Voilà comment une déclaration intempestive et des errements diplomatiques peuvent déstabiliser toute une région, voire être source de chaos. Tout a commencé par cette déclaration tonitruante de Donald Trump début février 2025. Le président américain, avec sa légèreté habituelle et sa volonté de démontrer sa capacité à imposer sa vision d'un «nouvel ordre mondial», proposait ni plus ni moins de déplacer les 2,4 millions d’habitants de Gaza vers l’Egypte et la Jordanie et de confier le contrôle de ce territoire en ruines aux Etats-Unis.
Objectif affiché : «reconstruire Gaza et en faire la Côte d’Azur du Moyen-Orient». L’idée paraît absurde, mais elle est prise au sérieux par Israël. Qui saisit cette opportunité avec une ferveur inquiétante, malgré les vives protestations de la communauté internationale et des pays arabes. Benjamin Netanyahu, toujours prompt à oppresser et humilier les Palestiniens sous le fallacieux prétexte de défendre les intérêts sécuritaires de l’Etat hébreu, s’est engagé à «respecter le plan Trump».
Cette déclaration, bien qu’ahurissante, s'inscrit dans une logique israélienne de longue date visant à modifier profondément la démographie et la gouvernance de Gaza. Après avoir juré d’en finir avec le Hamas et d’écarter l’Autorité palestinienne, le Premier ministre israélien voit dans ce projet une aubaine géopolitique : une Gaza vidée de ses habitants, sans adversaires politiques et transformée en vitrine sécurisée. Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, n’a pas tardé à emboîter le pas en annonçant la création d’une «agence spéciale pour le départ volontaire» des Gazaouis.
Cette agence, selon le ministère, offrirait un «accompagnement logistique» aux Gazaouis désireux de partir, avec des départs facilités par voies terrestre, aérienne et maritime. Traduction : on chasse les Palestiniens de leur terre en cachetant cette opération du sceau d’un service humanitaire cynique. Dès lors, le terme «volontaire» semble ici d'une ironie cruelle. La visite de Marco Rubio, secrétaire d’Etat américain, en Israël et en Arabie saoudite a confirmé le feu vert de Washington à ce plan surréaliste. Rubio a assuré Netanyahu du «soutien sans failles» des Etats-Unis et évoqué à Riyad la nécessité d’un arrangement «contribuant à la sécurité régionale». En langage diplomatique, cela signifie : on avance avec le plan Trump, quitte à froisser un peu le monde arabe. Ce à quoi l’Arabie saoudite s’oppose farouchement, même si elle n’entend pas compromettre ses relations avec Washington.
Vendredi prochain, un mini-sommet arabe est prévu à Riyad pour formuler une réponse commune. Officiellement, l’Egypte, la Jordanie et le monde arabe en général ont rejeté fermement toute relocalisation de populations palestiniennes, qui revient à leur signifier que leur terre, leur histoire et leur identité sont désormais frappées d’obsolescence. Quant aux chancelleries occidentales, elles ont aussi exprimé leur désapprobation. Mais sans grande conviction. L'Union européenne a dénoncé «une atteinte aux droits fondamentaux des Palestiniens», tandis que l’ONU a rappelé l’obligation «d’éviter toute forme de nettoyage ethnique».
Mais derrière ces déclarations, aucune mesure concrète n’a été annoncée. Aujourd’hui, il semble bien que Gaza soit le terrain d’une expérimentation diplomatique hasardeuse et, surtout, dangereuse. Car, au final, ce Plan Trump, présenté comme une solution innovante, semble être la recette pour raviver durablement les braises du conflit israélo-palestinien...
Par D. William