Politique Tout voir

De Mandela à Zuma : Le fil historique qui relie Rabat à Pretoria

De Mandela à Zuma : Le fil historique qui relie Rabat à Pretoria

A ceux qui pensaient que Jacob Zuma appartenait au passé sud-africain, il vient de rappeler, depuis Rabat, qu’il est encore là. Bien là. 
 

En effet, le 15 juillet 2025, Zuma, leader du parti UMkhonto we Sizwe (MK) et ancien président de la République d’Afrique du Sud, a franchi un Rubicon diplomatique concernant le Sahara marocain : son parti ne soutient plus le polisario, mais plaide désormais pour la solution d’autonomie proposée par le Royaume.

Face à Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, Zuma a déclaré sans ambages : «La solution marocaine d’autonomie permettra une gouvernance locale significative par les populations de la région du Sahara, tout en garantissant au Maroc sa souveraineté». 

Et d’ajouter que «notre parti reconnaît le contexte historique et juridique qui renforce la revendication du Maroc sur le Sahara et estime que les efforts du Maroc pour recouvrer sa pleine intégrité territoriale s’inscrivent dans la continuité de l’engagement du MK à préserver la souveraineté et l’unité des Etats africains».

Ce n’est pas un simple glissement sémantique. C’est un renversement de table. Confirmé, au demeurant, par un manifeste politique publié en juin sous le titre «Un partenariat stratégique pour l’unité africaine, l’émancipation économique et l’intégrité territoriale : Maroc». Le MK y déroule une vision claire. On y lit que le Sahara «faisait partie du Maroc avant la colonisation espagnole», que la Marche Verte fut un «acte de décolonisation» et que la communauté internationale est appelée à soutenir «une solution pragmatique, réaliste et efficace».

Pourtant, jusqu’ici, Pretoria était l’un des bastions indéboulonnables du soutien au polisario; une sorte de bras africain du discours algérien sur le Sahara.

Cette fois, le message est limpide. Et s’il vient d’un chef de file de l’opposition, il n’en est pas moins retentissant. Le MK, troisième force politique du pays au terme des élections de mai 2024, est loin d’être un groupe folklorique. Il représente une alternative sérieuse à un African National Congress (ANC) fatigué, fissuré par la corruption, les problèmes économiques et les désillusions post-apartheid.

Socle historique

La démarche de Zuma n’est pas le fruit du hasard. Il s’est appuyé sur une mémoire historique longtemps enfouie sous les convenances diplomatiques. Nelson Mandela, icône fondatrice de l’ANC, avait suivi sa formation militaire en 1962… au Maroc. 

Lorsque l'ombre oppressante de l'apartheid obscurcissait l'horizon sud-africain, le Royaume, avec une générosité sans égale, lui avait tendu la main et à son peuple opprimé. Financement, armes et entraînements : le Maroc a offert un soutien inestimable à la lutte pour la liberté en Afrique du Sud.

Ce soutien historique du Royaume au mouvement anti-apartheid est désormais réactivé par Zuma, dans une démarche de «reconnaissance», mais aussi de projection. «Nous sommes ravis et honorés d'être ici à Rabat pour approfondir le lien historique entre nos deux pays, né à l'époque de la lutte contre l'apartheid», a-t-il rappelé. 

En somme, Jacob Zuma n’a pas simplement opéré un revirement. Il a repris le fil de l’Histoire. Et le fil diplomatique marocain, tissé depuis des années par Nasser Bourita avec patience et constance, vient de récolter une victoire de poids.

Alger fulmine

Ce retournement spectaculaire s’inscrit dans une stratégie diplomatique marocaine qui a quitté depuis longtemps le registre de la réactivité pour adopter celui de l’anticipation. Et Bourita en est l’architecte discret, mais efficace.

Face à lui, l’Algérie agite toujours les mêmes drapeaux idéologiques. Mais le vent tourne. Des Etats naguère alignés sur les thèses algériennes se désolidarisent progressivement. Le front pro-polisario s’effrite de plus en plus. 

Et l’effet domino est bien réel. Depuis 2013, plusieurs pays ont retiré ou suspendu leur reconnaissance à la fantomatique RASD. La liste est parlante : Haïti (octobre 2013), Maurice (janvier 2014), Malawi (mai 2017), El Salvador (juin 2019), Guyana (novembre 2020), Pérou (septembre 2023), Equateur (octobre 2024), ou encore le Panama (novembre 2024).

C’est dire que le Maroc ne convainc pas seulement, il fédère. Et l’Algérie ? Elle fulmine. Elle accuse les coups. 

En tout cas, Jacob Zuma, lui, a frappé fort. D’autant que sa position pourrait, à terme, peser sur le paysage politique sud-africain, à la faveur notamment d’un président Ramaphosa décrié et d’un ANC affaibli, qui a perdu sa majorité absolue au Parlement lors des dernières élections.

Certes, rien ne dit que Pretoria basculera officiellement demain pour s’aligner sur le Maroc. Mais la dynamique est enclenchée. Et comme le verrou idéologique a sauté, le débat est ouvert. Et quand le débat s’installe, les mythes se fissurent. Et c’est exactement ce qu’a réussi Zuma.

F. Ouriaghli

Articles qui pourraient vous intéresser

Mardi 15 Juillet 2025

Sahara : Le parti sud-africain de Jacob Zuma apporte son soutien au plan marocain d’autonomie

Lundi 19 Fevrier 2024

Cinq villes sud-africaines dans le top 20 des endroits les plus dangereux au monde

Mardi 06 Fevrier 2024

Bourita : "L'Afrique du Sud était et restera un acteur marginal dans la question du Sahara marocain"

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required