Adoptée à New York par 11 voix pour, aucune contre et trois abstentions, la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU marque un tournant historique dans le dossier du Sahara.
En soutenant explicitement le plan d’autonomie sous souveraineté marocaine, les Nations unies consacrent un demi-siècle d’efforts diplomatiques du Royaume et isolent Alger.
«Après cinquante ans de sacrifices, nous ouvrons un nouveau chapitre victorieux dans le processus de consécration de la marocanité du Sahara, destiné à clore définitivement le dossier de ce conflit artificiel, par une solution consensuelle fondée sur l’initiative d’autonomie». ll y a dans ces mots du Roi Mohammed VI, prononcés juste après l’adoption de la résolution historique de l’ONU en faveur du plan d’autonomie, une portée symbolique et politique qui traduit l’aboutissement d’un long combat diplomatique mené avec constance et patience.
Ainsi, il y aura donc, comme l’a dit le Souverain, «un avant et un après 31 octobre 2025».
Pas seulement dans la conscience collective marocaine, mais dans l’architecture même du dossier du Sahara tel qu’il s’est construit depuis cinquante ans dans les couloirs de l’ONU, les chancelleries occidentales et les capitales maghrébines et subsahariennes.
Car, à partir du moment où le Conseil de sécurité adopte cette grille de lecture, ce que le Maroc porte depuis 2007 cesse d’être une simple proposition nationale : c’est la référence internationale. Ce que le Conseil de sécurité vient d’entériner, sous impulsion américaine, c’est la bascule d’une posture onusienne hésitante vers un schéma unique, assumé et désormais adossé aux grandes puissances : l’autonomie sous souveraineté marocaine est la «base sérieuse et crédible pour parvenir à une solution politique au différend régional sur le Sahara».
A partir de là, tout le reste, notamment les discours de salon sur un soi-disant référendum, devient secondaire, voire folklorique.
Depuis 1975, le Maroc défend son intégrité territoriale, mais il a toujours fait face à une instance internationale, en l’occurrence les Nations unies, qui se voulait équidistante, qui appelait à «des négociations sans conditions préalables» et qui entretenait l’idée que toutes les options restaient sur la table. Ce que change la résolution du 31 octobre, c’est précisément cela : toutes les options ne sont plus sur la table. Il n’y en a plus qu’une seule : l’initiative d’autonomie.
Dans ce cadre d’ailleurs, «le Maroc procédera à l’actualisation et à la formulation détaillée de la proposition d’autonomie en vue d’une soumission ultérieure aux Nations unies. En tant que solution réaliste et applicable, elle devra constituer la seule base de négociation», fait savoir le Roi.
Dans une interview sur le plateau de 2M le 1er novembre, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et des Marocains résidant à l’étranger, a affirmé d’une manière triomphale : «nous vivons le couronnement de vingt-six ans d’engagement personnel de Sa Majesté dans ce dossier». Et d’expliquer que c'est depuis fin 1998-début 1999 que le Royaume en était arrivé à la conclusion que «le plan de règlement et le référendum étaient impraticables», en référence à la préconisation onusienne des années 1990. Constat appelant, de fait, à «un autre chemin». Et c'est à partir de 2004 que l’architecture initiale de l’autonomie est élaborée, avant d'être formalisée en avril 2007. Puisque «l’ONU n’était pas prête à en faire la référence», a-t-il expliqué, «Sa Majesté a travaillé pays par pays pour que l’autonomie devienne le référentiel des États» et la seule base de négociation concernant le Sahara.
Aboutissement d’une dynamique
Ce tournant majeur dans le dossier du Sahara marocain est donc la résultante des efforts diplomatiques consentis par le Royaume depuis plusieurs années. En cela, pour la première fois, le politique et l’économique convergent.
Les Etats-Unis, sous un Donald Trump que le Roi qualifie de «notre ami», ont ouvert la voie dès 2020 en reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le Sahara, tout en encourageant les investissements américains dans les Provinces du Sud.
L’Europe, longtemps prudente, est aujourd’hui en phase : l’UE, que certains imaginaient enfermée dans ses jurisprudences, a trouvé le moyen d’articuler droit et réalité économique en remettant de l’ordre dans ses accords commerciaux pour y inclure les Provinces du Sud, assumant l’étiquetage «Laâyoune-Sakia El Hamra» et «Dakhla-Oued Eddahab».
La France a clarifié sa parole politique et décidé de contribuer au développement économique et social des Provinces du Sud. En témoignent la visite effectuée par l'ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, du 11 au 13 novembre 2024, à Laâyoune et Dakhla, et les 150 millions d’euros posés par l’AFD sur la table.
Le Royaume-Uni a branché la diplomatie sur l’économie en mobilisant jusqu’à 5 milliards de livres via UK Export Finance. L’Espagne est déjà alignée.
Dès lors, la portée stratégique de la résolution de l’ONU réside dans le fait que les provinces du Sud ne sont plus seulement un enjeu de souveraineté, elles sont devenues un territoire d’investissement international balisé par les grandes puissances.
Le discours royal le dit sans détour : «la reconnaissance de la souveraineté économique du Royaume sur ses Provinces du Sud s’est largement étendue après que de grandes puissances économiques comme les Etats-Unis d’Amérique, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, l’Espagne et l’Union européenne ont décidé d’encourager les investissements dans ces provinces et de promouvoir les échanges commerciaux avec elles».
Quand Washington, Londres, Bruxelles et Paris disent en même temps qu’ils vont
«investir, financer et accompagner», ils ont des certitudes. Ils le font parce qu’ils considèrent que le cadre politique est suffisamment stabilisé, ou en voie de l’être, pour y déployer des capitaux.
En d’autres termes, la reconnaissance politique produit un effet d’entraînement économique. Et, cet effet d’entraînement économique rend à son tour irréversible la reconnaissance politique. C’est un cercle vertueux… pour Rabat.
Bref, ce que l’ONU vient de valider politiquement, les Européens, les Américains et certains partenaires arabes sont prêts à le sécuriser économiquement.
Alger, seule contre tous
Maintenant, la grande question est : que va faire Alger ? Quelle posture va avoir Abdelmadjid Tebboune, à qui le Roi a, une fois de plus, tendu la main pour un «dialogue fraternel sincère (…) afin que, nos différends dépassés, nous jetions les bases de relations nouvelles fondées sur la confiance, la fraternité et le bon voisinage» ?
Une fois que le Conseil de sécurité a pris position, deux voies s’ouvrent pour le pouvoir algérien:
-soit s’arc-bouter sur une ligne de refus et se mettre en porte-à-faux avec les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’UE, tous mobilisés sur des projets dans les provinces du Sud;
- soit saisir cette fenêtre pour revenir dans le jeu maghrébin et négocier une sortie honorable de cinquante ans de confrontation, c’est-à-dire, comme l’a dit le Roi avec humilité et clairvoyance, «parvenir à une solution qui sauve la face de toutes les parties, sans vainqueur, ni vaincu».
La balle est donc dans le camp de Tebboune. Et si, à l’heure où le Maroc s’apprête à accueillir la CAN 2025, ce ballon devenait enfin celui de la réconciliation maghrébine ?
F. Ouriaghli