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8 Mars : Un «féminisme d'Etat» en marche…

8 Mars : Un «féminisme d'Etat» en marche…

Le 8 mars ! La Journée des droits de la femme ! 
 

 

Dès le lendemain de l'indépendance en 1956, le statut de la femme marocaine a été à l'ordre du jour. Mohammed V y était attaché; Hassan II aussi. Des actes forts, des signes d'une volonté, par touches successives, de conjuguer l'effort de l'homme et de la femme. Avec SM Mohammed VI, la question de la femme a été placée au cœur des enjeux fondamentaux du changement. Une cause sociétale. Des convictions. Et une vision. Dès le début de son règne, le souverain avait en effet clairement fixé le cap : l'on ne peut «espérer, a-t-il déclaré dans son discours du 20 août 1999, atteindre le progrès et la prospérité alors que les femmes, qui constituent la moitié de la société, voient leurs intérêts bafoués, sans tenir en compte des droits par lesquels notre sainte religion les a mises sur un pied d'égalité avec les hommes».

Modernité

Que justice leur soit rendue donc ! A ses yeux, la question féminine ne concerne pas seulement la femme : tant s'en faut. Elle porte aussi l'aspiration à être un des leviers et des vecteurs de la modernité. Du progrès social aussi. Prolongeant cette approche réformatrice, le Souverain englobe au-delà de la condition féminine une autre problématique : celle de la famille- question de cohésion sociale et de préservation de l'identité marocaine. Le «référentiel féministe» est sollicité, appuyé sur le principe d'égalité des droits. La question féminine est ainsi appréhendée au regard de la place et du rôle des femmes au sein de la famille. La vision royale ne se limite pas à des mesures inscrites au chapitre des réformes; elle va sans doute plus loin : construire de nouvelles représentations fondées sur des normes. Il s'agit d'enclencher et de consolider toute une dynamique de changement social. Respect de l'égalité, promotion de la participation des femmes : ce n'est pas un aspect isolé, mais une démarche s'insérant dans le développement. Atteindre le progrès et la prospérité, contribuer à fonder la modernité et le renouveau; mettre en place un cadre moderne éligible au développement global d'une société démocratique et moderniste : voilà les termes de référence.

Ce référentiel se retrouve pleinement dans les objectifs des Nations unies. Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, vient de les rappeler dans son message à l'occasion du 8 mars. Il a ainsi fait référence à une régression des droits des femmes dans de nombreux domaines, à leur souffrance de la montée de la pauvreté et de la violence, aux violences et services qu'elles subissent uniquement en raison de leur genre ainsi qu'à leur sous-représentation dans les postes de direction publique ou dans l'entreprise.

Acquis politiques et constitutionnels
 

Assurément, au Maroc en particulier, les acquis politiques et constitutionnels ne manquent pas; mais les réalités sont là aussi qui pèsent encore de tout leur poids dans les multiples domaines de la condition féminine. Durant les deux décennies écoulées, la réforme -phare a été sans conteste celle du Code de la famille en 2004. De grands changements par rapport à celle de 1993. Elle définit le mariage et instaure la responsabilité des deux époux en matière de direction de la famille; elle octroie la capacité matrimoniale à 18 ans; elle sanctionne de nullité le mariage forcé en exigeant l'accord des deux volontés non viciées- le consentement libre donc; elle supprime la tutelle matrimoniale pour la femme majeure; elle limite de manière très stricte la polygamie; elle supprime la répudiation au profit d'une dissolution du mariage sous le contrôle du juge; elle instaure le divorce judiciaire, le juge de la famille intervenant à tous les stades de la procédure et institue ainsi l'arbitrage dans le divorce judiciaire. Autre avancée majeure : la transmission de la nationalité de la femme à ses enfants.

Le cadre religieux est également réformé et devient un domaine supplémentaire d'intégration de la femme. Les professions religieuses sont ainsi ouvertes davantage aux femmes pour leur permettre d'exercer des fonctions traditionnellement dévolues aux femmes : Conseils des ouléma, morchidate, causeries hassaniennes, femmes adouls.

