Les relations entre le Maroc et la France s’apparentent à celles d’un couple sur le point de divorcer : elles sont froides, distantes, tendues, voire même électriques, au point qu’il suffit d’une étincelle pour que tout parte en vrille. Par «respect» certainement pour ce qu’ont été ces relations il y a quelques années, on ne se crêpe pas le chignon.
Mais convenons-en : rien ne va plus dans les relations bilatérales, contrairement à ce qu’a affirmé le président français Emmanuel Macron le 27 février dernier.
Lors d’un point de presse qui a suivi son discours consacré au partenariat entre la France et l’Afrique, il a souligné que ses relations personnelles avec le Roi Mohammed VI étaient «amicales» et «le demeureront». Ce que dément une source officielle au sein du gouvernement marocain interrogée par nos confrères de Jeune Afrique, relevant que «les relations ne sont ni amicales ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais royal et l’Élysée».
Point besoin en effet d’être un clerc pour savoir qu’un vent particulièrement frais circule entre Rabat et Paris depuis plusieurs mois. Et les sujets de frictions sont nombreux, tant le jeu de la France, malgré le discours officiel, est trouble, voire très vicieux. Nous allons en citer 3 qui légitiment parfaitement la nécessité pour Rabat de reconsidérer ses relations avec Paris.
- L’affaire Pegasus : Elle ressemble à une «gigantesque entreprise de déstabilisation internationale», comme l’a dénoncé le 17 février dernier l’avocat du Royaume en France, Me Olivier Baratelli. Car 19 mois après que le Maroc a porté plainte contre certains médias français et des ONG, qui l’accusaient d’avoir utilisé le logiciel «Pegasus» pour espionner Macron, «aucune preuve n’a été apportée à ce jour». Toute cette cabale médiatique n’aurait pu être orchestrée sans l’aval explicite des autorités françaises.
- L’affaire des visas : Le 28 septembre 2021, la France décidait de durcir les conditions d'obtention des visas à l'égard du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie. Motif : ces pays "refusent" de délivrer les laisser-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France. Médecins, opérateurs économiques, salariés, étudiants…, personne n’a été épargnée par ce que tout le monde qualifiait de chantage au visa.
Ce n’est qu’en décembre dernier que cette crise, qui a pourri les relations bilatérales pendant plus d’un an, a pris fin, à l’occasion de la visite effectuée au Maroc par la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna.
- Le vote du Parlement européen : Derrière cette résolution inouïe exhortant, entre autres, «les autorités marocaines à respecter la liberté d'expression et la liberté des médias», on ne peut que voir la main des autorités françaises. D’autant qu’elle a été activement portée par le groupe Renew Europe, dont le président n’est autre que Stéphane Séjourné. Qui est-il ? Un très proche de Macron, son ancien conseiller politique, celui-là même qui a été nommé en septembre 2022 secrétaire général de Renaissance, nouveau nom de La République en marche, laquelle a été fondée par Emmanuel Macron.
A côté de ces affaires, il y a l’attitude très ambiguë de la France à l’égard du Sahara marocain. Une France qui se dit «amie» du Maroc, mais qui, pour préserver ses intérêts économiques avec l’Algérie, préfère ne pas avoir une posture claire sur ce dossier qui concerne l’intégrité territoriale du Royaume.
Tout cela exaspère évidemment Rabat. Et ce n’est pas en faisant des déclarations cosmétiques que Macron réussira à réchauffer l’axe Paris-Rabat. Après l'annonce d'une visite au Maroc plusieurs fois reportée, le président français y est attendu théoriquement durant ce mois de mars. S’il vient, il lui faudra tenir un langage bien plus clair pour apaiser les tensions.
F. Ouriaghli