Face au ras-le-bol des populations palestiniennes qui ne croient plus en la légitimité de l’Autorité palestinienne, dirigée par Mahmoud Abbas, une figure très controversée, jugée faible et sans poids aucun face aux Israéliens et surtout vis-à-vis de la communauté internationale, la rue à Gaza et en Cisjordanie espère la libération d’un grand nom du combat de la Palestine pour avoir une terre et vivre en paix.
C’est le nom de Marwan Barghouti qui revient sur toutes les langues, surtout depuis que le Hamas a exigé du régime de Benjamin Netanyahou de libérer tous les prisonniers palestiniens, et parmi eux, le plus célèbre prisonnier d’Israël Marwan Barghouti.
Un espoir pris au sérieux par de nombreux pays notamment à Washington et en Europe, où cette guerre menée par Israël, malgré le soutien indéfectible des Occidentaux au régime de Tel-Aviv, n’est pas du tout en faveur des intérêts des grandes puissances dans la région. Surtout que le monde entier a vu et a vérifié le jeu vicieux mené par l’Occident au Moyen-Orient, justifiant les crimes contre l’humanité d’une puissance occupante et fermant les yeux face au génocide en cours à Gaza, depuis le 7 octobre 2023.
C’est dire que pour sauver la face, Washington, Paris, Londres et Berlin voudraient pousser Israël à revenir à la table des négociations, avec le retour d’un grand nom de la lutte palestinienne, capable d’amorcer un nouveau chapitre dans ce conflit qui dure depuis 75 ans.
Dans cette configuration, seul Marwan Barghouti peut incarner le renouveau, une nouvelle manière de préparer la paix et surtout sauver la Palestine avant qu’il ne soit définitivement trop tard. Ce qui semble le cas, à plus d’un égard.
L’homme de la situation
Interpellé en 2002, l’ancien chef du Tanzim, la branche armée du Fatah fondée en 1995 par Yasser Arafat, a été condamné par la justice israélienne à cinq peines de prison à perpétuité pour attentats et appartenance à une organisation terroriste.
Cela fait déjà plus de vingt ans qu’il croupit dans les geôles. Son arrestation est intervenue au moment de la Seconde Intifada, qui a duré de 2000 à 2005. Curieusement, à cette période d’assassinats ciblés de la part de l’armée israélienne, Marwan Barghouti n'a pas été assassiné. Israël a même cru qu'en le jetant en prison, il allait être oublié. Ce qui n’est pas le cas. Puisque Marwan Barghouti n’a jamais cessé d’être actif et de peser de tout son poids sur la question palestinienne.
On s’en souvient, déjà en 2006, il avait marqué les esprits en signant le fameux «Document d’entente nationale des prisonniers» entre les dirigeants emprisonnés du Fatah, du Jihad islamique, du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP) et du Hamas.
Une signature capitale dont l’objectif principal était d’assurer l’unité politique palestinienne. Un geste fort et un acte fondateur, après la disparition de Yasser Arafat.
D’ailleurs, quand on se penche sur ce texte, on note notamment qu’il appelle à la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967, à limiter la résistance palestinienne au seul territoire occupé en 1967, à respecter un cessez-le-feu mutuel, et demande aux Palestiniens de résister à l’occupation dans le respect du droit international.
Une action de grande responsabilité et d’une immense sagesse surtout à cette période noire du conflit entre Israël et la Palestine, avec des attentats, des tueries, des assassinats ciblés et des milliers de victimes.
La vision de Marwan Barghouti étant claire : il veut former du fin fond de sa cellule un gouvernement de coalition capable de plier la page du passé et d’amorcer un nouveau virage pour dépasser l’impasse qui a suivi la victoire du Hamas aux élections législatives dans la bande de Gaza.
L’homme du rassemblement
Parce qu’il jouit du respect de tous les partis impliqués dans la question palestinienne, et parce que c’est un homme de dialogue et de consensus dont le seul objectif est de réunir tous les Palestiniens sous la même bannière, celle de créer un État palestinien viable et durable, Marwan Barghouti est l’homme du rassemblement.
Il est d’ailleurs le seul à avoir pu mettre d’accord le Hamas et le Fatah. Il aurait d’ailleurs pu remporter les élections législatives qui devaient avoir lieu en 2021 et qui n’ont jamais pu se dérouler.
On s’en souvient, Mahmoud Abbas avait décidé d’annuler le scrutin arguant que les Palestiniens de Jérusalem-Est ne pouvaient pas y participer.
Pourtant, pour tous les analystes, y compris des sondages palestinien et israélien, donnaient Marwan Barghouti largement vainqueur. Ce qui aurait déjà mis Mahmoud Abbas de côté et précipité la libération de Barghouti.
Forte de cette volonté populaire de faire de Marwan Barghouti le leader incontesté de la cause palestinienne, en août 2023, son épouse Fadwa Barghouti a lancé une nouvelle campagne internationale pour pousser les instances internationales à soutenir sa libération : «Liberté pour Marwan Barghouti, le Mandela de la Palestine».
À juste titre d’ailleurs, puisque ce syndicaliste de la première heure, homme politique intègre et conciliateur, qui a passé toute sa vie entre la prison et le combat, doit sortir de prison et entamer des dialogues avec le Hamas et le Fatah pour en finir avec cette guerre, faire en sorte d’arrêter le génocide en cours et sauver ce qui peut encore l’être dans cette Palestine oubliée.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste