"Il y a actuellement des personnes à la fois infectées par Omicron et Delta, et nous avons découvert une souche qui combine les deux", a affirmé vendredi le virologue chypriote Leondios Kostrikis à une chaîne de télévision locale.
Pendant le week-end, de nombreux médias internationaux ont repris cette annonce et le nom donné par les chercheurs à cette nouvelle incarnation: "Deltacron".
Le nom et l'idée sont de nature à inquiéter: un mélange entre Delta, qui a dominé la pandémie pendant une bonne partie de 2021, et Omicron, apparu en fin d'année et porté par un essor fulgurant à cause d'une très forte contagiosité.
Mais la communauté scientifique s'est rapidement montrée sceptique. Plusieurs chercheurs ont souligné qu'il était impossible de retrouver une lignée unique à la grosse vingtaine d'échantillons supposés de "Deltacron".
On peut en effet reconstituer, à partir de bases de données alimentées par les chercheurs, l'arbre généalogique, dit "phylogénétique", d'une version du virus.
Or, si "Deltacron" existait et marquait l'arrivée d'un nouveau variant, les cas recensés proviendraient d'un tronc commun de mutations successives.
Ce n'est manifestement pas le cas et les chercheurs sceptiques émettent une hypothèse plus prosaïque: des échantillons se seraient contaminés lors de leur examen en laboratoire.
"+Deltacron+ vient sûrement d'une contamination lors du séquençage", a avancé lundi sur Twitter la chercheuse Maria Van Kerkhove, qui dirige la lutte contre le Covid à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).
La vague médiatique autour de Deltacron n'est que la dernière en date après une série d'emballements depuis l'entrée en scène d'Omicron.
Les réseaux sociaux et certains titres de presse se sont enflammés au tournant de la nouvelle année autour du "flurona", surnom donné à la co-infection simultanée à la grippe ("flu" en anglais) et au coronavirus.
Cet emballement, issu d'un cas chez une femme israélienne, ne tenait pas compte du fait que les cas de doubles infections sont connus depuis le début de la pandémie, agitant plutôt l'image d'un nouveau virus.
"Il ne faut pas utiliser des mots comme Deltacron ou flurona", a prévenu Mme Kerkhove. Ils "laissent croire à une combinaison entre variants ou virus, ce qui n'est simplement pas le cas".
Enfin, nombre de médias anglo-saxons et, dans une moindre mesure, français, se sont inquiétés début 2022 de l'émergence d'un "variant français", qui présenterait de nombreuses mutations et serait lié à un grand nombre d'hospitalisations dans le sud du pays.
Ce variant, identifié comme B.1.640.2, est bien réel et a été repéré par des chercheurs britanniques début décembre. Mais il n'a en réalité été isolé que dans un nombre très limité d'échantillons et il n'y a pas de raison d'établir un rapport avec la situation difficile dans les hôpitaux d'une partie du sud de la France.
"Il n'y a eu qu'une vingtaine d'échantillons B.1640.2 pour le moment (et) on a isolé les derniers en date le 6 décembre", a remarqué sur Twitter le généticien François Balloux.
Il a regretté un emballement "absurde" au sujet de ce variant, dont l'exposition médiatique a été relancée par une étude courant décembre de chercheurs de l'IHU de Marseille, notamment signée par le professeur controversé Didier Raoult.
Ces trois cas d'emballement peuvent correspondre à des réalités. Pour Deltacron, il est bien possible que des variants existants finissent par fusionner chez des personnes infectées par les deux.
Pour le "flurona", la double infection grippe et Covid est une inquiétude réelle, ce qui pousse par exemple les autorités françaises à vivement inciter les personnes âgées à se faire vacciner contre les deux.
Enfin, les nouveaux variants restent très surveillés. Les épidémiologistes préviennent régulièrement qu'une incarnation plus contagieuse ou plus sévère du coronavirus pourrait changer le visage de l'épidémie.
"Il y a des variants qui émergent tout le temps", a rappelé lundi l'épidémiologiste français Arnaud Fontanet sur la chaîne BFMTV/RMC. Mais, ces derniers jours, "pas de variant qu'on dit préoccupant".