecture renforcée des projets programmés et de leur montage financier.
Le but ultime est de garantir l’efficacité de ces projets et de parvenir à faire converger les différentes politiques et les divers programmes publics au niveau régional.
En conclusion, nous formons le souhait que ces assises nationales soient l’occasion d’engager une réflexion approfondie, une étude constructive et un dialogue sérieux, pour dresser un bilan rigoureux de la mise en œuvre du chantier de la Régionalisation avancée.
Nous attendons aussi que ces travaux débouchent sur des recommandations pratiques, qui permettront de relever le défi du développement régional, de réduire les disparités existantes, d’améliorer l’attractivité et la compétitivité au niveau des territoires. Il importe également, de s’ouvrir aux mécanismes modernes de gouvernance financière, d’assurer l’efficacité de toutes les formes de démocratie participative, d’ériger cette dernière en levier majeur de développement socio-économique intégré et durable.
Puisse Dieu vous assister, guider vos pas et couronner vos travaux de succès.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh".