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Maroc-Algérie : L’impossible réconciliation ?

Maroc-Algérie : L’impossible réconciliation ?

L’annonce d’un possible «accord de paix» entre le Maroc et l’Algérie, révélée par l’émissaire américain Steve Witkoff, intrigue autant qu’elle interroge. Si médiation il y a, elle ne saurait remettre en cause l’unité territoriale du Royaume.

 

Par D. William

L'annonce, surprenante, est tombée le 19 octobre  ! Interrogé par CBS News lors de l’émission 60 Minutes, Steve Witkoff, envoyé spécial de Donald Trump pour le Moyen-Orient, a lâché que son «équipe travaille sur un accord de paix entre le Maroc et l’Algérie en ce moment. Il y aura un accord de paix, à mon avis, d’ici 60 jours».

Soit. Mais si médiation américaine il y a, elle ne pourra aboutir que sur un principe cardinal : l’intégrité territoriale du Maroc n’est ni discutable, ni aménageable, quelle que soit la forme d’un éventuel accord. Autrement dit, la paix oui, la remise en cause de la souveraineté du Maroc sur son Sahara jamais. Mais nos voisins veulent-ils réellement la paix ?

Depuis des années, Rabat multiplie les gestes d’ouverture, les initiatives de bon voisinage et les propositions de mécanismes bilatéraux. En effet, comme nous l’avions déjà écrit, le Roi Mohammed VI n’a eu cesse d’inviter l’Algérie à la raison.

Dans son discours du 6 novembre 2018, à l’occasion de la Marche verte, il lançait un appel solennel: «(…) Depuis mon accession au Trône, j’ai appelé avec sincérité et bonne foi à l’ouverture des frontières entre les deux pays, à la normalisation des relations marocoalgériennes. C’est, donc, en toute clarté et en toute responsabilité que je déclare aujourd’hui la disposition du Maroc au dialogue direct et franc avec l’Algérie sœur, afin que soient dépassés les différends conjoncturels et objectifs qui entravent le développement de nos relations. A cet effet, je propose à nos frères en Algérie la création d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation (...)».

Aucune réponse du pouvoir algérien. Le 30 juillet 2021, le Souverain revenait à la charge : «(…) Nous renouvelons notre invitation sincère à nos frères en Algérie, pour œuvrer de concert et sans conditions à l’établissement de relations bilatérales fondées sur la confiance, le dialogue et le bon voisinage (…) A sa plus proche convenance, j’invite Son excellence le président algérien à œuvrer à l’unisson au développement des rapports fraternels tissés par nos deux peuples durant des années de lutte commune (…)».

Là aussi, silence radio, comme ce fut le cas un an plus tard, quand le Souverain renouvelait son invitation: «Nous aspirons à œuvrer avec la présidence algérienne pour que le Maroc et l’Algérie puissent travailler, main dans la main, à l’établissement de relations normales entre deux peuples frères, unis par l’Histoire, les attaches humaines et la communauté de destin». Le dernier acte de sagesse posé par le Roi remonte au 29 juillet dernier.

«En ma qualité de Roi du Maroc, ma position est claire et constante : le peuple algérien est un peuple frère que des attaches humaines et historiques séculaires lient au peuple marocain, particulièrement par la langue, la religion, la géographie et le destin commun. Pour toutes ces considérations, j’ai constamment tendu la main en direction de nos frères en Algérie. J’ai également exprimé la disposition du Maroc à un dialogue franc et responsable; un dialogue fraternel et sincère portant sur les différentes questions en souffrance entre les deux pays. Notre attachement inébranlable à la politique de la main tendue en direction de nos frères en Algérie procède de l’intime conviction que nous portons en nous, quant à l’unité de nos peuples et à notre capacité commune à dépasser cette situation regrettable», avait-il affirmé.

En face, Alger a toujours répondu par le dédain, niant toute implication dans le conflit, tout en continuant cependant à apporter son soutien politique, diplomatique et militaire au polisario.

 

Ligne rouge

Que Steve Witkoff promette la réconciliation en «soixante jours» n’a de sens que s’il s’appuie sur la grille onusienne. Cette grille existe déjà. Depuis 2007, l’initiative marocaine d’autonomie constitue en effet la base la plus sérieuse, réaliste et durable pour clore ce différend artificiel.

Des puissances occidentales majeures l’assument désormais ouvertement. Dès lors, l’éventuel «accord de paix» doit, de fait, sécuriser deux évidences : la souveraineté et l’intégrité territoriale du Royaume ne sont pas matière à troc et le mécanisme politique doit s’inscrire dans le seul cadre onusien, avec la participation pleine et entière des parties prenantes. Au fond, l’annonce américaine met chacun devant ses responsabilités.

Rabat a déjà ancré sa stratégie dans la constance, avec une offre d’autonomie sous souveraineté, des investissements massifs dans les provinces du Sud, une diplomatie efficace et un langage de paix. Alger peut soit continuer à retarder le processus à travers le refus des tables-rondes onusiennes, le parrainage des séparatistes du polisario et les rhétoriques guerrières et fallacieuses.

Soit faire preuve d’intelligence politique pour sortir du piège où l’a enfermée sa doctrine, et ce en s’inscrivant dans un processus d’apaisement des tensions durable avec Rabat. La paix, si elle vient, ouvrira la voie à la réouverture des frontières, à une coopération renforcée et, surtout, à la remise en mouvement d’un Maghreb longtemps asséché. Mais pour qu’elle soit durable, elle devra avoir pour socle la vérité des choses. La vérité est celle-ci : le Maroc n’a pas varié dans sa volonté d’un «dialogue fraternel et sincère». Il n’a pas varié non plus d’un iota sur son intégrité territoriale. A l’Algérie de dire, clairement, si elle est prête à souscrire à l’une sans contester l’autre. 

 

 

 

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