Egalité et protection

La nouvelle Constitution est venue consacrer le principe de l'égalité homme -femme. En son article 19, elle stipule que «l'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, social, culturel et environnemental». La loi 79-14 qui a créé l'Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination, a été promulguée en septembre 2017. Au plan institutionnel, d'autres acquis ont été engrangés : la loi organique N° 04-21 relative à la Chambre des représentants pour des circonscriptions régionales réservées aux femmes. Au gouvernement, la représentation des femmes a sensiblement augmenté entre 2011 (12,8%) et 2021 (29%); de même au Parlement, durant cette même période en grimpant de 17% à 24,3%; ou encore dans le corps diplomatique (35%).

Dans le champ économique et l'entrepreneuriat, bien des faits sont à relever. L'égalité professionnelle est un principe mais il faut bien relever des discriminations de fait à l'emploi ainsi que dans les conditions de travail (égalité salariale, accès des femmes aux postes de responsabilité...). Un rapport de l'UPM vient de préciser que seulement 12,8% de femmes sont entrepreneurs au Maroc. 
Les femmes sont toujours les premières victimes des disparités sociales, économiques et spatiales. Elles sont ainsi en première ligne face aux contraintes des conjonctures et des crises - telle celle de la pandémie Covid -19. Il y a lieu d'œuvrer pour que leurs droits soient effectifs; que leur taux d'intégration dans le marché du travail soit amélioré; et qu'elles puissent jouir de tous leurs droits professionnels ...

Autre problématique à ne pas évacuer : la protection de la femme dans la société. Des instruments juridiques et pratiques doivent être mis en place pour incriminer, empêcher et punir toutes les formes de violence, de discrimination, d'exploitation et d'atteinte à sa dignité. Dans cette ligne, comment ne pas évoquer la réforme du code pénal - encore en instance... - Référence est faite ici à l'interdiction du mariage des mineurs et à d’autres articles du Code de la famille dans l'esprit des principes de la Constitution de 2011. Le dossier de l'héritage aussi qui doit être appréhendé sur la base d'un dialogue serein et responsable.

Les deux dernières années, concernant la question de la femme au Maroc, ont été caractérisées par des transformations socioculturelles positives. Ce qui a fait de l'autonomisation des femmes et de l'égalité une priorité de plus en plus sensible dans la société et non un banal phénomène soulevé par les rapports sectoriels. C’est là un acquis stratégique donnant des garanties sur l'orientation générale du Maroc - État et société, et ce vers l'autonomisation des femmes et la réalisation de l'égalité.

Compromis

L'apport qualitatif du Maroc pour renforcer la tendance internationale vers l'autonomisation des femmes tient à une approche consensuelle entre les divers acteurs et intervenants. Celle-ci se base sur une vision et un ijtihad assurant le compromis des grandes références de la chari'a islamique avec les conventions internationales. Ainsi, le Maroc, au niveau de la Moudawana ou de la Constitution ou encore des lois concernant la femme, a réussi à marier raison universelle et raison nationale, respectant par-là les équilibres sociaux complexes, et contribuant à résoudre efficacement les problématiques en rapport avec l'autonomisation des femmes et l’égalité. Compte tenu des liens culturels et historiques que partage le Maroc avec les peuples d'Afrique, la diplomatie royale prônant la coopération Sud-Sud s'est toujours souciée des questions de la femme africaine. Elle se traduit par le nombre important d'accords avec les pays africains dans divers domaines ayant des effets positifs sur la réalité des femmes. L’estime exprimée aux niveaux arabe et africain ou dans le cadre des forums internationaux, vis-à-vis de l'expérience marocaine, confirme l'intérêt stratégique acquis par cette expérience : son adoption volontaire et progressive des valeurs et références universelles concernant les droits de l'homme; son attachement aux fondements civilisationnels, religieux et culturels du pays; sa capacité à engendrer le changement dans les mentalités et les idées de manière positive, progressive et croissante, à poser la question de la femme comme débat sociétal ouvert.

 

 

Par Mustapha SEHIMI
Professeur de droit, politologue 

 

 

 

 

 

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