Pour comprendre la grave crise politique qui prend plusieurs formes et plusieurs ramifications en Algérie, depuis au moins deux décennies, il faut savoir que ce profond et durable naufrage politique et social est étroitement lié à sa situation économique.
Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste
Un pays qui accuse un retard dans tous les secteurs, y compris celui des hydrocarbures, fer de lance de son économie du pays.
Pour tous les analystes politiques et économiques qui se sont penchés sur l’équation algérienne, c’est en premier lieu le système de rente qui est à l’origine de la banqueroute du pays.
Un système archaïque qui le plonge dans les profondeurs de tous les indices économiques et humains dans la région du Maghreb, du Sahel et en Afrique.
Avant d’analyser en profondeur la crise algérienne, arrêtons-nous sur quelques chiffres et statistiques. Les indices les plus importants sont très clairs : en ce qui concerne l’indicateur de liberté économique, l’Algérie occupe le 171ème rang mondial. Elle est 14ème au plan régional.
En ce qui concerne le classement de l’environnement des affaires, l’Algérie est 76ème sur 82 pays.
Pour l’indicateur de la liberté de la presse, l’Algérie est 141ème sur 180 pays.
En ce qui se réfère à la liberté politique, tous les indices mondiaux sont d’accord qu’il n’y a aucune liberté politique dans le pays, l’Algérie étant constamment notée d’un 6/7.
Pour le régime algérien, cette chute vertigineuse est essentiellement due à la pandémie de la Covid-19.
Ce qui est loin d’être vrai et ne correspond en rien aux réalités politiques et économiques d’un pays qui a amorcé sa chute exactement depuis 1990, après une décennie de guerre civile terrible qui a fait plus de 200.000 morts, avec des attentats, des attaques terroristes, des règlements de compte entre factions armées et l’avidité des généraux et autres caporaux qui accumulent dans des banques à l’étranger une fortune colossale, concrétisant un manque à gagner sévère pour l’Algérie, pour les populations algériennes et pour construire une économie viable pour l’avenir.
Le gouvernement de Abelmajid Tebboune répète à qui veut bien l’entendre que la croissance va revenir dès 2021, à partir du moment où les vaccins permettraient un contrôle mondial de la pandémie, ce qui redynamiserait l’économie internationale.
Sauf que l’Algérie compte parmi les derniers de la classe en Afrique en termes de politique de vaccination, avec à peine 4,1% de personnes vaccinées et un taux de 9,2% de la population totale.
Pourtant, la présidence et les économistes algériens affirment que, dans ce cas de figure, il se produirait un rebond jugé important de la croissance réelle, qui est estimée à 3,4 % du PIB en 2021. Ce qui n’est pas du tout le cas, à octobre 2021.
Toujours selon le gouvernement algérien, un retour à un niveau élevé de croissance permettrait une réduction importante du déficit budgétaire global, qui passerait à 10,3% du PIB en 2021 et à 8,7% en 2022.
La tendance serait similaire pour le déficit de la balance courante, qui serait ramené à 13,8% en 2021 et 11,1% en 2022.
Des prévisions se basant toutes sur les retombées des hydrocarbures, alors que l’Algérie devrait mettre en place de nouveaux mécanismes et de nouvelles mesures économiques pour élargir l’assiette fiscale, et mettre en place un programme visant à diversifier son économie pour arriver à limiter la dette publique interne.
Dans le cas contraire, il faut se résoudre à cette évidence qui a toujours pénalisé l’Algérie : sa forte dépendance aux hydrocarbures handicape toujours ses perspectives de développement sur le moyen terme.
De manière plus simple, les réalités économiques algériennes montrent aujourd’hui que les revenus du pays plongent constamment avec les cours des hydrocarbures, qui représentent la quasi-totalité des recettes à l'exportation, puisque l'Algérie est le sixième exportateur mondial de gaz.
Sans oublier cette rente instaurée comme modalité unique, grippant dans la durée tout un système politique et financier qui n’encourage pas les Algériens à travailler, sachant que les dés sont toujours pipés d’avance.
D’où l’explosion du chômage, la nécessité impérieuse de quitter le pays, l’immigration clandestine, les trafics de tous genres, la contrebande et d’autres sous-économies parallèles qui achèvent de suffoquer une économie qui tire la langue depuis vingt ans.
A toutes ces crises politique, économique, financière, sociale, culturelle et humaine, s’ajoute la course à l’armement qui coûte très cher à l’Algérie.
En effet, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), l’Algérie a dépensé en 2019 plus de 10,33 milliards de dollars et 9,7 milliards en 2020 dans l’achat d’armement.
Ces chiffres placent l’Algérie comme le pays qui a le plus dépensé en Afrique, ce qui constitue plus du quart des dépenses africaines. Pour la même année, l’Algérie, avec un taux de 6% du PIB, se classe deuxième au niveau mondial !
Elle n’est dépassée que par l’Arabie Saoudite, avec ses 8 %. Le Maroc, de son côté, atteint un taux de 3,1%, ce qui est moitié moins que l’Algérie.
Un indicateur de plus qui montre à quel point les priorités sont tronquées en Algérie.
Face à une crise économique et politique sans précédent qui risque de plonger le pays dans le chaos, l’armée et la junte militaire qui dirigent le pays dépensent sans compter pour acheter une grande variété d’armes qui, selon plusieurs centres d’observation et d’analyses, sont condamnées à rouiller dans le désert en attendant de déclarer la guerre, en l’occurrence à son voisin marocain, désigné comme l’ennemi à abattre.