Le Roi Mohammed VI a adressé lundi un message au 30ème sommet de l’Union africaine (UA), dont les travaux se déroulent au siège de l’organisation continentale à Addis-Abeba. Voici le texte du message royal, dont lecture a été donnée par le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani.
«Louange à Dieu, Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons,
Monsieur le Président Paul Kagamé, Président en exercice de l’Union Africaine,
Chers Frères et Sœur, Chefs d’Etat et de Gouvernements,
Son Excellence Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’UA,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Il y a un an, le Royaume du Maroc a retrouvé sa place naturelle au sein de sa famille institutionnelle africaine. Depuis, il se réjouit d’avoir contribué, aux actions menées, aux projets initiés et aux réunions tenues, sous l’égide de Notre organisation. Il continuera à faire siennes les causes nobles du continent et œuvrera inlassablement pour la consolidation de la paix, de la stabilité et du développement du continent.
Je voudrais à cette occasion saluer l’engagement panafricain et l’action déterminée du Président Alpha Condé à la tête de Notre organisation. Grâce à sa clairvoyance et à la force de ses convictions, il a réussi à donner une grande visibilité à l’action collective africaine.
Nous n’avons aucun doute qu’avec Notre frère le Président Paul Kagamé, nouveau Président en exercice pour 2018, les importants efforts de réforme de Notre organisation seront poursuivis et que la voix de l’Afrique sera portée à l’échelle internationale. Nous l’Assurons du plein soutien du Royaume du Maroc.
Mes remerciements vont également à S.E.M Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’UA pour ses efforts inlassables en vue d’impulser une nouvelle dynamique au travail de l’Organisation.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Lors du 28ème Sommet, Vous avez bien voulu Me confier le mandat de «Leader de l’Union Africaine sur la Question de la Migration». J’ai été Honoré par cette marque d’estime émanant de Mes frères et Sœurs.
En Juillet 2017, J’ai présenté les premiers jalons d’une vision africaine commune sur la migration, à travers la Note Préliminaire qui a été présentée à Mon Frère, le Président Alpha Condé.
Aujourd’hui, Je vous soumets un document constituant l’«Agenda Africain pour la Migration ». Il a été conçu selon une approche inclusive et participative.
Il est le fruit de la concertation permanente que J’ai menée avec de nombreux Chefs d’Etat lors de Nos différents entretiens et contacts.
Il reflète une appropriation large, notamment à travers la tenue de deux réunions importantes : la Retraite Régionale du 2 novembre 2017 à Skhirate qui a réuni plus de 120 décideurs, représentants des organisations internationales, chercheurs et membres de la société civile ainsi qu’une Conférence Ministérielle organisée à Rabat, le 9 janvier 2018, à laquelle ont participé une vingtaine de Ministres, représentant les cinq sous-régions du continent, la Commission de l’UA et les Communautés Economiques Régionales.
Il comprend ainsi les idées, propositions et réflexions présentées par les institutions officielles, la société civile et les chercheurs en Afrique.
Il se veut flexible, évolutif et non juridiquement contraignant. Il doit être perçu, avant tout, comme une source d’inspiration pour notre action future sur ce dossier.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Comme vous pouvez le constater, l’Agenda Africain pour la Migration part de l’idée qu’il faut connaître le phénomène migratoire dans ses différentes dimensions pour mieux l’appréhender. Dans ce cadre, il est temps de déconstruire, «un à un» les mythes associés à la migration :
Il n’y a pas de déferlante migratoire puisque les migrants ne représentent que 3,4% de la population mondiale.
La migration africaine est d’abord intra-africaine. Sur le plan mondial, la migration représente moins de 14% de la population. A l’échelle africaine, 4 migrants africains sur 5 restent dans le continent.
La migration n’appauvrit pas les pays d’accueil, puisque 85% des revenus des migrants restent dans ces pays.
La migration est un phénomène naturel qui constitue la solution et non pas le problème. Nous devons adopter une perspective positive sur la question de la migration en mettant en avant la logique humaniste de responsabilité partagée et de solidarité.
Vous conviendrez avec Moi, Chers Frères et Sœur, que la migration ramenée à ses proportions réelles, loin des mythes qui en projettent une image scandaleusement déformée, est un enjeu planétaire et crucial pour Notre continent. Elle mérite une nouvelle approche afro-centrée conciliant le réalisme, la tolérance et la primauté de la raison sur les peurs.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
L’Agenda Africain pour la Migration propose, sur la gestion migratoire, une démarche fondée sur des politiques nationales, sur une coordination sous régionale, une perspective continentale et un partenariat international.
Il suppose un changement de paradigme, une redéfinition introspective et positive de la migration, ainsi qu’une volonté politique réelle des Etats, qui ont : chacun a intérêt à ce que la migration se fasse dans la sécurité, la légalité, la régularité, l’ordre et le respect des droits humains.
Cet Agenda doit tendre à faire de la migration un levier de co-développement, un pilier de la Coopération Sud-Sud, et un vecteur de solidarité.
A cet effet, il est proposé :
La création d’un Observatoire Africain de la Migration dont le travail sera basé sur le triptyque "comprendre, anticiper et agir". Il aura pour mission de développer l’observation et l’échange d’informations entre les pays africains, afin de favoriser une gestion maîtrisée des flux migratoires. Le Maroc propose d’abriter cet Observatoire.
Un poste d’Envoyé spécial de l’UA chargé de la Migration pour coordonner les politiques de l’Union dans ce domaine.
L’Agenda Africain pour la Migration peut instruire le processus d’élaboration du Pacte Mondial pour des Migrations sûres, ordonnées et régulières.
Le Maroc qui abritera la Conférence Intergouvernementale d’adoption du Pacte Mondial ainsi que le Forum Global pour la Migration et le Développement en décembre 2018 s’engage à faire de ces rencontres multilatérales une tribune pour l'Afrique.
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Depuis 2015, plus de 6.200 migrants africains ont perdu la vie en Méditerranée. Pour que les morts des femmes, des enfants et des hommes à Lampedusa et les pratiques immondes en Libye n’aient pas été vaines, il est de notre devoir d’agir !
Combien de drames de la migration seront-ils nécessaires pour que change le regard que portent nos sociétés sur cette question ?
Plus que jamais, il est temps que Notre continent traite la Migration dans un esprit d’entière solidarité. Notre sagesse collective sera Notre principal atout pour la mise en œuvre de l’Agenda Africain pour la Migration. L’union est la clef du succès et la coopération interafricaine en est la voie.
Je Vous remercie.
Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh».